REALISATEUR
Jacques Tourneur
SCENARISTE
Ardel Wray d’après le roman Black Alibi de Cornell Woolrich
DISTRIBUTION
Dennis O’Keefe, Jean Brooks, Margo, James Bell, Isabel Jewell…
INFOS
Long métrage américain
Genre : thriller
Titre original : The Leopard Man
Année de production : 1943
Dans une ville du Nouveau-Mexique, une panthère noire s’échappe pendant un numéro de cabaret mal préparé. La même nuit, une jeune femme est tuée, vraisemblablement suite à une attaque de l’animal. Les meurtres vont alors s’enchaîner…mais Jerry Manning, le promoteur du spectacle, commence à se demander si la panthère est bien la seule responsable de toutes ces morts…
Martin Scorsese a souvent raconté sa fascination pour le cinéma de Jacques Tourneur. Pour le réalisateur de Taxi Driver et des Affranchis, « La Féline a été aussi important que Citizen Kane pour le développement d’un cinéma américain plus mature »…mature de par les thèmes abordés et par les innovations apportées par le français qui a passé l’essentiel de sa carrière à Hollywood.
Dans le livre Les Plaisirs de cinéphile, Scorsese évoque notamment l’impact sur le jeune fondu de cinéma qu’il était alors de la première scène de suspense de L’Homme-Léopard.
Dans cette scène en particulier, Consuelo, une jeune mexicaine, est envoyée chercher de la farine par sa mère. La nuit tombe et elle ne veut pas sortir à cause des rumeurs sur une bête qui se serait échappée, mais sa mama, de façon presque cruelle, ne veut rien entendre. Consuelo est presque jetée dehors et il nous reste alors à la suivre sur le chemin qui la mènera à sa mort.
Grâce à l’impeccable travail sur le son et sur l’image (le passage sous le tunnel dans lequel Consuelo s’engouffre, comme si elle était engloutie par les ombres, est remarquable), le spectateur ressent l’angoisse du personnage. La panthère n’est quasiment pas montré à l’écran (c’était d’ailleurs le cas dans La Féline)…comme Consuelo, on entend des feulements et on discerne des yeux brillants dans l’obscurité avant un unique gros plan qui précède l’inéluctable fin.
Consuelo court, hurle, tambourine à sa porte…mais nous ne la voyons pas…mais on entend. Oh oui, on entend. Martin Scorsese ne l’a jamais oublié et s’en est souvenu en ces termes : « du sang se répand sous la porte et fiche la trouille à tous les gosses présents ». Tourneur joue sur la suggestion et l’effet est absolument brillant. La deuxième attaque, dans le cimetière, est tout aussi marquante, notamment grâce à la gestion de l’espace dans un décor splendide. La troisième est par contre un peu moins virtuose et n’a pas la même efficacité et intensité.
Tout au long de sa collaboration avec le producteur Val Lewton, trois « thrillers horrifiques » qui ont rempli les caisses de la RKO (La Féline, Vaudou, L’Homme-Léopard), Jacques Tourneur a su tirer le meilleur parti de budgets étriqués pour jouer sur l’imagination du spectateur et laisser l’horreur s’infiltrer grâce à des effets savamment travaillés. Dans un film de Tourneur, le danger n’est jamais là ou on l’attend…
Mais après les magnifiques La Féline et Vaudou, L’Homme-Léopard m’a tout de même un peu déçu par certains aspects. Des années plus tard, Jacques Tourneur a lui-même convenu que le scénario n’était qu’une « série de vignettes qui ne tenaient pas ensemble »…et je partage cet avis. Si l’on retrouve quelques thèmes chers à Tourneur, l’histoire n’est pas très bien maîtrisée, les personnages sont moins intéressants que dans ses deux longs métrages précédents, l’enquête est laborieuse et la conclusion est loin d’être convaincante.
L’Homme-Léopard ne manque donc pas de défauts…mais quelles fulgurances !