REALISATEUR
Roger Corman
SCENARISTES
John William & Joyce Hooper Corrington
DISTRIBUTION
John Phillip Law, Don Stroud, Barry Primus, Corin Redgrave, Stephen McHattie…
INFOS
Long métrage américain/irlandais
Genre : guerre
Titre original : Von Richthofen and Brown
Année de production : 1971
Producteur prolifique (plus de 400 films), Roger Corman fut aussi en son temps un metteur en scène stakhanoviste avec plus de 50 réalisations entre 1955 et 1971. La dernière fut Le Baron Rouge, qui était alors le projet rêvé de Corman. Et pourtant cette expérience laissa le Roi de la série B tellement déçu et fatigué qu’il décida de laisser tomber la réalisation pour se consacrer à sa nouvelle société de production, New World Pictures. Roger Corman attendit presque 20 ans avant de retourner derrière la caméra (enfin presque, puisqu’il se dit qu’il a mis en boîte quelque scènes des Gladiateurs de l’An 2000 et des Les Mercenaires de l’Espace sans être crédité) pour La Résurrection de Frankenstein (1990), une adaptation d’un roman de Brian Aldiss et un nouvel échec critique et financier qui mit cette fois-ci un véritable point final à sa carrière de réalisateur.
Sur sa cinquantaine de mises en scène, Roger Corman n’a pas souvent touché au genre du film de guerre. Le premier fut le micro-budget Ski Troop Attack en 1960, suivi du « proto-12 Salopards » L’Invasion Secrète en 1964. Mais ce que voulait surtout Corman, c’est monter un film autour de la légende de l’aviation allemande de la Première Guerre Mondiale Manfred Von Richtofen. Connu sous les surnoms du Baron Rouge et du Diable Rouge, sa célébrité était notamment due à son Fokker Triplan teint en rouge, son tableau de chasse impressionnant et sa réputation de « Chevalier du Ciel ».
Avec les années, cette réputation s’est révélée être une propagande savamment organisée (mais là n’est pas le sujet). Dans la deuxième moitié des années 60, le mythe du guerrier aristocratique était encore vivace et c’est ce que Corman voulait montrer dans son film, un contraste entre les méthodes du Baron et le carnage à grande échelle de la Première Guerre Mondiale.
Pour bénéficier d’un budget à la hauteur (un peu moins d’un million de dollars de l’époque), Roger Corman s’associa à nouveau avec un studio, la United Artists, et dut composer avec les demandes de ses financiers, qui ne voulaient pas d’un film « trop allemand ». Le rôle du capitaine canadien engagé dans la Royal Air Force Arthur Roy Brown (à qui le tir qui tua le Baron Rouge a longtemps été attribué) fut donc étendu pour équilibrer les deux camps, même si Von Richtofen est clairement le personnage qui intéresse le plus Corman.
C’est l’allégorie de « la machine de guerre moderne contre les antiques notions de chevalerie » qui est au centre du projet de Roger Corman pour ce film, et pas le respect à la lettre de la réalité historique (même si certains éléments véridiques ont été conservés). Ce portrait de Von Richtofen est partagé entre une vision fantasmée de l’image du pilote (tel qu’il est filmé dans certaines scènes de vol) et le décalage avec la posture hiératique d’un homme qui se caractérise également par une certaine arrogance. L’américain John Phillip Law (Barbarella, Danger : Diabolik !) n’a jamais été le plus expressif des acteurs, loin de là, mais son jeu assez figé se prête dans un certain sens plutôt bien à cette interprétation de ce personnage historique.
John Phillip Law n’était pourtant pas le choix principal de Roger Corman qui voulait l’allemand Helmut Berger pour le rôle. Mais c’est United Artists qui imposa un américain, ce qui accentua encore plus les mauvaises relations entre le studio et le farouche indépendant. Ajoutez à cela un tournage à problèmes et des interventions sur le scénario et le montage (il y a quelques coupes sauvages qui sautent aux yeux), et cela donne un résultat final qui ne manque pas d’intérêt mais qui est aussi assez irrégulier, avec deux points de vue sur le film qui s’équilibrent mal…
Si les scènes qui se passent sur le plancher des vaches sont parfois empesées, Le Baron Rouge se distingue tout de même par ses nombreux combats aériens, brillamment chorégraphiés et qui figurent parmi les scènes les plus impressionnantes tournées par Roger Corman.