REALISATEUR
Jacques Tourneur
SCENARISTE
Daniel B. Ullman
DISTRIBUTION
Joel McCrea, Vera Miles, Lloyd Bridges, Wallace Ford, Peter Graves…
INFOS
Long métrage américain
Genre : western
Titre original : Wichita
Année de production : 1955
Si Jacques Tourneur est principalement (re)connu, et à juste titre, pour ses importantes contributions au cinéma fantastique (La Féline, Vaudou, L’Homme Léopard,Rendez-vous avec la peur) et au film noir (Angoisse avec Hedy Lamarr, La Griffe du Passé avec Robert Mitchum et Kirk Douglas…), le réalisateur français a également excellé dans d’autres registres, comme le film de guerre (Jours de Gloire), le film d’aventures (La Flèche et le Flambeau avec Burt Lancaster) ainsi que le western. Sa première réussite dans le genre fut Le Passage du Canyon en 1946, avec dans le rôle principal un de ses acteurs fétiches, Dana Andrews.
Jacques Tourneur a également fait tourné à 3 reprises le comédien Joel McCrea, qui a imposé sa présence dans de nombreux westerns après avoir incarné le héros de La Chasse du Comte Zaroff. Je n’ai pas encore vu les deux premiers, mais d’après la plupart des articles que j’ai consultés, on peut voir ces trois longs métrages, Stars in my crown (1950), Stranger on Horseback (1955) et Un Jeu Risqué (1955), comme une « trilogie officieuse » traversée par les mêmes thématiques.
Dans Un Jeu Risqué (Wichita en version originale), Joel McCrea interprète une légende de l’Ouest, Wyatt Earp. Dans ce scénario qui entremêle fiction et éléments de réalité historique, Wyatt Earp (c’était avant le fameux Règlements de comptes à OK Corral) arrive à Wichita, une petite ville en pleine expansion grâce au passage du chemin de fer, dans le but d’ouvrir un commerce. À peine arrivé, Wyatt Earp déjoue un hold-up et se voit illico proposer le poste de marshal. Mais Earp refuse…
Jacques Tourneur et son scénariste soignent la caractérisation du personnage principal…« né pour être un homme de loi », ce Wyatt Earp est fatigué par la violence et évite le plus possible de tuer ses adversaires. Mais la fatalité va le rattraper…
Des cow-boys arrivent en ville, bien décidés à prendre du bon temps après avoir conduit du bétail pendant des mois. Lors d’une soirée trop arrosée, certains d’entre eux saccagent la ville en tirant dans tous les sens et un gamin (un enfant qui s’appelle…Michael Jackson !) meurt d’une balle perdue. Wyatt Earp revient alors sur sa décision, prête serment et les chasse hors de la ville. Il interdit ensuite le port d’armes dans l’enceinte de la ville…ce qui inquiète les notables qui pensent que ses méthodes radicales pourraient porter préjudice à la prospérité de leur ville…
Un propos très intéressant, donc…et qui trouve encore un écho de nos jours dans une Amérique toujours divisée sur la question du contrôle des armes. Une réflexion passionnante qui reflète la personnalité de Joel McCrea, qui militait dans la vie pour la non-violence, et s’exprime notamment dans la façon dont Jacques Tourneur filme les gunshots. Les affrontements ne s’éternisent pas, ils sont secs et rapides et cela sans manquer de tension. De la tension, il y en a également dans les face-à-face entre Earp et les hommes qui l’ont placé à ce poste. Le Marshal place la responsabilité et la morale avant le profit et les manipulations de certains notables font d’eux les véritables bad guys de l’histoire (jusqu’à ce que la situation se retourne douloureusement contre l’un d’entre eux).
Tout au long de sa carrière, Jacques Tourneur a su tirer parti des plus petits budgets et ce fut encore le cas avec Un Jeu Risqué, production de série B plus modeste que le Règlements de comptes à OK Corral de John Sturges sorti deux ans plus tard. Une très bonne série B, à la réalisation aussi sobre que solide, avec un beau travail sur la composition des plans, et ce dès la toute première apparition de Wyatt Earp qui fait un usage judicieux du CinemaScope. La direction d’acteurs est également excellente, une distribution où l’on retrouve, entre autres, Peter Graves, Lloyd Bridges, Vera Miles (c’était avant La Prisonnière du Désert et Psychose), ainsi que cette sacrée trogne de Jack Elam. Et dans une courte apparition en employé de banque non créditée, un certain Sam Peckinpah donne la réplique à Joel McCrea, qu’il dirigera ensuite en 1962 dans l’élégiaque Coups de Feu dans la Sierra.
À l’époque, il n’était pas rare que la V.F. francise les prénoms, parfois à outrance et c’est le cas pour Un Jeu Risqué : Wyatt Earp/Michel Earp (!), Bat Masterson/Pierre Masterson, Laurie McCoy/Laurence McCoy, Gyp Clements/Gilles Clements…et le fourbe Doc Black est devenu Jacques Black !