DJANGO (Sergio Corbucci)

REALISATEUR

Sergio Corbucci

SCENARISTES

Sergio Corbucci, Bruno Corbucci, Franco Rossetti et Piero Vivarelli

DISTRIBUTION

Franco Nero, Loredana Nusciak, José Canalejas, José Bódalo…

INFOS

Long métrage italien/espagnol
Genre : western
Année de production : 1966

Avant les étendues enneigées du Grand Silence, le vent apporta la violence dans une petite ville reculée et presque abandonnée, à l’exception d’un tenancier de saloon/maquereau et ses putes défraîchies qui s’ennuient entre deux clients…clients qui se font de plus en plus rares. Ce territoire crasseux représente une zone neutre dans l’affrontement entre des sudistes racistes, mené par le major Jackson, et des rebelles mexicains, avec à leur tête le général Hugo Rodriguez.

Arrive alors un homme habillé aux couleurs de l’Union, tirant inlassablement derrière lui un cercueil. Après avoir sauvé Maria, une prostituée métisse, il se dirige vers la ville-fantôme. Il s’appelle Django…et il a un compte à régler avec le major Jackson…

Avec son pistolero mal rasé à la morale ambivalente qui se dresse contre deux bandes rivales, Django évoque lointainement le scénario de Pour une poignée de dollars de Sergio Leone, le déclencheur de la vague des westerns spaghettis qui a déferlé dans les années 60, qui tirait lui-même son inspiration du Yojimbo de Akira Kurosawa. L’Homme Sans Nom immortalisé par Clint Eastwood est le modèle d’une grande partie des personnages qui sont apparu par la suite, dont Django qui, succès oblige, fut aussi maintes fois imité (Django est un nom qui revient régulièrement dans la pléthorique production du cinéma d’exploitation italien des années 60/70).
Grâce à ce premier grand rôle, Franco Nero, qui n’avait alors que 24 ans au moment du tournage et qui impose une solide autant que taciturne présence en « clone » du grand Clint, est devenu une star et a ensuite enchaîné les longs métrages, dans tous les genres.

Mais contrairement à l’Homme sans Nom, Django a une histoire qui le fait avancer, une raison qui est le moteur de ses actes et qui l’empêche dans un premier temps d’accorder sa confiance à la belle Maria, morte à l’intérieur au début du film et qui semble retrouver ses sentiments, une étincelle de vie au contact de Django. L’univers de Django est un univers nihiliste, où personne ne peut se faire confiance, où la mort rode à chaque instant. La photographie le reflète bien, avec deux couleurs prédominantes : gris…gris comme la boue qui s’attache aux pas des acteurs de l’histoire, gris comme un ciel sans espoir…et rouge…rouge comme les masques des hommes de Jackson, tel un Ku Klux Klan écarlate…rouge comme le sang…

Comme l’Homme sans Nom avant lui, Django subit à un moment-clé un châtiment d’une grande violence. La violence est omniprésente, outrancière (le body count est absolument ridicule…les morts se comptent par centaines), ce qui a notamment valu au long métrage de Sergio Corbucci de se faire interdire en Angleterre pendant plus de 20 ans. Brutal, un brin décousu et surtout furieusement bis, Django est le premier grand western de Sergio Corbucci (les précédents, comme L’Homme du Minnesota et Massacre au Grande Canyon, sont maintenant complètement oubliés)…qui allait encore se sublimer deux ans plus tard avec l’excellentissime Le Grand Silence.

Au sein de l’équipe de production de Django, on retrouve des noms bien connus des amateurs de cinoche de genre italien : le directeur de la photographie est Enzo Barboni, futur réalisateur et initiateur de la mode des westerns comiques avec les Trinita mettant en vedette le célèbre duo Bud Spencer et Terence Hill; l’assistant réalisateur est Ruggero Deodato, qui se fera quant à lui un nom dans l’horreur craspec (Cannibal Holocaust) et la musique est signée Luis Bacalov (Le Grand Duel), dont les thèmes ont depuis régulièrement alimenté les films de Quentin Tarantino.

When there are clouds in the skies and they are grey
You may be sad but remember that love will pass away
Oh Django, after the showers
The sun will be shining
Django
Oh, oh, oh, Django
You must go on
Oh, oh, oh, Django

Même si j’adore « Django », je lui préfère d’assez loin « Le Grand Silence », plus beau, cohérent et abouti…

C’est vrai qu’il y a un côté furieusement foutraque et bis dans ce film : c’est son charme et sa limite. Quelques très bonnes idées demeurent cependant, comme cet environnement à contre-pied (boueux et au ciel chargé de lourds nuages) et le charisme de Franco Nero, impeccable en clone du grand Clint, trimbalant son cercueil derrière lui (une image qui est évidemment entrée dans le Panthéon du western rital).
La séquence de la « mort symbolique » du héros (qui reprend donc des éléments de la structure de « Pour une poignée de dollars », où Eastwood se retrouvait à un moment dans un cercueil, avant de repartir de plus belle à l’assaut de ses adversaires) passe par une crucifixion symbolique, où les mains de Django sont martyrisées tel un pistolero messianique ; cette séquence (et celle où il dépasse ce statut de martyr) m’avait fortement marquée plus jeune.

A voir évidemment, mais en tenant compte du fait que le film est un brin surcôté malgré son importance « historique » et ses qualités évidentes pour l’amateur du genre.

Ne parlons pas de choses qui fâchent s’il vous plaît.

On est d’accord pour « Django Unchained » ; ceci dit, pour moi Tarantino a repris des couleurs avec ses « Huit Salopards »…

Effectivement, je trouve que « Le Grand Silence » est largement supérieur (en fait, c’est même probablement mon western européen préféré) mais je trouve qu’il y a un point important concernant « Django »: c’est, pour moi, le film qui a créé le genre du western spaghetti. Je précise ma pensée: si le premier film du genre est bel et bien « Pour une poignée de dollars » (que je ne trouve d’ailleurs pas très bon), je pense que les codes narratifs et esthétiques, même s’ils ne sont que l’adaptation de ceux qui existaient déjà dans les fumetti (BDs), ont été traduits pour le grand écran par Corbucci dans « Django ». Par exemple, cette séquence où les hommes de main masqués de rouge se dispersent dans la ville, dans une séquence très fantomatique, me semble tout droit tiré de « Maschera Nera » (entre autres). Et si, comme on a pu le dire, ces antagonistes sont bel et bien une évocation du KKK, ils portent tout autant la trace, pour moi, des chers Diabolik, Kriminal et consorts. Je retrouve dans Django (ou dans son successeur spirituel, « Keoma », par Enzo G. Castellari… oui, je sais, un habitué de Nanarland…), ce charme des magazines bd à 3 francs des années 60-70-80. C’est pour ça que j’ai une certaine sympathie pour le film.

Dans son livre-somme sur le sujet, Jean-François Giré parle des « 3 Sergios » comme ceux qui ont défini le western spaghetti: Leone, Solima, Corbucci. Si Leone fait des opéras et Solima des tracts politiques, Corbucci, lui, donne dans la bd. Et on a là, je crois, tous les aspects de ce style narratif. Et, selon cette vision, « Django » serait sans doute le manifeste de Corbucci et du genre du western spaghetti en général (les autres deux aspects me semblant quand même moins récurrents, malgré quelques exceptions).

Après, Franco Nero, aussi charismatique soit-il, ne sera jamais aussi bon que le couple Trintignant/Kinski (honnêtement, qui pourrait supporter pareille comparaison ?). C’est ce qui fait, à mon avis, la beauté du « Grand Silence », la mise en scène ou le scénario n’étant, à mon avis, pas forcément très supérieurs. Bon, plus le fait que c’est un western sous la neige. J’aime bien les westerns sous la neige.

Point de vue très intéressant. Je ne le partage pas totalement (principalement concernant Pour Une Poignée de Dollars), mais Django a en effet apporté des éléments qui ont durablement impacté le genre.
Dans l’ensemble, l’année 1966 fut très importante pour le spag’…les tournages se sont de plus en plus enchaînés (Corbucci a sorti 3 westerns cette année-là), c’est l’année du Bon, la Brute et le Truand, c’est l’année du Colorado de Sollima, Giuliano Gemma tournait western sur western…

Corbucci, lui, donne dans la bd.

Et il aussi influencé des auteurs de B.D., comme Swolfs pour son Durango.

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