REALISATEUR
Tonino Valerii
SCENARISTE
Ernesto Gastaldi, d’après une histoire de Sergio Leone et Fulvio Morsella
DISTRIBUTION
Terence Hill, Henry Fonda, Jean Martin, Marc Mazza, R.G. Armstrong, Geoffrey Lewis…
INFOS
Long métrage italien/français/allemand
Genre : western/comédie
Titre original : Il mio nome è Nessuno
Année de production : 1973
En 1970, les succès consécutifs de On l’appelle Trinita et de sa suite On l’appelle encore Trinita, qui ont fait de Terence Hill et Bud Spencer des stars mondiales, marquèrent le début d’une seconde vague de westerns spaghettis un peu plus portés vers la comédie et moins vers les aspects sombres, crépusculaires, voire carrément nihilistes des productions des années 60. Ce n’est pas que les westerns spaghettis de cette décennie manquaient d’humour…c’est juste que cet humour était le plus souvent très, très noir et l’ironie très cruelle.
Avec les Trinita, les spectateurs pouvaient aller voir ces films en famille.
Pour les nombreux détracteurs de ce courant cinématographique, ce penchant pour la gaudriole sonna le glas du genre. Et s’il y avait quelqu’un qui regrettait cette évolution, c’était bien celui qui lui avait donné ses lettres de noblesse avec quatre chefs-d’oeuvre (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Le Bon, la brute et le truand, Il était une fois dans l’Ouest)…je veux bien sûr parler de Sergio Leone. Il se dit même que Leone détestait le fait que les Trinita soient plus populaires…et plus lucratifs que sa trilogie des Dollars.
Sergio Leone décida alors de produire sa propre « parodie » du genre…mais une parodie qui se moquerait des autres parodies. Et pourtant, Mon nom est Personne s’est révélé être plus que cela. Le long métrage est autant un western sur l’Ouest, la fin d’une certaine vision de l’Ouest, qu’un film sur le western en tant que genre. Une réflexion sur son développement, sur son histoire, mais aussi sur sa progressive dégradation, sur la fin d’une époque (l’équipe a appris la mort de John Ford pendant le tournage, ce qui a profondément marqué Sergio Leone et Henry Fonda qui a souvent tourné sous sa direction)…
Le spécialiste du genre Jean-François Giré en a parlé comme d’un « film-collage » et c’est, je trouve, une appellation assez judicieuse : le scénario évoque tous les courants du western, de l’hollywoodien classique au slapstick des Trinita en passant par les westerns spaghettis des débuts et le western révisionniste.
C’est l’histoire d’un Nobody (Personne…Terence Hill rejoignait avec ce rôle les « Hommes sans Noms » emblématiques des westerns de Leone) qui veut devenir quelqu’un, c’est l’histoire d’un pistolero fatigué qui ne pense qu’à une chose, s’enfuir. Jack Beauregard (Henry Fonda) n’était pas un héros, il était payé pour tuer des gens et il le faisait bien, mais il est vieux maintenant et sa vision n’est plus ce qu’elle était.
Personne (une référence à l’épisode de la rencontre entre Ulysse et Polyphème dans l’Odyssée d’Homère) idéalise Jack Beauregard, la gâchette la plus rapide de l’Ouest et il veut qu’il parte en légende…quitte à fabriquer lui-même cette légende en passant toute l’histoire à arranger la rencontre au sommet entre Jack Beauregard et les « 150 fils de pute » qui composent la Horde Sauvage (ce qui n’est pas la seule référence à Sam Peckinpah). Car après tout « Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende ! »
Au final, il n’y a pas de héros, juste des imposteurs à un tournant de leur vie, qui se déroule justement au tournant du siècle…
Cette confrontation entre deux personnages que tout oppose, mais qui ne sont au fond pas si différents que ça, est au coeur du film et éclipse une intrigue (qui tourne autour d’une mine d’or et de la mort des anciens associés de Beauregard…le méchant joué par le français Jean Martin est même assez fade) pas très bien développée. Henry Fonda et Terence Hill sont excellents, la mélancolie de l’un répond à la fougue et à la fantaisie du second.
Le film est souvent très amusant (très « Chaplinesque » par moments…et la distribution de baffes fonctionne toujours), parfois un peu lourd (la scène de l’urinoir, qui finit par un gros pet bien dégoûtant), bien rythmé, avec des passages magnifiques, sublimés par la musique de Ennio Morricone, qui se fond dans l’ambiance générale en multipliant les références et en s’amusant même à s’auto-parodier par moments.
Le réalisateur de Mon Nom est Personne est Tonino Valerii, ancien assistant de Sergio Leone sur Pour une Poignée de Dollars et Pour Quelques Dollars de Plus ensuite passé à la mise en scène (on lui doit notamment le très bon Le Dernier Jour de la Colère avec Giuliano Gemma et Lee Van Cleef). Mais Sergio Leone, producteur, s’est aussi impliqué en dirigeant quelques scènes, ce qui aurait provoqué quelques tensions avec son ancien élève. D’ailleurs, quand on parle de Mon Nom est Personne, c’est le plus souvent le nom de Sergio Leone qui est mis en avant…comme dans ce billet, par exemple…