Quand j’étais petit et que j’ai découvert l’histoire du roi Edouard VIII et de Wallis Simpson, on m’a d’abord expliqué que le souverain avait abdiqué afin de pouvoir épouser sa compagne, une américaine divorcée : le parfum de scandale semblait aux yeux du gamin que j’étais du plus haut romantisme. Et puis, au fil des ans, de mes lectures, de mes discussions et aussi des documents qui ont été dévoilés entre-temps, les accointances du roi avec le régime nazi ont pris le pas sur l’histoire d’amour. J’ai récemment lu Edouard VIII, l’espion anglais d’Hitler, un album écrit par Esteban Mathieu et illustré par Cristian Pacurariu. Les auteurs y prennent un parti net, celui de la dimension politique, mettant de côté l’idylle.
Le récit s’ouvre sur l’abdication, donc l’information que tout le monde connaît, et remonte très vite le temps, afin de brosser le portrait d’un futur roi fainéant et fêtard, peu enclin à endosser le rôle de roi. Les auteurs retracent donc les différentes étapes du parcours, en profitant pour faire le portrait d’une Wallis intéressée par le pouvoir et l’apparat.
Néanmoins, malgré l’enthousiasme que manifeste le scénariste dans ces textes, force est de reconnaître que le dessin de Pacurariu n’est pas toujours à niveau : ses personnages sont assez beaux (j’aime beaucoup le portrait qu’il donne de Wallis, séduisante mais sèche et anguleuse), mais ses décors sont maigrelets, à peine esquissés, et parfois les personnages secondaires sont un peu expédiés. De même, quelques erreurs de bullage (queues de bulles orientées vers le mauvais personnage) rendent l’action confuse.
Il y a aussi une autre bande dessinée en deux tomes, Le Choix du Roi, par Jean-Claude Bartoll et Aurélien Morinière, chez Glénat, qui aborde le même sujet. Le fait que ce soit en deux tomes m’incite à penser qu’il y a plus de place pour développer certaines choses.
Lu dernièrement le premier tome du diptyque Chanbara (du nom du genre théâtral ou cinématographique de combats de sabre), paru au Nouveau Monde. Il s’agit d’une série écrite par Roberto Reccioni, qui a travaillé notamment sur l’excellente série transalpine Orphelins, et illustrée par Andrea Accardi, dessinateur réaliste que je connaissais pour des chroniques adolescentes (teintées parfois de fantastiques) comme Fou de toi.
On suit un jeune samouraï chargé par son daimyo de retrouver son maître, lui-même en fuite (et donc déshonoré) après une mission où trois autres sont morts. Le parcours du jeune sabreur le conduit à croiser un vieil aveugle prénommé Ichi (assurément une référence à Sabu & Ichi de Shotaro Ishinomori) et à comprendre qu’un gang rackette les populations au sein d’une organisation criminelle dont les ramifications remontent assez haut dans le pouvoir politique. Sur cette trame assez convenue, le scénariste brosse des portraits réussis : le jeune samouraï idéaliste, son maître désabusé arborant un cynisme souriant et le mentor de ce dernier affichant un sourire dissimulateur.
Si l’album met du temps à s’installer, les scènes de baston sont réellement bien ficelées, d’autant que les personnages ont verbalisé leur stratégie en amont : Accardi parvient à surprendre, grâce aux recours de compositions chocs et d’éclairages contrastés.
L’album se conclut sur un avant-goût du tome 2, et là, il va bien falloir que je le trouve, parce que ce premier volet m’a plutôt convaincu.