REALISATEURS
Alberto Cavalcanti, Charles Crichton, Robert Hamer et Basil Dearden
SCENARISTES
John Baines et Angus McPhail
DISTRIBUTION
Michael Redgrave, Mervyn Johns, Roland Culver, Sally Ann Howes…
INFOS
Long métrage britannique
Genre : fantastique
Titre original : Dead of Night
Année de production : 1945
S’il n’est pas le premier représentant de l’anthologie fantastico-horrifique au cinéma, Au Coeur de la Nuit est le film qui aura eu le plus d’influence sur les futures productions qui ont adopté ce format particulier. Seule oeuvre fantastique sorti des studios Ealing (principalement connus pour une série de comédies avec Alec Guinness en tête d’affiche, comme Noblesse Oblige, De l’or en barres ou encore Tueurs de Dames), Au Coeur de la Nuit est également l’un des rares longs métrages du genre produit en Angleterre pendant les années 40 (car l’horreur y fut bannie pendant le conflit mondial).
Au Coeur de la Nuit est composé de 5 histoires reliées par un fil rouge. Il s’agit là de l’un des plus fameux exemples de « sketch de liaison » car celui-ci introduit non seulement brillamment chaque segment, chaque témoignage, mais sa narration participe au caractère intrigant de l’ensemble…jusqu’à en devenir complètement ébouriffante dans les dernières minutes. Le spectateur a-t-il assisté à un rêve ? à un flashback ? à un flashback au sein d’un rêve ? L’histoire prend alors une nature circulaire qui entretient le doute au-delà du générique de fin…
Walter Craig, un architecte, arrive dans un cottage sur invitation du propriétaire qui souhaite y faire des travaux d’aménagement. Plusieurs personnes y sont déjà réunies et Craig a alors une étrange sensation de déjà-vu. Il a l’impression d’avoir déjà vécu ce jour et certains détails troublants semblent lui donner raison. Parmi les invités se trouve un psychologue qui demeure sceptique. Cette situation incite les autres membres de ce petit groupe à dévoiler leur propre expérience avec le paranormal…
Prémonition, envoûtement, fantômes, schizophrénie…les histoires racontées sont variées et chaque partie passe de manière fluide d’un style à l’autre sans perdre l’unité de ton. Il n’y a guère que la première, Le Clocher de Corbillard signé Basil Dearden (Khartoum), que je trouve un peu plus faible que les autres (la mise en place est efficace, mais la chute est un peu abrupte). La Fête de Noël de Alberto Cavalcanti (Champagne Charlie) est un récit de fantôme mélancolique et très joliment filmé et La Partie de Golf (librement inspiré d’une nouvelle de H.G. Wells et mis en boîte par Charles Crichton, habitué des comédies de la Ealing et futur réalisateur d’Un Poisson Nommé Wanda) apporte une touche de légèreté (et une certaine loufoquerie assez étrange) avec ses deux golfeurs amis et rivaux même après la mort.
À chaque fois que je revois Au Coeur de la Nuit, ma préférence va aux segments du Miroir Hanté et au Mannequin du Ventriloque. Dans le premier, un homme est obsédé par le miroir que sa femme lui a offert et qui lui fait voir une autre pièce, différente de celle où il se trouve. Par de subtils mouvements de caméra, le réalisateur Robert Hamer (Noblesse Oblige) fait co-exister les deux espaces et le jeu de l’acteur participe à l’intensité de ce suspense maîtrisé avec peu d’effets.
Dans le second, le plus connu (il a notamment inspiré William Goldman pour son Magic adapté par Richard Attenborough), un ventriloque est persuadé que sa poupée est vivante et cherche un autre partenaire. Cette plongée dans la folie est superbement servie par l’interprétation hallucinée de Michael Redgrave et la mise en scène de Alberto Cavalcanti, aux éclairages soignés…et la chute est excellente !