Pendant des années, suite à la lecture d’un article ou d’une note sans doute dans Starfix, j’ai pensé au film Class 1984, sans jamais l’avoir vu. C’était pour moi l’expression d’un grand mystère assez fascinant, puisque je ne savais pas trop s’il s’agissait d’un film d’horreur sociale, d’un pastiche socio-politique, d’un thriller à l’affiche décalée…
J’ai enfin vu le film.
Qui a méchamment vieilli, pour faire court.
Alors certes, ne le découvrant que maintenant, et n’ayant donc pas vieilli avec, je n’en sens que le décalage, l’aspect daté.
Le film hésite entre le portrait naturaliste (il y a quelque chose de zolien dans la description d’un quotidien gris presque sordide, presque sans exagération, vers lequel le nouveau professeur se dirige tous les matins) et la parodie pure (la crise de dépression du professeur de biologie). Le tout saupoudré de drame intime.
Le tout, au final, s’inscrit dans les films de justiciers et les proto-slashers des années 1970, avec un discours ambigu (mais est-ce voulu ?) sur la vengeance et l’action armée. Avec une montée des enjeux assez bien construite, passant de la pochade exagérée à la peinture d’une violence sociale sans pitié.
Que manquerait-il à cette interrogation sur l’enseignement, mais également sur l’autorité (le proviseur s’inscrit dans la grande tradition des responsables incompétents et démissionnaires, pire que le maire d’Amity dans Les Dents de la Mer) ? Peut-être quelques dialogues bien travaillés, qui renverrait aux codes de films de justiciers, afin qu’on soit convaincu que le scénario place le film dans une tradition précise ? Peut-être une esthétique plus équilibrée, plus soignée, à la Orange Mécanique, sans laquelle au final le film ne dépasse guère le niveau d’un excellent téléfilm ? Peut-être un peu d’exagération, de forçage de trait, à la Robocop ? C’est d’ailleurs ce que proposera Mark L. Lester dans Class of 1999, où les professeurs sont remplacés par des robots (pour faire court, c’est « Robocop à l’école »… mais avec Pam Grier).
C’est d’ailleurs assez amusant. Class 1984 se place dans la lignée du légendaire Blackboard Jungle (Graine de violence, 1955, de Richard Brook, opposant un Glenn Ford sensible à un Sidney Poitier déjà formidable), dont il est un remake déguisé (un prof de musique dans un lycée à problème). Blackboard Jungle aura à son tour d’autres déclinaisons, dont Dangerous Minds / Esprits rebelles, avec Michelle Pfeiffer. Et Classe of 1999 aura aussi une suite, encore plus cyber.
C’est peut-être là la force de Class 1984, finalement : saisir l’esprit de son époque, mettre en scène la crise des autorités et des institutions. Si les méchants lycéens peuvent paraître caricaturaux et ridicules (leur esthétique post-Mad Max est l’un des problèmes du film…), le film montre un malaise, celui de l’Amérique moyenne de l’après chocs pétroliers, conduisant bientôt le pays au reaganisme et la ville de New York à la tolérance zéro. Derrière les méfaits des sales gosses, c’est la crise des structures dont parle le film. Et l’effritement d’une certaine bourgeoisie, évoquée dans les dialogues, et coincée entre une jeunesse désespérée et violente et l’évolution d’un melting-pot expérimentant ses propres limites.
Film pas réellement bon, pas réellement mauvais, Class 1984 explique que la société n’est pas parvenue à intégrer et protéger ses différentes générations et ses différentes catégories de citoyens. Annonçait-il le retour de bâton conservateur qui allait suivre ? Est-ce un film de droite prônant une réponse armée à l’incurie sociale ? Ou bien un film de gauche reprenant à son compte le discours des slashers des années 1970 (La Dernière maison sur la gauche en étant l’exemple le plus évident évident, mais on pourrait citer La Montagne a des yeux, aussi…), à savoir qu’en l’absence de structures et d’autorités, l’homme, livré à lui-même, par cruauté ou pour se défendre, redevient un être de violence et de cruauté ? Ravalant le bon et le méchant, le tortionnaire et sa victime, au même rang ?
La scène de pendaison finale, par sa symbolique, laisse un doute.
Le film, sorti en 1982, sans doute tourné et produit l’année précédente, peut-être écrit encore plus tôt, est à cheval entre les années 1970 contestataires (et progressistes) et les années 1980 (conservatrices). C’est peut-être là que se situe le malaise, le caractère indescriptible et incertain de son discours.
Historiquement, il est assez amusant. On y trouve un très jeune et encore rondouillard Michael J. Fox, un Roddy McDowall toujours impeccable, et un cinéaste qui ne laissera pas grand-chose de formidable dans l’histoire du cinéma, si ce n’est un film de Schwarzenegger, Commando, dont pour le coup la charge parodique me semble bien plus évidente.
Jim