REALISATEUR
Richard Fleischer
SCENARISTE
Earl Fenton, d’après le roman de Jules Verne
DISTRIBUTION
Kirk Douglas, James Mason, Paul Lukas, Peter Lorre…
INFOS
Long métrage américain
Genre : aventures
Titre original : 20,000 Leagues Under the Sea
Année de production : 1954
Sorti à l’origine aux Etats-Unis pendant les fêtes de Noël 1954 (et presque 10 mois plus tard en France), 20.000 lieues sous les mers marqua un tournant dans la production cinématographique des studios Disney. Cette première adaptation parlante de l’un des plus célèbres Voyages Extraordinaires de Jules Verne (il y a eu précédemment au moins deux versions muettes, dont un court métrage par le magicien George Méliès) ne représentait pas la première incursion de Walt Disney dans le domaine des films avec acteurs. Dans les années 40, il y avait déjà eu plusieurs longs métrages « hybrides », mélangeant animation et prises de vues réelles. À partir de 1950, Disney saute définitivement le pas et produit une série de longs métrages en costumes via une filiale britannique.
Mais après le succès de L’Île au Trésor en 1950, l’accueil réservé aux films suivants (Robin des Bois et ses joyeux compagnons, La Rose et L’Epée et Echec au Roi) fut de moins en moins enthousiaste, ce qui poussa Walt Disney à abandonner les séries B historiques. Pour le projet suivant, il décide de passer à la production d’une oeuvre à grand spectacle, avec un budget plus important et des stars au générique : l’adaptation de 20.000 lieues sous les mers, qui fut brièvement envisagée pour l’animation. Et pour respecter sa vision, Walt Disney créa sa propre société de distribution, Buena Vista, mettant ainsi un terme à sa collaboration avec son précédent distributeur, RKO Pictures.
Pour la réalisation, Walt Disney a surpris en engageant le fils de son principal rival Max Fleisher (Les Voyages de Gulliver), Richard Fleischer, futur réalisateur des Vikings, du Voyage Fantastique et de Soleil Vert. Alors âge de 38 ans, Richard Fleischer avait déjà environ 10 ans de carrière derrière lui, avec une dizaine de courts métrages et treize longs métrages à son actif, mais pas encore de grand succès. On ne lui avait pas encore confié une grosse production, mais Disney a reconnu en lui un excellent technicien doublé d’un très bon directeur d’acteurs (et avait été très intéressé par son utilisation du CinemaScope dans son long métrage précédent, L’Arène, un film de rodéo en 3D, car 20.000 lieues sous les mers devait être le premier Disney à utiliser ce procédé).
Chose amusante, Richard Fleischer a préféré demander la bénédiction de son paternel avant de travailler pour Disney. Max Fleischer n’y a vu aucune objection et a même demandé à son fils de féliciter tonton Walt pour son bon goût en matière de réalisateur.
Avec 20.000 lieues sous les mers, une production monumentale pour l’époque (et qui n’a pas manqué de défis techniques qui ont été habilement surmontés), Richard Fleischer est définitivement entré dans la « cour des grands », selon l’expression consacrée, en signant un merveilleux film d’aventures, une véritable réussite à tous les niveaux : des décors détaillés et raffinés à l’emblématique scène de l’attaque du calamar géant (qui a du être retournée pour accentuer son efficacité et rendre plus impressionnant ce véritable monstre marin) en passant par l’apparence incontournable du Nautilus, judicieusement filmé dans ses premières apparitions car grâce au travail sur les couleurs (et dans l’ensemble, la photographie est somptueuse), le sous-marin a tout l’air d’un monstre aux yeux des pauvres marins qui ont le malheur de croiser son chemin.
Les nombreuses péripéties sont habilement servies par un trio d’acteurs charismatiques. Bon, je n’inclue volontairement pas Paul Lukas, comédien d’origine hongroise qui joue le professeur Aronax car en qui me concerne j’ai toujours trouvé que ce brave scientifique n’est pas vraiment le personnage le plus intéressant du récit. Il est facilement éclipsé par ses camarades.
Dans le rôle de Conseil, le serviteur d’Aronax, on retrouve Peter Lorre (M le Maudit, Casablanca…) qui a renoué là avec le succès dans un moment où sa carrière était dans le creux de la vague. Sa dynamique avec Ned Land, le harponneur jovial interprété par l’une des plus grandes stars de cette époque, Kirk Douglas (qui tournera à nouveau sous la direction de Richard Fleisher dans Les Vikings), est savoureuse et est au coeur des passages les plus légers de l’aventure…et ce qui est très réussi, c’est que l’humour du film ne réduit en rien l’impact de ses thèmes les plus sombres.
En capitaine Nemo, le britannique James Mason (Le Prisonnier de Zenda, Jules César, Prince Vaillant…) livre une composition d’une grande intensité. Il incarne si brillamment les aspects les plus ambigus de ce personnage fascinant qu’il est resté pour moi le Nemo définitif, devant des comédiens comme Herbert Lom (dans L’Île Mystérieuse), Robert Ryan, Omar Shariff, Michael Caine ou encore Patrick Stewart.