LA PLANÈTE DES SINGES (Franklin J. Schaffner)

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Il y a des films dont la notoriété dépasse celle de l’oeuvre dont ils se sont inspirés. C’est le cas de la franchise de La Planète des Singes. 9 longs métrages, une série télévisée, des romans, des comics, des jeux vidéos…et à l’origine un roman du français Pierre Boulle publié en 1963 (et pas le préféré de son auteur à ce qu’il paraît). Je n’ai jamais lu ce livre, j’ai donc jeté un oeil aux résumés que l’on peut trouver sur la toile et s’il en reprend la base (trois hommes, un professeur, un physicien et un journaliste…devenus des astronautes à l’écran…, explorent une planète lointaine où l’humanité est devenue primitive et où des singes évolués sont l’espèce dominante) et certains personnages (Nova, Zira, Zaius, Cornelius), la version de Franklin J. Shaffner emprunte vite son propre chemin.

Les droits du roman ont été achetés par le producteur Arthur P. Jacobs (L’Extravagant Dr Dolittle) qui démarcha plusieurs studios (tous sceptiques face à ce concept) avant de trouver un accord avec Richard Zanuck de la 20th Century Fox en 1966. Mais Jacobs a du revoir ses ambitions à la baisse, avec un budget inférieur à 6 millions de dollars. À cette période, Rod Serling, le créateur de la série télévisée La Quatrième Dimension, avait déjà passé plus d’un an à tenter de trouver le bon angle pour adapter l’histoire de Pierre Boulle (en reprenant même une idée tirée d’un épisode de la saison 1 de La Quatrième Dimension, La Flèche dans le ciel).
Le scénariste Michael Wilson fut alors amené sur la production pour donner au script sa forme définitive. Michael Wilson connaissait déjà les écrits de Pierre Boulle puisqu’il avait co-signé le scénario du Pont de la Rivière Kwai de David Lean (1957).

Blacklisté pendant le maccarthysme, Michael Wilson a particulièrement mis l’accent sur la dimension allégorique du récit, et on peut très bien voir en la scène du procès de l’astronaute Taylor, qui provoque un véritable tumulte dans la société simiesque puisqu’il bouscule totalement l’ordre établi, un écho de sa propre expérience pendant une des périodes les moins reluisantes de l’histoire américaine.
La Planète des Singes parle de sujets forts (lutte pour les droits civiques, fanatisme, obscurantisme religieux…) de manière fascinante et audacieuse, tout en maintenant une tension omniprésente, autant dans les passionnantes discussions que dans les palpitantes scènes d’action (la chasse à l’homme qui révèle les singes, admirablement réalisée et montée; l’évasion de Taylor dans les rues de la Cité des Singes). Aussi intelligent que divertissant…

Le réalisateur est l’expérimenté Franklin J. Schaffner (Patton, Papillon…), formé à la télévision pendant les années 50, et recommandé par Charlton Heston lui-même, qui avait apprécié leur collaboration sur le film historique Le Seigneur de la Guerre (1965). Sa mise en scène tire le meilleur parti des grands espaces et certains plans aux angles étranges accentuent l’effet de désorientation des astronautes lorsqu’ils sortent de leur long sommeil. Cette atmosphère particulière est renforcée par la troublante bande originale de Jerry Golsmith, rencontre entre instruments traditionnels et sons métalliques et discordants qui crée un effet organique souvent inquiétant.

La distribution est brillante. Peu impressionné par le roman de Pierre Boulle, Charlton Heston avait tout de même reconnu le potentiel de l’histoire et fut le premier à signer pour le projet. Il est excellent en astronaute cynique et désabusé qui lutte pour retrouver son humanité et sa dignité face à l’asservissement. Les comédiens qui interprètent les singes (Maurice Evans, Roddy McDowall, Kim Hunter…) arrivent savoureusement à faire ressortir la personnalité et les traits de caractère de leurs personnages respectifs sous le maquillage créé par le spécialiste John Chambers, qui fut l’un des premiers à recevoir un Oscar dans cette catégorie pour la qualité de son travail.

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Et puis il y a cette scène finale, un plan fabuleux qui est rentré dans l’Histoire du cinéma. Le visuel n’était pas inédit (principalement pour ceux qui se rappelaient des couvertures de la revue de S.F. Fantastic Universe dans les années 50), mais il a un impact indéniable qui a gardé toute sa puissance avec les années.
À ce moment précis, il n’y a plus de musique…que le bruit du ressac…que le cri de Taylor…que l’expression désespérée d’un monde qui s’est écroulé…

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La Planète des Singes a été adapté à plusieurs reprises en bande dessinée…et pour les premières, il faut se tourner vers le Japon et deux mangas publiés en 1968 et 1971.

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Pour les comics, il a fallu attendre 1974 (l’année de la diffusion de la série télévisée) et l’acquisition des droits par Marvel. Le long métrage de Franklin J. Shaffner a été adapté par Doug Moench et George Tuska dans les pages de la revue N&B Planet of the Apes (traduit en France par Lug), puis réédité en couleurs dans le comic-book Adventures on the Planet of the Apes et un hebdomadaire de Marvel UK.

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C’est fou, ça : j’ai vu le film, plus jeune, un nombre incalculable de fois (je l’adore), et pourtant je n’avais jamais remarqué le plan que tu inclus ici avec les singes muet, sourd et aveugle…! J’ignorais également que le film faisait écho à la « chasse aux sorcières rouges » des années 50, ne serait-ce que par le parcours du scénariste.
Sinon, grand film, oui ; la musique de Goldsmith incroyablement avant-gardiste dans ce cadre (même si les bidouillages pré-électro de « Planète Interdite » ont probablement exercé une influence sur son travail), le perso incarné par le « héros » Charlton Heston (tout sauf un mec sympa), cette entame « atmosphérique » presque malsaine dans son climat de dénuement et d’abandon total, cette fin incroyable, une mise en scène inspirée et puissante… autant d’audaces payantes.
Un must de la SF pelliculée !!

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Je ne comprends pas : ce sont les singes de la scène finale que présente le Doc ?

Non, ce plan intervient plus tôt dans le film. Y’a pas de singes dans la scène finale.

Pareil que toi : j’ai dû le remarquer mais sans m’en souvenir. C’est dans la deuxième partie du procès, quand tout le monde revient après avoir constaté qu’un compagnon de Taylor a été trépané, et au moment où Zira pousse la logique de la cour contre celle-ci.
C’est dingue, hein, une image aussi marquante qui s’efface de nos souvenirs : sans doute parce que le film est bourré à craquer d’images marquantes.

Jim

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Ma phrase ne faisait pas référence à la photo du dessus… :wink:

Je suis comme vous deux, je ne me rappelais plus de cette scène. Et quand j’ai revu le film il y a 2 jours, j’ai trouvé ça absolument brillant, tellement représentatif de la société des singes et surtout de l’état d’esprit qui règne dans ce procès.
Et il paraît qu’elle a été improvisée sur le tournage !

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J’ai pas tout compris ! Je pense qu’il vaut mieux que je revois le film pour comprendre de quel plan vous parlez !

Moi aussi, il va falloir que je revois le film mais je ne suis pas sûre de l’avoir dans ma DVDthèque.

J’étais encore une gamine quand je l’ai vu avec mon père au cinéma et je me rappelle surtout de la scène finale qui m’avait marquée.
J’avoue ne pas avoir vu les suites car je n’en ai pas vu l’intérêt après ce final.

Relis surtout le post de Photonik.

[size=50](Grosso modo, le Doc a inclus une image - qu’il ne commente pas, au-dessus du commentaire d’une image célèbre qu’il n’inclut pas - à laquelle Photonik réagit : celle des trois singes, lors du procès. Photonik, et moi-même, ne nous souvenions pas de cette image - celle des trois singes - en revanche nous nous souvenions, comme tout le monde ici je parie, du plan final…)[/size]

Jim

C’est bien ce que je dis : faut que je le revois !

Après le singe qui voit pas, qui entend pas, qui parle pas, voici venir Soyouz le quatrième singe : celui qui comprend rien.

:mrgreen:

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J’assume mon côté simiesque (m’enfin, question poil, je ne suis pas très bien équipé)

Des neuf films, il faut vraiment séparer les trois périodes, tout de même : Les cinq premiers, qui sont vraiment un écho de leur époque, celui de Tim Burton qui est un simple divertissement, puis les trois films récents, dont je n’ai vu que le premier et qui semblent moderniser l’histoire.

J’ai lu le livre il y a bien longtemps… Il me semble qu’il y a beaucoup de différences.

L’un d’eux est un manga de Jôji Enami, habitué des adaptations de séries TV (Il a signé des mangas adaptés de séries TV japonaises comme Ultra Q, Ultra Seven, Mighty Jack, Silver kamen, etc.), et parut dans le numéro d’avril 1968 (ils sont rapides, ces Japonais : le film est sorti chez eux le 13 avril) du mensuel Bôken ô, de la maison d’édition Akita shoten, s’étalant sur 63 pages.
Il y a aussi un titre de Mitsuru Sugaya, assistant de Jôji Enami, et auteur de Game center Arashi, mais également d’adaptations de séries TV (beaucoup de Kamen rider, Kikaider, Ganbare!! Robocon) ou de films (Ben Hur, Dirty Harry 2), ou d’autres oeuvres (Captain Future), il parut dans le Shônen Champion (toujours des éditions Akita shoten), et s’étala sur 52 pages, apparemment en 1968 aussi (c’est peut-être la suite du précédent ?).
Je ne crois pas que ces deux mangas aient eu une parution en volume relié par la suite.

Enfin, il y a un manga signé Minoru Kuroda (auteur, principalement, de mangas d’horreur), qui est sorti en volume relié le 7 juin 1971 chez Geibunsha… Je ne sais pas s’il a été prépublié auparavant.

Tori.

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Je l’ai revu tout récemment.
J’en retiens deux choses :

  • d’une part des moments de parodies assez formidables, notamment quelques jets d’acide sur le thème de la cellule familiale…
  • d’autre part le choix des acteurs, d’un côté des briques marmoréennes pour les humains, de l’autre des interprètes expressifs qui surjouent pour les singes, donnant un résultat épatant.

Pas un film génial, mais une petit péloche avec ce grincement burtonien qui fait bien ricaner.

Jim

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Rappelons une conversation que nous avions eue au sujet du film de Matt Reeves…

Et pour une généalogie plus exhaustive de la Statue de la Liberté en mode post-apo, je conseille cet article qui déterre des choses aussi lointaines qu’oubliées.

Jim

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Très intéressant, cet article… J’ai cru que son auteur ferait l’impasse sur le symbole (alors que c’est la Liberté, tout de même), mais heureusement, ce n’est pas le cas.

Ah, et la couverture de Kamandi… Kamandi emprunte bien plus que ça à La Planète des Singes

Tori.

Hardman :

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Steranko :

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