Horreur
Long métrage britannique
Réalisé par Terence Fisher
Scénarisé par John Elder d’après le roman de Guy Endore
Avec Clifford Evans, Oliver Reed, Catherine Feller, Yvonne Romain…
Titre original : The Curse of the Werewolf
Année de production : 1961
L’âge d’or de la Hammer coïncide avec la décision de ses dirigeants de produire des films d’horreur pour contrer la concurrence grandissante de la télévision et attirer plus de spectateurs dans les cinémas. Suite au succès des premiers Quatermass (Le Monstre et La Marque), le studio londonien a commencé à s’intéresser aux monstres classiques qui firent dans les années 30/40 la gloire de la Universal après avoir reçu de leur partenaire financier américain un scénario pour un possible retour à l’écran de la créature de Frankenstein. L’idée a plu aux patrons de la Hammer, pas le script qui a été complètement réécrit pour devenir Frankenstein s’est échappé. Grand succès en salles immédiatement suivi par cet autre hit qu’est Le Cauchemar de Dracula…
Frankenstein, Dracula et la Momie ont eu chacun eu droit à une longue série de films. Mais s’il y a eu un monstre qui n’a pas rempli les caisses de la Hammer, c’est bien la figure tragique du loup-garou. Réalisé par Terence Fisher, La Nuit du Loup-Garou ne fut pas aussi rentable que les premières productions signées par le prolifique metteur en scène. La Hammer n’a donc pas consacré d’autres longs métrages aux lycanthropes…et La Nuit du Loup-Garou constituait d’ailleurs pour le studio un plan B après l’abandon d’un autre projet…
La Hammer voulait en effet tourner un film d’horreur prenant pour cadre l’inquisition espagnole mais face à la réaction négative d’associations catholiques, il a alors été décidé de rentabiliser les décors déjà construits pour un scénario très librement inspiré par le roman Le Loup-Garou de Paris de Guy Endore. L’action a donc été déplacée en Espagne et débute par un prologue particulièrement cruel qui fustige le comportement décadent d’aristocrates qui n’en ont absolument rien à faire de la souffrance des gens à leur service.
Anthony Dawson (James Bond contre le Dr No) campe ainsi un chatelain dépravé qui ridiculise un mendiant avant de l’enfermer dans une geôle et de l’y oublier. Une vingtaine d’années plus tard, l’homme a perdu l’esprit et est devenu une véritable bête. Le noble rongé par une maladie vénérienne emprisonne dans la même cellule sa servante muette qui s’est refusée à lui. La jeune femme est violée par celui qui n’a plus rien d’un être humain. Elle réussit à s’enfuir et donne naissance à un enfant marqué dès son plus jeune âge par une sombre malédiction…
La Nuit du Loup-Garou propose une variation sur le mythe car il n’est ici pas besoin d’être mordu pour devenir un loup-garou…la malédiction touche les enfants nés le même jour que le Christ, punition pour un tel « blasphème ». Seul l’amour qui l’environne peut permettre à l’humain maudit de combattre sa part animale. Le scénario de John Elder (pseudonyme de Anthony Hinds, producteur et scénariste maison) prend le temps de développer les différentes étapes de la vie de Leon Corledo, ne le faisant apparaître en adulte qu’à la moitié du métrage sous les traits d’Oliver Reed.
Après plusieurs courtes apparitions (comme dans Les Deux Visages du Docteur Jekyll), Oliver Reed trouvait là son premier grand rôle et livrait déjà une de ces interprétations fiévreuses et tourmentées qui jalonneront sa carrière. S’il y a bien quelques longueurs dans la première partie, la progression dramatique est forte. Les moments d’horreur sont aussi rares qu’efficaces, Terence Fisher jouant d’abord sur la suggestion avant un final intense qui fait intervenir une foule en colère dans la grande tradition de la Universal. Un très beau dernier acte magnifié par la réalisation de Fisher et la photographie de Arthur Grant, l’un des chefs opérateurs attitrés de la Hammer…