TUMATXA : L'ÉMISSION !

Ah tiens, à la faveur de la citation que tu postes là, ça me revient : dans son bouquin il pointe une « limite » du cinéma de Siegel, qu’il évoque aussi ici, et il s’agit de son recours à un symbolisme un peu pataud, un peu trop évident quoi. Il précise un peu les choses dans cette citation : il visait ce symbolisme « freudien vulgarisé » très en vogue à Hollywood, surtout pour la génération des réals comme Siegel. Qui, perso, me semble avoir du charme, si ça veut dire quelque chose…
Il est même gêné par ce point dans « Dirty Harry », qu’il tient pourtant pour un film très important et abouti dans son genre.

Pas vraiment en fait :wink: . C’est une assertion qui déboule un peu en fin de chapitre, sans plus de développement. Il dit simplement que le fait qu’il soit extrêmement bien réalisé (ce qui est difficilement contestable, de mon point de vue) ne suffit pas à en faire un de ses films favoris, même s’il le tient pour un grand film quand même…

Oui, il y a eu de ça aussi en ce qui me concerne, honnêtement.

Ah c’est marrant, c’est un reproche qui revenait très souvent à son encontre à l’époque de « Kill Bill ». Surtout évidemment de la part de ceux qui ne goûtaient guère au film : en gros, ils lui reprochaient de ne rien raconter à travers ce film, car à s’immerger ainsi pleinement dans sa cinéphagie il n’avait rien vécu qui puisse valoir la peine d’être raconté. A part ses citations, rien de personnel dans ses films…
Or, et c’est là que la lecture de « Cinéma Spéculations » est intéressante (à condition évidemment d’être suffisamment intéressé par le « sujet Tarantino »), il y a beaucoup plus d’éléments biographiques qui exsudent de la filmo de Tarantino qu’on ne pourrait le penser à première vue. La jeunesse du cinéaste, assez tumultueuse sur le plan familial, est en partie dévoilée dans le livre. « Jackie Brown » et « Django Unchained », particulièrement, sont infusés d’éléments biographiques très précis, la façon notamment dont la culture afro-américaine a été au centre de son adolescence du fait des relations (amoureuses et / ou amicales de sa mère à l’époque).
Maintenant, tu vas me dire (et tu n’aurais pas tort !), que quelques éléments biographiques ne font pas une analyse pertinente de la violence endémique de la société américaine à tel ou tel moment de son histoire ; c’est vrai, et je suis le premier à penser que la grille biographique en tant qu’outil d’analyse a ses limites voire mène facilement à des fausses pistes. Mais tout de même, je trouve que ça bat un peu en brèche l’argument du Tarantino à l’abri de sa salle de cinéma pendant que la vraie vie se déroule hors ces murs (là c’est moi qui schématise, hein).

Ceci étant posé, et il faudra vraiment que j’écoute « Dis-Cor-Dia » pour y voir ce qu’ils en disent précisément, je suis plutôt en accord sur la question de la représentation de la violence dans le cinéma de Tarantino : elle a quelque chose de « problématique ». Non qu’elle soit choquante ou qu’elle engage sa responsabilité d’artiste (je ne crois pas du tout à ce type d’argument), mais je dirais qu’elle « manque » quelque chose. Peut-être est-elle purement fantasmatique en effet, et qu’elle rate quelque chose de l’effet de réel minimal qu’elle devrait susciter pour résonner plus.

Tiens, je reviens sur cette citation de Tarantino : s’il y a un truc qui m’énerve dans son livre, même si ça n’est pas sa faute car c’est une facilité de langage couramment répandue notamment aux Etats-Unis (mais pas que), c’est cette dénomination d’art-film ; pour moi, ça ne veut vraiment rien dire. C’est le genre de grosse réduction à la serpe qui n’aide pas à y voir clair et qui est assez ruineuse dans la perspective d’une analyse de film.

Vu comme ça, ça fait sens.

Je pense que j’ai maladroitement formulé ça plus haut mais c’est en effet ce qui est mis en avant dans le podcast, le fait que Jacky Brown soit un peu à part parce qu’il a baigné dans cette culture afro-américaine notamment et que ça infuse dans le film. Je ne crois pas non plus à la grille biographique, qui peut éclairer des pans d’une œuvre mais aussi effectivement en limiter les champs de compréhension. La filmo de Tarantino, dans sa façon de dépeindre des personnes, des événements et dans ce que la représentation de la violence renvoie, me semble témoigner d’un rapport au monde limité et replié en quelque sorte sur lui-même parce qu’autoalimenté en partie par cette boulimie cinéphage ayant nourri son cinéma au point d’en être un des principaux moteurs. Passé le plaisir immédiat de la découverte, les champs d’exploration de son œuvre et sa portée - en dépit de qualités certaines comme les prestations des interprètes, la gouaille des répliques et le sel des histoires entre autres - m’apparaissent de fait réduits, et ce malgré des incursions dans des genres variés.

Disons que paradoxalement, l’originalité de la patte Tarantino qu’on (re)connaît fait autant la limitation de son cinéma et participe de beaucoup à quelque chose qui m’apparaît factice sur la durée (dans ce qu’il raconte et comment il le véhicule, le met en scène), dépourvu des possibilités sensorielles primaires que peut de fait procurer un film.

Oui, ça me paraît assez juste comme façon de le formuler, en tout cas j’y reconnais mon propre ressenti devant ses films…
Au passage, j’ai écouté le podcast « Dis-Cor-Dia » hier au soir, et si comme d’habitude j’ai trouvé ça très intéressant, je regrette un peu quand même que François Cau et son invité (j’y reviens) insistent autant sur leur appréciation (mitigée, pour dire le moins) du bonhomme, plus que de la matière-même de ses films. Un peu comme dans le livre de Tarantino, ça manque peut-être un peu de purs éléments d’analyse cinématographique. Mais c’est peut-être un peu raide de leur faire ce reproche quand l’émission (par nature, et ça en fait en partie le sel) prend les atours d’une discussion décontractée, volontiers digressive.
J’aime beaucoup l’invité Lelo Batista, que je suivais il y a plus de 15 ans maintenant en tant que critique musical dans le mag’ New Noise, où sa verve et ses avis tranchés et volontiers provocateurs faisaient déjà des merveilles à l’écrit (il faisait aussi partie de l’équipe du podcast Nociné). Je note quand même que sa critique des oeuvres qui se déploient sur la hype du moment pourrait bien s’appliquer à lui-même, qui soutenait des groupes très « hype » justement, à la The XX (même si honnêtement il les écoutait avant tout le monde), aujourd’hui complètement ringardisés voire oubliés. Mais je chipote pour faire mon malin. :wink:

EPISODE 23 : L’excellent Parc dans la Zone Internationale !

En cette dernière ligne droite de la saison, tels de futurs bacheliers, ce soir dans « Tumatxa! », on révise…!! En effet, les objets et/ou les artistes qui nous occupent cette semaine ont tous déjà fait l’objet de chroniques au sein de l’émission ces derniers mois (cette saison, ou en fin de saison dernière) ; les auditeurs assidus reconnaîtront même certains noms très fréquemment invoqués par nos soins. Que voulez-vous, on ne se refait pas.

Pour le cinéma, c’est double rasade, avec deux films signés par un habitué de l’émission, en l’occurrence le regretté George A. Romero. Le cinéaste américain signait en 1973 une curiosité longtemps considérée comme perdue, le moyen-métrage « The Amusement Park », exhumée il y a deux ans pour le plus grand plaisir de ses fans. Par ailleurs, nous évoquerons aussi un film sous-estimé du maître des films de zombies, le méconnu « Bruiser » (2000), récemment réédité dans l’excellente collection Make My Day, chapeautée par Jean-Baptiste Thoret, grand spécialiste du travail de Romero.

Pour la littérature, l’immense William S. Burroughs s’invite à nouveau au sommaire. Encore ??? me direz-vous : oui, et y’en aura encore longtemps même si vous êtes pas contents. Eh oui, les babouins à cul rouge et les mandrills à cul bleu me manquaient… Et il y en a, des singes à cul bariolé, dans « Interzone », le livre qui nous intéresse ce soir. Sorte de brouillon du chef-d’oeuvral « Festin Nu » (même si en fait c’est un peu plus compliqué que ça, mais nous rentrerons dans le détail), le livre est un document incroyable pour comprendre comment Burroughs se mue dans le courant des années 50 en un écrivain majeur, et pour tout dire irrésistible…

Pour la BD, retour en arrière avec l’évocation du premier tome de « X-Cellent », signé du tandem Peter Milligan/Mike Allred, déjà à la manoeuvre sur « X-Statix » (dont le titre « X-Cellent » est en fait la suite directe), que nous avions évoqué tout récemment. Spoiler alert : c’est toujours aussi jouissif. D’autre part, nous évoquerons aussi le tome 2 de « The Maxx », la série-phare de Sam Kieth (assisté de William Messner-Loebs pour le scénario) ; un titre décidément très singulier aussi étrange et touchant que profondément original et magistralement illustré. Quelle série, décidément, aussi pertinente aujourd’hui qu’à sa parution initiale il y a 30 ans.

Le tout est évidemment saupoudré délicatement de bonne zique : Liturgy revient dans les bacs avec son monumental « 93696 », dernier (très long, trop long) album en date du groupe, produit par Steve Albini en personne, et le surpuissant « Djennaration » ouvre en conséquence les hostilités ; Robert Fripp s’acoquine au jazzeux Theo Travis pour nous offrir « Thread », album ambient axé sur une série d’improvisations du meilleur cru, dont est issu le reposant « Pastorale » ; les new-yorkais de Netherlands reviennent à peine quelques mois après la sortie de leur dernier album avec « Severance », dont on écoute le furieux morceau-titre ; enfin, Bell Witch et Aerial Ruin unissent leurs forces (déjà bien intriquées à la base) pour « Stygian Bough Vol. 1 », et on en écoute le morceau introductif, le sublime « The Bastard Wind », aussi épique que bouleversant…!!!

« Soaring ascent in flame
Cinders of victims singed and maimed
Strip the wind to bleed again
Fall below oceanic flame »

EPISODE 23 !!

Image Interzone

Image X-Cellent

J’en profite pour remettre mon avis

Quant à Bruiser, il fait partie des trois ou quatre Romero que je n’ai toujours pas vus…

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On dirait du McKean.

Jim

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Carrément !!
A priori, ce n’en est pas ceci dit ; je n’en trouve pas trace dans le corpus de McKean après une rapide recherche. Il a bien illustré « Interzone »… mais le numéro 36 de la revue du même nom.

Cette couv’ me fait aussi penser à du Daniel Vallely, muscien/illustrateur écossais très rare (et même retiré du milieu en fait), co-auteur du méconnu mais passionnant « Bible John - A Forensic Meditation », le « From Hell » de Grant Morrison ; ça ressemble à ça :

image

Je ne comprends décidément pas la triste réputation de ce film. Franchement, je me souviens de l’accueil calamiteux à l’époque et j’étais resté avec l’idée que c’était une purge… Mais c’est loin d’être le cas ! Certes le film accuse son petit budget, mais c’est plutôt courant dans la filmo de Romero et ça ne l’a pas empêché d’être pertinent par ailleurs.
J’aime notamment beaucoup la façon dont Romero revisite certaines figures archétypales du cinéma fantastique, l’air de rien, comme il l’a finalement beaucoup fait durant sa carrière.

Diable.

Jim

J’en cause ici !

Merci.

Jim

Tss tsss tsss, il nous tente mais c’est quasi introuvable son machin! :sweat_smile:
D’ailleurs, il faudrait que je mette à nouveau à sa recherche…

Sinon, très content que tu parles d’Interzone.
Un livre encore une fois très étrange, bien différent du biais par lequel il est présenté.
Je me suis souvent dit qu’il faudrait que je le relise à la suite du Festin Nu (ou inversement).
Pour le Bret Easton Ellis, je suis curieux d’avoir ton retour. J’ai trouvé qu’il jouait la facilité mais à côté de ça, je l’ai dévoré de façon compulsive et adoré.
Peut-être même un de mes préférés avec « Lunar Park ».
Pour une fois, j’ai trouvé un intérêt à Deezer. Il y a des gars qui ont fait des playlists avec tous les morceaux cités dans le roman. J’ai bien aimé le lire avec cet accompagnement. Ça m’a permis de découvrir quelques groupes et morceaux très intéressants.

Ah !! Intéressant, ça. Vu que « Lunar Park » est également mon préféré dans son corpus…
Indépendamment de la qualité de ses romans relativement les uns aux autres, je prends toujours énormément de plaisir à la lecture d’un roman d’Ellis. Hâte de me plonger là-dedans dans les jours qui viennent.

Oh oui, très étrange, surtout cet incroyable segment final, « Le Verbe » (qui, comme le dit le préfacier James Grauerholz, est un peu unique dans le corpus de Burroughs… tout en étant complètement burroughsien, c’est ça qui est sidérant), totalement barré et hilarant, et annonçant la folie du « Festin Nu », mais en plus foutraque et moins « vertébré ». J’ai adoré « Interzone » : pour les lecteurs avertis de Burroughs, c’est vraiment un document indispensable, la trace de son évolution du « factualiste » de « Junkie » et « Queer » vers l’auteur unique et fou qu’il devient à compter du « Festin Nu ».

Et voilà pour le chapitrage:

2023.04.05 - (2:35) Liturgy, (29:43) George A. Romero, The Amusement Park, Bruiser, (1:20:39) Robert Fripp, Theo Travis, (1:35:38) William S. Burroughs, Interzone, (2:18:36) Netherlands, (2:26:46) Peter Milligan, Mike Allred, X-Cellent, (2:39:18) Sam Kieth, William Messner-Loebs, The Maxx, (2:54:07) Bell Witch, Aerial Ruin

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C’est sûr, et si ce n’est pas l’objet même de l’épisode - les épisodes rétrospectifs s’accompagnent justement de revisionnage - ça manque peut-être un peu dans ce cas précis.

Ha ha, n’étant pas du tout mélomane, je l’ai découvert sur le podcast nociné - il m’avait fait rire avec ses vannes sur le remake de Suspiria - et j’ai continué à le suivre pour le travail de prescription qu’il fait pour libération avec d’autres rédacteurs (et sur twitter), notamment en matière de cinéma . Derrière sa verve que j’aime beaucoup, il a une curiosité et un éclectisme rare dans l’exploration de cinématographies qui sortent des sentiers battus. Je ne suis pas forcément aussi emballé que lui après séance, d’autres fois j’adore des choses où il est plus mitigé - dernièrement, j’ai trouvé Los reyes del mundo extraordinaire d’un bout à l’autre - mais je ne regrette jamais le déplacement.

Ah oui, je m’en souviens très bien de ce podcast en particulier, c’était très drôle de bout en bout. Ils avaient globalement déchiré le film, et même si je n’aime pas spécialement ces exercices de dégommage en règle, c’était en l’occurrence très drôle et roboratif. Ironiquement, perso je ne déteste pas ce remake auquel je trouve plein de gros défauts mais aussi des qualités énormes.

Oui, voilà, c’est exactement le genre de prescripteurs qui m’intéresse aussi ; je ne suis pas forcément sur la même longueur d’ondes que lui, mais c’est précisément la raison pour laquelle c’est plutôt ce genre de mecs qui va m’aiguiller vers quelque chose d’intéressant que je n’aurais pas été regarder par ailleurs, ou que j’aurais de grandes chances de rater même. Et malgré les « désaccords », c’est toujours un minimum étayé et solide comme avis, et souvent fun.

Je n’ai pas accroché plus que cela à ce morceau de Bell Witch mais par contre ton enthousiasme vis à vis de l’album « Mirror Reaper » a titillé ma curiosité.
Je l’ai écouté ce midi et effectivement, cet album me semble vraiment terrible.
Pourtant les circonstances de cette écoute étaient particulières, j’étais en train de courir avec un beau soleil et une ambiance printanière. Totalement à l’opposé du mood de l’album… :sweat_smile:
A réécouter dans des conditions plus propices

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Il l’est, et il gagne en ampleur au fil des écoutes, vraiment (et j’en dirais autant de « The Bastard Wind », le morceau que j’ai diffusé cette semaine).
Je ne saurais trop te conseiller d’y revenir à l’occasion, et sur scène, quelle incroyable expérience… Je ne sais pas si je l’ai précisé durant l’émission, mais le concert de Bell Witch auquel j’avais assisté consistait en fait en une interprétation intégrale de « Mirror Reaper », Erik Moggridge et son chant clair bouleversant inclus.

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