RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

Sorti en février 2012, le recueil Avengers: Solo Avengers Classic reprend le contenu des dix premiers numéros de l’anthologie Solo Avengers. Rappelons-en le principe éditorial : la première moitié de chaque épisode est consacrée à une aventure de Hawkeye, héros alors de plus en plus populaire au gré d’une mini-série à son nom, d’une présence accrue dans le titre Avengers puis au centre de la création de la série dérivée, West Coast Avengers, tandis que la deuxième partie du sommaire est dévolue à un autre membre de la prestigieuse équipe à l’occasion d’une histoire courte.

Le premier numéro voit donc le héros, qui se rend à une répétition en vue d’un spectacle caritatif, se faire attaquer par des mercenaires commandités par un mystérieux adversaire. Première livraison oblige, l’histoire consacrée à Mockingbird fait directement suite au premier chapitre, dérogeant d’emblée à la règle éditoriale qui sera de mise pour les prochains numéros.

L’identité du méchant est dévoilée à la fin du premier chapitre, écrit par Tom DeFalco et illustré par Mark Bright. Cependant, pour les lecteurs, le nom Trickshot est encore inconnu. En effet, les connaisseurs de la continuité savent que Clint Barton et son frère Barney ont appris à tirer à l’arc dans un cirque, auprès du Swordsman.

Le même Tom DeFalco rédige le chapitre consacré à Mockingbird et profite de ce numéro pour glisser quelques allusions. Par exemple, dans la première partie, il fait remarquer, par la bouche de Wonder Man, que le Swordsman n’est pas un archer : ce n’est donc pas auprès de lui que Clint a appris tous ses tours. Tout est donc mis en place pour dévoiler un nouveau pan du passé du héros.
De plus, DeFalco s’amuse de la ressemblance entre le couple Hawkeye / Mockingbird et celui formé par Green Arrow et Black Canary chez l’éditeur d’en face.

À l’issue de ce premier numéro, les lecteurs savent qu’un certain Trickshot tente d’entraîner Hawkeye dans un duel à mort. Le deuxième chapitre, dans Solo Avengers #2, est composé d’un flash-back expliquant les liens entre le jeune Clint et les membres du cirque où il a été formé, à savoir Swordsman et Trickshot. Les deux hommes spécialistes respectivement des lames et des flèches, forment l’apprenti tout en vivant de diverses activités illégales, ce qui vaudra de les éloigner avec le temps. Mark Bright signe des pages en gaufrier de neuf cases, un découpage bien sage qui s’énervera dans les chapitres suivants.

Dans le troisième numéro, Hawkeye affronte Batroc, Zaran et Machete, trois vilains de seconde zone envoyé par Trickshot, mais il est arrêté par Silver Sable, personnage que DeFalco apprécie grandement pour l’animer dans Amazing Spider-Man. La chasseuse de prime venue d’un pays d’Europe Centrale est elle-même à la recherche du criminel et tente de se servir de l’archer pour le débusquer.

Dans Solo Avengers #4, le chapitre est dessiné par Ron Lim, un illustrateur rapide et efficace capable de dessiner tous les costumes des héros colorés avec un style égal. Le chapitre met en scène l’évasion de Clint, qui s’échappe du château à Silver le détenait, une action surveillée par celle-ci qui espère ainsi attirer Trickshot. Et effectivement, à la fin de ce volet, Hawkeye est capturé par son ancien mentor.

Le dernier chapitre de cette saga voit les deux archers s’affronter. Mais Clint comprend, avec étonnement, que son maître n’a rien perdu de sa dextérité, et qu’il fait semblant de mal viser ou de décocher en retard. Dans une dernière séquence assez émouvante, il découvre que Trickshot est atteint d’un cancer et souhaite en finir l’arc à la main, et non dans son lit. L’épisode se conclut sur une réconciliation émouvante entre le maître et l’élève.

Empli d’action, ce premier cycle offre du spectacle, du dépaysement, mais également une caractérisation forte, en bref un cocktail efficace. Ce n’est pas du grand comic, mais c’est du bon comic, avec cette étincelle d’humanité qu’on est en droit d’attendre d’un divertissement populaire.

Parallèlement, le sommaire des numéros 2 à 3 accueille trois segments courts consacrés respectivement à Captain Marvel (Monica Rambeau), à Moon Knight et au Black Knight. Les trois histoires sont écrites par Roger Stern, qui signe ici ses dernières prestations avant de se fâcher avec Mark Gruenwald puis de quitter Marvel pour la concurrence, où il écrira, pendant de longues années, les aventures de Superman.

Dans Solo Avengers #5, Stern, l’un des architectes de l’univers des Vengeurs, est parti, et Mark Gruenwald doit chercher de nouveaux auteurs pour emplir son sommaire. Il se tourne vers Denny Mallonee et John Ridgway pour une première aventure dédiée à Scarlet Witch. À l’image de l’aventure de Captain Marvel, celle-ci s’inscrit dans la continuité et fait suite à un récit précédent, publié en l’occurrence dans Marvel Fanfare #6.

Wanda secourt une femme de sa connaissance et se retrouve mêlée à un duel ésotérique où elle affronte, carrément, la Mort. Le style hachuré et suggestif de Ridgway contribue à créer une atmosphère surnaturelle et le scénario évoque le caractère magique des deux enfants de Wanda (un seul est dessiné, sans doute une erreur rattrapée aux dialogues).

Le rythme des aventures de Hawkeye ralentit à partir de Solo Avengers #6. Dans ce numéro, il s’allie à deux agents travaillant pour Silver Sable, à savoir le Peregrine (« le plus grand héros français ») et le Sandman afin de lutter contre le deuxième Crâne Rouge, l’imposteur qui avait repris le rôle durant la Guerre Froide (l’explication a été fournie afin de justifier sa présence dans les histoires que Stan Lee et John Romita avaient réalisées durant les années 1950, à une époque où le vrai tenant du titre était censé se trouver en hibernation : c’est ce même Albert Malik qui est lié à la fin tragique des parents Parker…).

L’histoire est sympa, mais sans doute un peu courte, car ses qualités (gestion de la continuité, casting sympa, enjeux troubles puisque Hawkeye travaille pour Sable afin d’éviter d’être condamné par le gouvernement français…) donnent envie d’en lire plus.

Plus loin dans le sommaire, c’est Falcon qui est à l’honneur, à l’occasion d’une rare prestation du scénariste Dan Mishkin chez Marvel, lui qui d’ordinaire est plutôt habitué à travailler chez DC. Cette fois, Sam Wilson est confronté à un gamin travaillant pour un trafiquant de drogue et capable de matérialiser des cauchemars.

Le récit, à connotation sociale, écartèle notre héros entre la défense du quartier, assurée étrangement par les voyous, et la folie de la promotion immobilière, acoquinée aux pouvoirs publics. L’histoire, bien entendu, se conclut sur un constat doux-amer.

Aux dessins, Tom Grindberg signe une prestation dans les pas de Neal Adams, avec les excès anatomiques et les visages très expressifs que l’on peut imaginer. L’encrage de Joe Rubinstein, souvent mobilisé pour cette série, ne fait que renforcer la parenté graphique.

C’est la couverture de Solo Avengers #7 qui orne celle du recueil. Elle est signée Jackson Guice et Bob Layton et renvoie à l’épisode consacré à Black Widow, sans doute la partie la plus intéressante du numéro. Si Clint Barton s’occupe, dans sa partie, de lutter contre un attentat terroriste dans l’aéroport où il est censé prendre l’avion en direction des États-Unis après avoir « purgé sa peine », la Veuve Noire, quant à elle, se met en tête de retrouver son ancienne professeure de danse.

Le numéro est daté de juin 1988 et nous sommes encore en pleine Guerre Froide, le Mur de Berlin n’est pas tombé, loin de là. L’épisode commence donc sur la révélation de l’arrivée d’une ressortissante soviétique de marque, qui vient soigner ses problèmes de vue. Natasha se met en tête de retrouver l’enseignante, se fâchant presque avec Ivan.

L’épisode, écrit et encré par Bob Layton, sur des dessins de Jackson Guice, est consacré en grande partie à l’infiltration musclée de l’ancienne espionne. Les retrouvailles, enfin, entre l’enseignante et la ballerine, sont émouvantes et permettent de faire la lumière sur les sentiments qui étreignent l’héroïne, hantée par l’impression d’avoir trahi ses mentors (en dépit de ses dénégations quand les gros bras du Kremlin la perçoivent en traîtresse).

La dernière page, qui montre l’ultime garde du corps comprendre les réactions de l’héroïne russe, confère une profondeur bienvenue à ce récit qui est pour l’essentiel une démonstration des capacités graphiques de Guice.

Les deux livraisons suivantes confrontent Hawkeye (à peine rentré en Amérique et déjà en train de s’engueuler avec son épouse) à un justicier masqué répondant au sobriquet de Blind Justice. Le diptyque sert à remettre sur le devant de la scène le code moral, inflexible, de l’archer.

La seconde partie de Solo Avengers #8 est consacré à Henry Pym.

Et pendant que Hawkeye poursuit Blind Justice et croise le chemin du Shroud, c’est Hellcat qui a le droit à sa petite histoire courte.

Les aventures de Hawkeye, en tout cas à la hauteur de ce recueil, finissent sur un mode mineur, avec une petite histoire où l’archer est confronté à un voyant, pour un récit à la tonalité amusante.

Et c’est le Doctor Druid qui boucle le sommaire de ce recueil, pour une aventure illustrée par Lee Weeks.

À ma connaissance, ce tome 1 de Solo Avengers Classic ne connaîtra pas de suite, en tout cas dans ce format. Les aventures de Hawkeye, qui démarraient bien, ont perdu en élan et en ambition. J’ai lu quelques épisodes de la suite (même si j’ai une collection très disparate sur ce titre), et je trouve que les épisodes écrits par Howard Mackie retrouvent un certain souffle. De mémoire, il me semble aussi que Trickshot revient, donnant une suite à la relation houleuse entre le mentor et son ancien élève. Il me semble que la saga de Hawkeye a été compilée sous une autre forme récemment (ou doit en faire l’objet bientôt…), et je crois que, sur la durée, ce titre mérite d’être redécouvert : anthologie inégale, par la force des choses, Solo Avengers, sous ses différentes appellations, contient de nombreux récits qui méritent la lecture.

Jim

1 « J'aime »