REALISATEUR
Mario Bava
SCENARISTES
Willibald Eser, Vincent Fotre, William A. Bairn et Mario Bava
DISTRIBUTION
Joseph Cotten, Antonio Cantafora, Elke Sommer, Massimo Girotti, Luciano Pigozzi…
INFOS
Long métrage italien/ouest-allemand
Genre : horreur
Titre original : Gli orrori del castello di Norimberga
Année de production : 1972
L’histoire du cinéma italien, et particulièrement du cinéma d’exploitation, est faite de « filone »…de « filons »…de genres qui ont marqué chaque décennie avant de s’éteindre progressivement pour laisser la place à d’autres plus viables commercialement parlant ou plus en phase avec leur époque. L’horreur gothique a ainsi connu son heure de gloire dans les années 60 et c’est Mario Bava qui lui a donné ses lettres de noblesse dès 1960 avec le superbe Le Masque du Démon.
Une dizaine d’années plus tard, la vague du gothique est passée et ne restent généralement que quelques séries Z qui insistent plus explicitement sur le sexe et le gore pour attirer le spectateur (comme Les Vierges de la Pleine Lune).
C’est dans ce contexte que Mario Bava réalise Gli orrori del castello di Norimberga fin 1971, une commande produite par Alfredo Leone, avec qui il collabora régulièrement dans la dernière partie de sa carrière. Dans la filmographie de Bava, Gli orrori del castello di Norimberga vient entre le proto-slasher La Baie Sanglante (un de ses meilleurs films des seventies) et le déroutant et troublant Lisa et le Diable. Un retour à l’horreur après un détour alimentaire par le western (Roy Colt et Winchester Jack) et la sexy comédie (Quante Volte…quella notte)…mais si Baron Vampire (titre français trompeur) est un film de commande (et reste considéré comme un Bava mineur), on y retrouve plus la patte du maestro que dans les deux longs métrages cités précédemment.
Baron Vampire transpose le gothique baroque à l’époque moderne, avec tous les éléments associés à ce sous-genre de l’horreur, tels que le château médiéval, la malédiction familiale qui est au centre de l’intrigue, les sombres secrets, une salle de tortures suintante et inquiétante…associés à cette vision décalée que peut représenter un grand distributeur de cocas au détour d’un couloir. Le décalage se produit également entre les motivations des personnages et la réalité de l’irruption du surnaturel dans leur vie. Lorsque le jeune Peter Von Kleist invoque l’esprit de son ancêtre connu autrefois sous le sobriquet de « Baron Sanguinaire », il n’y croit pas une seconde et ne le fait que pour impressionner la jolie étudiante en art qu’il vient de rencontrer…mais il n’est jamais bon de jouer avec des forces qu’on ne comprend pas…
Le scénario n’est pas vraiment la force de Baron Vampire. J’ai par exemple trouvé toute la sous-intrigue concernant Alfred Becker, un riche paraplégique venu en Allemagne acheter le château Von Kleist, assez décousue et la révélation finale amenée avec des gros sabots. La structure du récit manque de cohérence, mais en ce qui concerne l’atmosphère qui s’en dégage, la magie de Bava fonctionne une nouvelle fois. Tout en s’auto-référençant (avec certains visuels rappelant Le Masque du Démon), Bava a construit un suspense horrifique qui s’appuie sur ses prises de vue très expressives et sa photographie superbement travaillée, ce qui se traduit notamment à l’écran par les jeux de lumière sur les visages des acteurs et l’ambiance oppressante des scènes de poursuite, qui voient le personnage féminin principal traquée par le Baron Sanguinaire dans un dédale de rues embrumées…
L’une des plus belles scènes de Baron Vampire se produit lorsque une médium contactée par les héros convoque l’esprit de la sorcière qui avait maudit le Baron Sanguinaire. Par un subtil travail de caméra, Mario Bava est arrivé à représenter une séparation entre le monde des vivants et celui des esprits et le spectateur voit alors dans la même image le fantôme de la sorcière qui danse dans sa prison infernale pendant qu’elle projette sa voix à travers la voyante qui se trouve au premier plan. Superbe scène…oui, vraiment pas mal du tout pour un « Bava mineur »…
Dans le rôle de Peter Von Kleist, le fade Antonio Cantafora fait un protagoniste bien transparent aux côtés de l’allemande Elke Sommer (qui a ensuite tenu le rôle principal de Lisa et le Diable) et ses tenues affriolantes. Qui dit bis italien, dit star hollywoodienne sur le retour et c’est ici le vénérable Joseph Cotten qui occupe cette position. Celui qui avait débuté dans les années 40 chez Orson Welles (Citizen Kane) et Alfred Hitchcock (L’Ombre d’un Doute) cachetonnait alors en Europe dans des films de genre et venait de jouer le Baron Frankenstein dans Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle avant d’apparaître dans Le Continent des Hommes Poissons de Sergio Martino.
Comme je l’ai souligné plus haut, Baron Vampire, le titre français, est trompeur. En effet, le Baron Von Kleist n’est pas un émule de Dracula et il ne suce donc pas le sang de ses victimes. Dans l’histoire, il est surnommé « le Baron Sanguinaire », ce qui correspond à Baron Blood, qui est le titre anglais de Gli orrori del castello di Norimberga.