SPIDER-MAN (Sam Raimi)

REALISATEUR

Sam Raimi

SCENARISTE

David Koepp, d’après le comic-book de Stan Lee et Steve Ditko

DISTRIBUTION

Tobey Maguire, Willem Dafoe, Kirsten Dunst, James Franco, Rosemary Harris…

INFOS

Long métrage américain
Genre : action/science-fiction
Année de production : 2002

PARTIE 1 - « Who am I ? You sure you want to know ? » :

« These weirdo’s all gotta have a name now. »

Pendant longtemps, et cela jusqu’à l’aube du 21ème siècle, les adaptations potables des comics Marvel ne se bousculaient pas vraiment au portillon (durant les 20 ans séparant Superman & Blade), à de très rares exceptions près (telle la série tv L’Incroyable Hulk avec la paire Bixby/Ferrigno, adaptant très librement le matériau original), DC/Warner ayant alors généralement plus de chance dans ce domaine (quand bien même les films Superman et Batman ont souffert d’un même écueil, à savoir un effet de yoyo qualitatif au cours de leurs quatre volets respectifs, de Donner à Schumacher en passant par Lester, Furie et Burton).

« Can Spider-Man come out to play ? »

Alors que le tisseur avait réussi à prospérer du côté du petit écran dès la décennie de sa création (essentiellement grâce aux multiples cartoons pour chaque décade), son passage dans le domaine des adaptations live s’est avéré beaucoup plus laborieux sur le long terme (là où les fan-films n’ont eux pas tardé).

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« He doesn’t want to be famous ? I’ll make him infamous ! »

Suite aux 1ère versions des années 70 (la série tv cheap avec le fadasse Nicholas Hammond ou encore la version sentai de la Toei) et 80 (les projets avortés de Roger Corman et des cousins Golan & Globus), le développement du film Spider-Man chez Carolco au cours des années 90 partira à vau-l’eau, en raison d’un imbroglio juridique empêchant pour de bon l’aboutissement du projet de James « T2 » Cameron (parti s’occuper entretemps de True Lies puis Titanic).

« The Human Spider ? That’s it. That’s the best you got ? »

Il est intéressant de noter que les toiles organiques, un apport souvent attribué à James Cameron, sont en réalité une constante des différents scripts (celui de Leslie Stevens en particulier) depuis la version de la Cannon. Les producteurs Golan & Globus, pas du tout familiers de l’univers du tisseur, encouragent alors cette idée d’une transformation monstrueuse, jusqu’au stade du velu « Man-Spider » (un moyen de lorgner sur La Mouche version Cronenberg ?). Une approche résolument horrifique qui explique le choix initial du réalisateur (Tobe « Massacre à la Tronçonneuse » Hooper).

« Back to formula ? »

Avant même que Toy Biz ne sauve les miches de Marvel suite à sa banqueroute, Avi Arad (le fondateur de « Marvel Films », plus connu aujourd’hui sous le nom de « Marvel Studios ») était déjà bien impliqué dans la production d’adaptations. Après avoir été un acteur-clé du lancement de la série animée X-Men de 1992 (dont le grand succès incitera la Fox à donner le feu vert pour la production d’un film X-Men, soit un effet « boule de neige » ayant des ramifications jusqu’aux films actuels), Arad a repris à cette période le rôle autrefois tenu par Stan Lee, consistant à démarcher les exécutifs d’Hollywood, mais cette fois en supervisant de plus près les projets d’adaptations.

Celui-ci veilla d’autant plus au grain après avoir été échaudé par le cas de figure du fauché Fantastic Four de Corman, légèrement moins pire que le film Captain America de 1990. Tandis que du côté du petit écran, le bilan n’était guère plus positif (le pilote de Generation X, Nick Fury dans sa version Hasselhoff pré-MCU).

« They’re crap. Crap, crap. Megacrap. »

Suite à un été 1997 déplorable sur le plan de la qualité des comic-book movies (marqué par LE trio de la loose, constitué de Batman & Robin , Spawn et Steel , plus la cerise moisie sur le kloug qu’est le téléfilm consacré à la Justice League « Bwah-Ha-ha »), le genre avait de quoi tomber en désuétude pour un bon bout de temps (DC/Warner n’ayant eu d’autre choix suite à ces échecs que de se retrancher sur ses productions télévisuelles, de toute façon bien plus plébiscitées par un public habitué à faire l’éloge de Batman: The Animated Series).

Cependant, contre toute attente, les graines du renouveau ont été plantées dans ce paysage sinistré avec la sortie de Blade (tourné début 97), pour mieux fructifier avec le premier X-Men en l’an 2000 (tandis que Spider-Man réussira quant à lui l’exploit de surpasser L’Attaque des Clones au box-office, un signal fort pour le genre en particulier et pour Hollywood en général).

« Commencement: The end of one thing, the start of something new. »

L’année 1998 constitue à ce titre un tournant, entre la fusion de Toy Biz et Marvel (afin de tirer un trait de manière définitive sur la période sombre de la banqueroute), le lancement de la première vague de titres de la nouvelle gamme « Marvel Knights » (soit le début de l’ascension de Joe Quesada vers son futur poste), et la sortie du film Blade (une dizaine d’années après l’ovni Howard the Duck de Lucasfilm). Dès lors, la revitalisation de la branche édition se fera en parallèle de l’essor d’une nouvelle vague d’adaptations cinématographiques (un sujet sur lequel s’attarde le documentaire Marvel: Renaissance).

« There’s only one who can stop us. »

Entretemps, il aura fallu un accord à l’amiable entre MGM et Columbia/Sony (impliquant l’échange des droits de Spidey contre une partie de ceux d’un certain espion britannique amateur de martinis) pour que la situation s’éclaircisse enfin en 1999 (l’année où Matrix se terminait avec un Neo imitant Superman, annonçant en quelque sorte le retour en fanfare des super-héros sur grand écran, mais aussi et surtout la myriade de possibilités permises par les « CGI », de plus en plus utilisés depuis Abyss & Terminator 2).

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« Remember, with great power comes great responsibility. »

Une fois ces obstacles surmontés, il reste encore à trouver à trouver un réalisateur : Chris Colombus préfère Harry Potter, Ang Lee privilégie Hulk, tandis que l’envie de David « Seven » Fincher d’adapter la mort de Gwen Stacy (un arc finalement porté à l’écran 15 ans plus tard), une perspective intriguante sur le papier, n’était pas forcément le plus pertinent, car un peu trop sombre et pessimiste pour un premier volet introductif visant un large public (enfants, adolescents, adultes/parents biberonnés à Strange & Cie).

« Nice to have a fan. »

Heureusement, les grands pontes (Avi Arad, Amy Pascal, etc) ont fait le bon choix lors de cette période faste pour les blockbusters US, qui aura vu l’arrivée de deux noms emblématiques du cinéma d’horreur frappadingue des 80’s/90’s (Sam « Evil Dead » Raimi et Peter « Braindead » Jackson) sur d’ambitieuses adaptations au cinéma d’oeuvres phares de la culture populaire des 50’s/60’s ( Le Seigneur des Anneaux et Spider-Man).

« Instruct him in the matters of loss and pain. Make him suffer. Make him wish he were dead. »

Quand il s’agit d’associer le super-héros poissard par excellence (se percevant comme tel en tout cas) à un réalisateur connu pour prendre un malin plaisir à malmener ses personnages principaux (Ash en particulier), il y a comme une heureuse concordance, d’autant plus que Sam Raimi (Mort sur le Grill), contrairement à Bryan Singer avec les X-Men, est un fan de la première heure du tisseur (d’où son anecdote à propos de l’illustration sur le plafond de sa chambre d’enfant), qu’il a découvert à la fin des années 60 grâce à un de ses frangins (Ivan le docteur plutôt que Ted l’acteur, tous deux associés à cette trilogie par la suite).

« Incredible ? What do you mean he’s incredible ? »

Le réalisateur dispose en plus d’ un pedigree à même de rassurer les exécutifs, entre un Darkman qui avait déjà démontré son fort taux de compatibilité avec le genre (un jalon important, marquant les débuts de sa collaboration avec Danny Elfman, Bob Murawski et Bill Pope, tout autant de maillons essentiels au succès de sa trilogie arachnéenne), une carrière assez versatile (passant d’un genre à un autre, plutôt que d’être cantonné à l’horreur comme Romero) et sa fine connaissance du médium (puisque rompu à la narration séquentielle des comic-books, très proche en cela du domaine des storyboards dans lequel se sont justement recyclés certains dessinateurs tels que Mike Ploog ou Kerry Gammill).

« We are who we choose to be. Now, choose ! »

De plus, durant les dix ans séparant les tournages respectifs d’Army of Darkness et Spider-Man , Raimi s’est diversifié en tant que réalisateur (Un plan simple, souvent réduit à sa parenté avec le Fargo de ses anciens compères que sont les frères Coen) et producteur exécutif avec bon nombre d’oeuvres variées, alternant au cours des années 90 entre certains succès (Hercule et son spin-off Xena, des « JCVD flicks » comme Timecop ou Hard Target) et les flops de séries tv ayant peinés à trouver leur public (American Gothic ou encore le show M.A.N.T.I.S., mettant en scène un jeune super-héros noir et handicapé).

« Out, am I? »

Le cas particulier de The Quick and the Dead (Mort ou Vif en VF), ce western très sombre mâtiné d’exercice de style virtuose, est sans doute le plus significatif du lot, tant son bide au box-office aura poussé son auteur à changer son approche visuelle (en gros, adapter sa mise en scène en fonction des besoins du sujet plutôt que l’inverse, sa caméra virevoltante ayant ainsi fini par cesser de voler la vedette aux acteurs), mettant ainsi à partir de là plus l’accent sur la direction d’acteurs que sur une « caméra prima donna » (très discrète dans Pour l’amour du jeu).

For Love of the Game1

Il aura fallu attendre un Intuitions (2001) à la lisière du fantastique pour que ses anciens effets de style refassent surface avec parcimonie (la preuve qu’il a retenu cette leçon à son avantage), un équilibre également atteint dans ses 4 films suivants (l’ordinaire mêlé à l’extraordinaire dans Jusqu’en Enfer et la 1ère trilogie Spider-Man).

« Wake up, little spider. Wake up. »

Avec la résolution des droits cinématographiques du tisseur à partir de 1999, le changement d’orientation de la filmographie post-Mort ou Vif de Sam Raimi (Le Monde Fantastique d’Oz, Doctor Strange in the Multiverse of Madness), et l’avancée de la technologie numérique durant cette décennie, permettant d’enfin pouvoir représenter à l’écran la gestuelle spécifique du monte-en-l’air, c’est peu dire que les étoiles du Zeitgeist/air du temps se sont alignées au moment adéquat (Scott Mendelson: « The film was the right movie at the right place at the right time »).

À suivre…

3 « J'aime »

Pour en savoir plus :

Et pour la version Corman pré-Cannon (placée sous le signe de la guerre froide) :

Les différentes versions du script de Koepp (de 1999 à 2001) :

Le thème principal de la BO d’Elfman (les autres morceaux sont contenus dans cette même playlist) :

David Koepp (screenwriter): Superhero movies had fallen on hard times. They weren’t making any kind of cultural connection, and there had been a number of ones that were cheap and were considered shitty.

Sanford Panitch (former 20th Century Fox executive, current president of Sony Pictures) : Teen boys. That’s who you were making Marvel movies for — the small-mindedness of that thinking! Now, they are the most universal genre — they’ve transcended even adults and teens. They’re now just all-audience, family events.

Koepp: My big pitch was it should take a really long time for Peter Parker to become Spider-Man. He’s not going to have the outfit on for 45 minutes, and that’s OK. It’s such a powerful origin story, we need to really stretch it out. And the other thing is, the couple is not going to get together at the end — they have to end apart, because that’s romantic. That Sony was willing to embrace both those things I thought also showed they had some creative nerve. Because traditional thinking is, by page 10 he’s become a superhero, and at the end everything’s fine. We were trying to do something different.

Arad: Sam was unique. Sam didn’t come into it for money. Sam was a guy who needed to make it.

Pascal: He came in and said it’s a soap opera about a boy who loves a girl, and that’s what I want to focus on. John Calley and I just looked at each other and said, “Well, that’s the movie we want to make too.”

Raimi: I wanted to make sure we weren’t making an “in on the joke with the audience” presentation. For me, there was no joke. I don’t want to be safe as a filmmaker saying, “I know this is goofy, but let’s pretend it isn’t.” I never wanted to have that separation for me and the material, or assume that the audience had it. There is no safe place. There’s simply just believing — believing that Peter Parker exists and investing wholly into his heart and matters of his soul. And sharing that drama with the audience.

Raimi: I met with a number of great actors. Many turned down the role, and they were smart to, because their strengths sometimes were in being special people and portraying other special people on the screen. We needed somebody who was not Christopher Reeve, not extraordinarily tall and handsome and that would turn heads. We needed somebody with a heart and soul that the audience could recognize themselves in.

Arad: “The Cider House Rules” — that was Peter Parker right there. He had that same lack of confidence. Everything in it said to me, this is the guy.

Dafoe: The challenge was always to not make the Goblin ridiculous, make him a little scary. And I think, because technology was involved, they went with a very angular, very modern kind of look, more like an armor. Some of the early tests I saw, the Goblin looked more like a Halloween mask, this kind of puke green with bug eyes. It was kind of silly looking.

Dafoe: It was also a beautiful combination of very comic stuff and very dramatic stuff, and sometimes those things were weaved together in the same scene. Even though I wasn’t really in tune with knowing what comic books were, I did come from a theater tradition that appreciated a different kind of performance style than naturalism. And I saw the opportunities in having this kind of monster character, and then have it grounded with a certain psychological portrait of this tortured guy.

Koepp: I stand by the organic web slingers as a pretty cool idea. Wasn’t even my idea.

Panitch: I went to the premiere. The buildup had been so extraordinary. It just began this new genre for the entire film business, that you could do something like this. The tears and the orgiastic fan excitement — you realized that you tapped into something that was so beyond any single quadrant. It broke the mold of the idea that comic books were just something you read by yourself alone in the room. You realized that they’ve just transcended all of that.

Raimi: I had never made a hit movie, you know. From 1980, when I made “Evil Dead,” to 2002, when this came out, I had to survive by telling myself box office doesn’t matter. I knew even then that however big that opening weekend was, that wasn’t really a result of something that we could claim as our own. It was standing on the shoulders of Stan Lee, of maybe 60 years of writers in the Marvel bullpens, of artists and writers who had made animated “Spider-Man” TV series that kids loved.

I knew that, wow, they really, really love this character even more than any of us thought. It was more about that than “Oh, the movie’s so good.” How would they know? They’re coming in the first weekend.

PARTIE 2 - « Who am I ? I’m Spider-Man. » :


« You’re not Superman, you know. »

Si le 1er Spider-Man a été produit dans la foulée de Blade & X-Men (assez proche esthétiquement), celui-ci a en réalité plus d’atomes crochus en terme d’approche avec le 1er Superman de feu Richard Donner (tous deux sortis 40 ans après les parutions respectives d’Amazing Fantasy #15 & Action Comics #1), au point d’en être considéré comme le véritable héritier spirituel (là où le Superman Returns de Singer se pose en suite officielle). Les deux ont notamment en commun une démarche respectueuse de la part de véritables fans de longue date, ce qui équivaut à prendre le sujet au sérieux plutôt que de s’en moquer, en s’éloignant le plus possible de la tonalité « camp » du Batman d’Adam West (quand bien même celui-ci était perçu différemment selon que les spectateurs soient très jeunes ou plus vieux). Bien conscient d’avoir un personnage très populaire entre les mains, Rami tenait à lui donner un écrin à sa mesure (une mission réussie d’après la réception critique des deux premiers volets ainsi que le succès commercial d’un troisième volet plus décrié).

Mark Cotta Vaz : « Superman, the seminal 1978 superhero movie that Sam Raimi points to as the film most like Spider-Man in spirit. »

John Calley: We didn’t make Superman as an exploitative sci-fi, comic-book thing. It was done with a seriousness that said to audiences, « We believe in this and we want you to, as well. »

Deux réalisateurs qui ont également su atteindre un certain équilibre (une véritable gageure créative), ménageant leur propre patte avec une grande fidélité à l’oeuvre initiale, autant dans la manière d’adapter ce matériau original (dont Raimi et Donner sont fans depuis leur jeunesse) que dans la structure narrative (reprise à foison depuis lors).

Une révérence qui passe aussi bien par la narration que l’aspect visuel, en faisant en sorte qu’une bonne part du récit soit dévolu à l’origin-story, tout en renouant avec une imagerie lumineuse façon « Americana », tel le fameux plan à la John Ford dans le 1er Superman (lorsque Clark quitte Smallville) ou encore le repas de Thanksgiving entre les Parker et les Osborn, dont la composition du plan n’est pas sans rappeler un célèbre tableau de Norman Rockwell.

Une fois franchie l’étape de l’adolescence (passage nécessaire car correspondant à la période de l’obtention des pouvoirs et à la perte du père de substitution), ces deux films ont tout loisir de se concentrer sur ce qui constitue l’essentiel de leurs secondes parties respectives : le passage à l’âge adulte, l’entrée dans la vie active, l’éclosion de la romance, le début de carrière du super-héros ou encore la préservation de l’identité secrète (la comparaison peut également s’étendre à Superman 2/Spider-Man 2 et Superman 3/Spider-Man 3).

« Change ? Yep. Big change. »

Sam Raimi : "In my Evil Dead movies the purpose was to make something outrageous for the audience, something they’d never seen before. Those movies were trying to capture the world of the supernatural, to have the camera take the place of an unseen entity that doesn’t even exist in our world. So I came up with different ways to move the camera, different lenses. Those images really drew attention to themselves, and it was fine that they did, but I didn’t feel that was the proper approach for Spider-Man.

I wanted audiences to be pulled into the film by the performances. It’s such an important character, with generations and millions of fans, that I didn’t want to intrude with my flashy filmic business. I didn’t want it to stand between audiences and the character they love. I think audiences wanted to see a translation process, to see the character come to life. And I felt if they were to take notice of the camera, it’d be an intrusion into that very special relationship. So I tried to be very reserved with the camera."

Ce choix de privilégier parfois une certaine sobriété formelle se fait au service des moments les plus intimistes du film (une approche accentuée par le choix du format 1:85, là où le 2:35 du second opus reflète la volonté d’une représentation plus spectaculaire avec un cadre plus ample), tel ce moment touchant où Peter rentre chez lui pour annoncer à sa tante May le décès de son mari. La caméra reste à distance tous en restant immobile, tandis que l’émotion est au coeur de la scène, tandis que les paroles assez superflues sont rendues quasi-inaudibles en étant couvertes par la bande-son d’un Danny Elfman très inspiré (aussi à l’aise pour l’action que pour l’émotion).

L’humble Raimi ne tire donc pas la couverture à lui dans ces moments-là (sa caméra se lâche plus par contre pour les scènes de suspense, d’action et de voltige) et c’est tout à son honneur (il ne se renie pas pour autant puisque le film porte sa patte tout du long). Pas sûr que le jeune Sam plus « fou-fou » des 80’s (Evil Dead 1 & 2, Crimewave, Darkman) aurait su (ou plutôt voulu) faire preuve d’une telle sobriété (celle-là même qu’il pratique depuis Un Plan Simple).

Cela renforce l’impression que cette adaptation est arrivée au moment adéquat dans la carrière d’un réalisateur plus mûr (voire assagi selon certains), avec alors près de 20 ans d’expérience derrière lui, à la fois pavés de grandes réussites (Un Plan Simple) et de cruelles déconvenues (Crimewave), impliquant une remise en question suite à l’échec au box-office de certains de ses films les plus originaux (Mort ou Vif).

« These are the years when a man changes into the man he’s gonna become the rest of his life. Just be careful who you change into. »

En plus de constituer un des plus grands aboutissements de sa carrière, sa seconde trilogie phare (après les Evil Dead) lui aura permis de mettre en place un condensé de ses acquis passés, lui permettant d’entremêler harmonieusement ses différentes approches formelles des années 80/90 (les séquences surnaturelles couplés aux tranches de vies d’Intuitions constituaient déjà un pas vers cette nouvelle démarche équilibrée, alternant entre une forme de classicisme et des morceaux de bravoure).

Ainsi, lorsque le récit met l’accent sur le quotidien de Peter avec sa tante et ses proches, Raimi use de la sobriété formelle dont il a su faire preuve sur ses films de la fin des années 90 (sa veine plus sérieuse et dramatique, moins axée sur l’humour « splastick »), mais dès lors que l’intrigue se déroule dans l’antre des Osborn ou se concentre sur les bad-guys en général, le style de mise en scène propre à ses films d’horreur reprend ses droits (caméra plus frénétique, dutch angles, montage plus nerveux, etc).

À l’instar des expérimentations visuelles de Blade 2 (sorti à la même période) et d’X-Men 2 (l’intro à la Maison Blanche avec Diablo), le premier volet de la trilogie Spider-Man est lui aussi représentatif de cette mouvance de l’avénement des CGI (un ajout de poids au langage cinématographique) et de ce que le numérique permet en terme de mouvements de caméra (certains angles de vue impossibles à atteindre en temps normal), quand bien même Raimi ne met pas pour autant de côté l’aspect « artisanal » (la « Spider-Cam » au milieu des buildings comme prolongement plus coûteux de ce qu’il faisait autrefois sur le 1er Evil Dead avec la « shaky-cam », accrochée à une mobylette lancée à toute vitesse au fond des bois).

Bien loin de se limiter à un artifice superficiel visant à épater la galerie, cet élément devient une partie intégrante du storytelling, lui servant d’atout-clé pour mieux déployer les potentialités narratives, visuelles et symboliques des pouvoirs arachnéens dans toute leur dimension sensitive et immersive, dans ce que cela peut avoir d’euphorisant (les sauts au dessus des toits) ou de déroutant (la découverte des aptitudes physiques et du sixième sens arachnéen dans les couloirs du lycée, avec une utilisation du « bullet time »).

« I’ve been like a father to you. Be a son to me now. »

Si le choix du super-vilain s’est porté sur le Bouffon Vert, ce n’est pas seulement parce qu’il est la principale némésis du héros (les deux autres, Dr. Octopus & Venom, étant quant à eux au programme de suites), mais bien parce qu’ils ont un lien dans le civil (personnifié par un Harry Osborn tiraillé entre ses attaches), d’autant que Norman Osborn est celui qui se rapproche le plus d’une figure paternelle néfaste, à même de servir de contrepoint par rapport au bienveillant (et défunt) oncle Ben (« J’ai déjà un père. Son nom était Ben Parker »).

Le Bouffon constitue en outre un vecteur idéal pour que Raimi se serve de son expérience de réalisateur de films d’horreur, la nature du personnage affectant la façon dont il est utilisé, tantôt grotesque (quand le masque cache complètement le visage de l’acteur) ou menaçant (quand un gros plan révèle son regard derrière le masque). Norman face à son autre personnalité (le miroir, une façon ingénieuse et peu coûteuse pour figurer le dédoublement de personnalité), entouré de différents masques tous confinés dans une seule pièce, c’est pratiquement du néo-Evil Dead en plus soft (comme si Raimi avait déplacé la cabane hantée pour la jucher en haut d’un immeuble huppée de New York), tandis Raimi semble plutôt avoir lorgné sur Darkman pour les malheurs infligés à Otto Octavius dans le second volet.

« In spite of everything you’ve done for them, eventually, they will hate you. »

Ce choix judicieux d’adversaire, et assurément pertinent en terme de dramaturgie (comme le démontre la scène du repas de Thanksgiving, où convergent les tensions accumulées), occasionne néanmoins une difficulté, résidant dans la façon d’adapter le look plutôt casse-gueule du Bouffon Vert à l’écran. Après avoir beaucoup tâtonné concernant son faciès, la solution à finalement été trouvée en se concentrant sur la collection de masque tribaux d’Osborn, comme source d’inspiration visuelle pour l’émergence de cette autre personnalité (comme si le masque qu’il a choisi de revêtir, le symbole de son autre personnalité, était déjà présent dans cette antre aux couleurs verdâtres, son univers mental résumé à une seule pièce).

Si ce design décrié a eu son lot de détracteurs (ses défenseurs étant plus rares), l’interprétation du personnage a néanmoins eu les faveurs du public, cette participation à un blockbuster ayant alors permis au talentueux Willem Dafoe de se faire connaître d’un plus large public (notamment tous ces jeunes spectateurs pas prêts d’oublier de sitôt son rictus, d’autant plus avec un retour récent faisant office de piqure de rappel).

« Ladies and gentlemen, give it up for the new champion, Spider-Man ! »

L’éclatante réussite du second opus (si réussi qu’il a depuis eu tendance à devancer le premier dans le coeur des fans) ne doit pas faire oublier pour autant la remarquable efficacité de son prédécesseur dans sa propension à condenser les bases (se concentrer sur Peter Parker, quitte à limite reléguer Spidey au second plan) et l’essence du personnage (la prépondérance de la romance dans les enjeux émotionnels et autres bouleversements narratifs), en s’efforçant de synthétiser plusieurs décennies d’histoires (en particulier la période 1962-1973) ainsi que des détails importants, comme le fait remarquer Mark Waid.

Mark Waid (extrait de Marvel Renaissance) : « X-Men a été la première étape qui a permis de faire Spider-Man, de faire Captain America, de faire Iron Man… C’est la graine à partir de laquelle tout l’univers Marvel au cinéma a germé. Et là nous voyons Spider-Man. Oh mon dieu, ils ont tout compris ! C’était la première fois que quelqu’un réussissait à transposer un personnage Marvel à l’écran sans être embarrassé par l’histoire originale. Ils ont fait en sorte que tout ce qui nous plaisait dans le comic fonctionne. Avec des changements ? Oui, il y a forcément des changements lorsque vous passez d’un médium à un autre. Vous êtes obligés, mais là, mon dieu, ils ont compris ! On retrouve l’Oncle Ben, c’est le discours « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », il coud lui-même son costume, il combat un catcheur. Il y a ce voleur qu’il n’arrête pas à temps pour sauver son oncle. Les temps forts étaient là, toute la magie était là, et on s’est tous dit : « Si telle est leur approche, ça va marcher. » Et on a tous retenu notre souffle ce week-end là. Si ce film s’était planté, c’en était fini des films de super-héros. Ça a été le tournant. Le film Spider-Man, à ce point réussi, a ouvert la porte a tout le reste. »

Outre Dafoe, l’autre grande trouvaille du casting est bien sûr l’excellent J.K. Simmons (Oz, Counterpart) interprétant un J. Jonah Jameson si fidèle au matériau original qu’il paraît avoir été transposé à l’écran plutôt qu’adapté. À l’arrivée, le bilan est bien sûr des plus positif (tant pis si le film n’est pas irréprochable en tout points), tant il était alors difficile de ne pas ressortir de la salle avec le sourire après ces derniers plans galvanisants…

https://www.thestar.com.my/lifestyle/entertainment/2022/05/03/from-the-archives-what-sam-raimi-told-us-20-years-ago-about-making-039spider-man039

Sam Raimi : « (When people leave the cinema) I want them to feel uplifted and excited and thinking about the characters as real people, and to see that the good Peter Parker has risen to do is possible in every one of us. That’s what stories of heroes can do for us – they can show us the good that we’re capable of. »

4 « J'aime »

Action/drame/fantastique
Long métrage américain
Réalisé par Sam Raimi
Scénarisé par David Koepp
Avec Tobey Maguire, Kirsten Dunst, James Franco, Willem Dafoe, J.K. Simmons, Rosemary Harris, Cliff Robertson…
Année de production : 2002

Je ne me rappelle plus du film que j’avais été voir ce jour-là mais je me rappelle très bien avoir vu le premier teaser de Spider-Man au cinéma en 2001, celui avec la vue sur le World Trade Center (qui se reflète aussi dans les yeux de l’Homme Araignée sur certains posters). Cette petite bande-annonce ne contenait pas d’images du film et se présentait comme une mini-scène dans laquelle Spidey arrête des cambrioleurs et prend leur hélicoptère dans sa toile tendue entre les tours jumelles. Promotion bien entendu éphémère suite aux terribles événements de l’automne 2001…

Je ne reviendrais pas sur le (très) long développement qui a amené pour la première fois Spider-Man sur grand écran, Marko l’a déjà très bien fait dans les posts ci-dessus. Revoir cette entame de la trilogie de Sam Raimi m’a rappelé à quel point son long métrage cochait toutes les cases de l’adaptation réussie, avec les changements requis pour une transposition cinématographique tout en ne perdant jamais l’esprit de la bande dessinée. L’histoire d’origine prend son temps, environ 50 minutes, sans ennuyer grâce à un très bon rythme et au travail sur les personnages du script signé David Koepp (avec les apports non-crédités de Alvin Sargent, Scott Rosenberg et James Cameron puisque c’est à lui que l’on doit les lance-toiles organiques).

L’histoire d’amour et les relations pères/fils sont au coeur d’un récit qui ne perd jamais de vue l’aspect humain, ce qui rend les protagonistes attachants. Peter Parker est amoureux de Mary Jane Watson, la « girl next door », mais il n’a jamais osé lui avouer ses sentiments. La MJ jouée par Kirsten Dunst mélange plusieurs éléments, il y a de la Gwen Stacy en elle, de la MJ de l’univers Ultimate et aussi de l’univers classique (sa vie de famille compliquée), et cela fonctionne. Le chassé-croisé romantique entre Peter, MJ et Harry Osborn (un triangle amoureux à part si l’on tient compte de la double identité de Parker) est nourri des incertitudes de leur jeunesse et de leur parcours de vie, avec ce côté soap qui fait partie intégrante des comics

À 26 ans, Tobey Maguire était déjà un chouïa trop vieux pour jouer un lycéen mais ses traits encore un peu juvéniles font oublier facilement ce détail tant je trouve qu’il incarne justement les différentes facettes du jeune homme qui deviendra un héros suite à une terrible erreur. Un moment fatidique impeccablement orchestré par les auteurs, à partir de la discussion entre Peter et son oncle Ben (très bon Cliff Robertson, touchant lorsque celui qu’il considère comme son fils sort des mots qui ont dépassé sa pensée) suivi par le savoureux combat de catch (avec la première apparition de Bruce Campbell dans la trilogie) pour se terminer par la poursuite du voleur, sombre et intense.

Tout ceci se déroule parallèlement avec la « naissance » du Bouffon Vert, brillamment campé par un Willem Dafoe qui sait trouver l’équilibre entre retenue et franche exagération des deux parties de la personnalité de Norman Osborn. Dommage que le costume (pas le design le plus inspiré) prive de son visage très expressif pendant les combats. Le choix de James Franco pour interpréter Harry était également très bien pensé, ce qui se vérifiera dans son évolution dans les deux volets suivants…et pour compléter la distribution principale, il y a bien entendu Rosemary Harris en Tante May et un festival J.K. Simmons qui vole la vedette à tout le monde en J.Jonah Jameson sorti tout droit des cases de la bande dessinée (il faut dire que les autres membres du staff du Daily Bugle sont réduits à leur plus simple fonction, il n’y a pas vraiment la place et le temps pour les étoffer un peu plus)…

Sam Raimi est aussi à l’aise dans les passages intimistes et émouvants que dans les gros morceaux d’action tout au long d’une aventure qui monte très efficacement en puissance. On retrouve indéniablement sa patte dans sa première superproduction à plus de 100 millions de dollars, aussi bien dans les petits montages que dans les mouvements de caméra ultra-dynamiques qui savent notamment très bien retranscrire les envols de Spider-Man, un peu pataud au début et virevoltant dans la superbe dernière scène. Et le meilleur était encore à venir…

Quoi que la vie me réserve, je n’oublierai jamais ces mots : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». C’est mon don, ma malédiction. Qui je suis ? Je suis Spider-Man !

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J’étais un vrai gosse, dans la salle de ciné. Je me souviens très bien où je l’ai vu, dans le vieux cinéma du coeur de Morlaix, avec des sièges en sky abimés.
J’en suis ressorti avec les étoiles plein les yeux et j’ai même encore l’affiche du film que le ciné m’avait refilé.

J’ai du le voir une bonne dizaine de fois dans les années 2000. J’ai bien rentabilisé le DVD…^^

Le cameo de Stan Lee :

Très rapide, celui-là. Il devait être en deux temps…pour la première partie, il y avait une référence au film des X-Men qui ne fonctionnait pas vraiment et qui a été coupée au montage. Et pour la deuxième, Stan devait sauver la fillette et s’enfuir, mais il a ensuite révélé qu’il n’a jamais réussi à soulever la gamine…^^

Qui reviennent tous deux dans les volets suivants (coriaces ces mentors) malgré les décès de leur personnages respectifs (tel Alec Guinness/Obi-Wan Kenobi dans les suite de La Guerre des Étoiles).

Pitit extrait de l’adaptation du film en comic-book par Stan Lee et Alan Davis :

Chris Evangelista : « James Cameron’s drawings for his never-made SPIDER-MAN movie »
(source : Tech Noir, The Art of James Cameron)

Terry Dodson

Aurelio Lorenzo :

FtghGenWYAAs6d7

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WhyNotStuff :

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Julien Rico Jr :

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Amar Williams :

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