REALISATEUR
Richard Fleischer
SCENARISTE
Stanley R. Greenberg, d’après le roman de Harry Harryson
DISTRIBUTION
Charlton Heston, Edward G. Robinson, Leigh Taylor-Young, Chuck Connors,
Brock Peters, Joseph Cotten…INFOS
Long métrage américain
Genre : thriller/science-fiction
Titre original : Soylent Green
Année de production : 1973
La fin des années 60 et le début des années 70 ont vu l’émergence de films catastrophe et d’anticipation qui se sont nourris du contexte social et économique de cette époque, en mettant en avant de façon le plus souvent pessimiste les peurs associées à l’environnement, l’explosion démographique et l’épuisement des ressources naturelles. De cette mouvance ont été produits de nombreux films marquants…et pour moi, l’un des plus puissants demeure Soleil Vert, qui n’a pas été réalisé par un metteur en scène issu de la « nouvelle génération », du Nouvel Hollywood, mais par un vieux briscard qui signait là l’une de ses dernières grandes réussites, Richard Fleischer (20.000 lieues sous les mers, Les Vikings…).
Soleil Vert est la libre adaptation d’un roman de Harry Harryson, Make Room ! Make Room ! (Faites place ! Faites place !), qui était alors encore inédit en France et qui est sorti en 1974 avec le titre du film (alors que le Soleil Vert et le secret de sa fabrication, qui sont au coeur du long métrage, ne sont pas des éléments présents dans l’histoire de base). D’après le résumé disponible sur la toile (je n’ai pas lu le bouquin), les deux récits partagent la même intrigue principale, l’enquête sur la mort d’un « gros bonnet ». Sauf que dans le film, dont l’action prend place en 2022, le gros bonnet en question est un membre de la société Soylent, une entreprise qui fournit aux gens affamés des aliments de synthèse qui se présentent sous la forme de tablettes carrées de différentes couleurs.
La dernière en date, la verte, serait la plus nutritive…et elle cache un affreux secret…
Une enquête solide (notamment dans la description d’un univers corrompu dans lequel évolue Thorn, le flic joué par Charlton Heston…qui profite tout de même bien du système, il faut le préciser)…et une description implacable d’une dystopie parmi les plus sombres et oppressantes vues sur grand écran. New-York est une mégalopole surpeuplée de plus de 44 millions d’habitants (les plans de gens qui s’entassent les uns sur les autres sont saisissants), la pollution est omniprésente (un smog verdâtre recouvre la ville), la chaleur est étouffante, l’eau est rationnée, la faune et la flore ont quasiment disparues, les jeunes femmes se prostituent pour survivre et sont vendues comme « mobilier » des appartements des gens qui peuvent se les payer, il y a des centaines de morts chaque jour…
Cette représentation d’un futur sans espoir, terriblement réaliste et scrupuleusement détaillée, ne manque pas de visuels qui font froid dans le dos et qui marquent durablement l’esprit, comme ces émeutes canalisées à l’aide de camions-bennes, ultime entreprise de déshumanisation, et cette « industrialisation » de l’euthanasie qui aboutit à une course-poursuite mise en scène de façon sobre et intense (peu de musique, pas de paroles…) et à la glaçante révélation finale. Du montage du générique début (200 ans de société industrielle en accéléré) au tout dernier plan, la progression dramatique n’a rien perdu de son impact.
Il y a beaucoup de bons acteurs dans Soleil Vert et le plus expérimenté d’entre eux y interprète le personnage le plus attachant. Edward G. Robinson, dont la carrière remontait aux années 20 et qui a joué notamment dans Le Petit César, Key Largo et Les Dix Commandements (déjà avec Charlton Heston), est ici Sol Roth, vieux lettré qui aide Thorn dans ses enquêtes. Sol est le lien du spectateur avec l’ancien monde, celui qui se souvient du goût des choses, de la beauté des paysages, de l’importance des livres…Lorsqu’il découvre le secret de Soylent, il perd le goût de vivre et se rend à la « machine à suicide assisté ».
D’une grande beauté et d’une infinie tristesse, cette scène solennelle constitue le sommet émotionnel du long métrage de Richard Fleischer. Soleil Vert marqua la dernière apparition à l’écran de Edward G. Robinson, qui se savait déjà condamné au moment du tournage. Il décéda d’un cancer peu de temps après.