« Danger : Diabolik ! » est l’adaptation du fumetto éponyme créé en 1962 par les soeurs Giussani. Produit par le fameux Dino De Laurentiis, c’est le génial Mario Bava qui dirigea cette adaptation.
Film culte pour pour ma part.
Dans le genre film pop art/BD/esthétique 60’s à fond on a jamais fait mieux, les Fantômas et autres Barbarella (où on retrouve également John Phillip Law et le producteur De Laurentiis) de la même période sont loin d’être du même niveau je trouve.
J’abonde dans ton sens.
J’attends de le revoir (c’est prévu pour très vite, peut-être même cette nuit pour ne rien vous cacher) pour revenir donner un avis plus complet…
Sacré film, ouais.
Il y en a pour n’y voir que le côté « nanar de luxe » volontaire, imaginant Mario Bava ricanant dans son coin en mettant le film en boîte (il suffit de lire la critique, paradoxalement élogieuse, que lui consacre le fameux site Nanarland) : perso je n’adhère pas du tout à cette idée. « Danger : Diabolik ! » est un authentique grand film, et Mario Bava a parfaitement pris au sérieux son travail en emballant cette perle. D’ailleurs, il ne faudrait pas oublier que Bava était plutôt généreusement doté pour l’époque niveau budget pour ce film-là (à côté, « La Planète des Vampires » a coûté peanuts…).
Alors oui, c’est vrai, certains éléments du film prêtent à sourire aujourd’hui (aaah, ces zooms avant et arrière enchaînés à toute allure), il y a des invraisemblances grosses comme une maison à chaque séquence (une balle menace de dépressuriser une carlingue d’avion, mais deux minutes après le méchant ouvre une trappe sous les pieds d’un mec à liquider, sans souci particulier), ça pue le fric et le stupre à plein nez, etc, etc… Franchement, tout ça c’est de la mousse, et il n’est pas interdit de penser que déjà à l’époque, Bava avait conscience du côté vulgos de son entreprise (il faut dire qu’une part de son oeuvre est une réflexion sur ces « effets de surface » clinquants).
Tout cet aspect est complètement balayé par deux éléments qui confèrent au film une énergie et une pertinence folles : d’une part, le film est un exemple parfait de fantasme cinéphilique en termes de pur fun, et d’autre part il se redouble d’un discours affreusement lucide sur l’Italie de l’époque. Une combinaison qui fait la marque des très grands films populaires.
Pour le premier point, dans la veine post-James Bond / Le Prisonnier (avec peut-être une influence des très inégaux « Fantomas » de Hunnebelle, même si Diabolik n’est pas pourvu du rire impressionnant de Raymond Pellegrin, qu’il tente d’imiter dès la première séquence), le film se pose un peu là. Régal de tous les instants à ce niveau, le film cumule les séquences jouissives plus ou moins crédibles, mais toujours pourvues d’une idée de mise en scène qui la rend mémorable (le saut en parachute, ses courses-poursuite automobiles nerveuses, la scène de l’escalade, etc…). Cette vitalité, alliée au délire chromatique de Bava (ces couleurs ! on sent l’ancien chef-op’ à l’oeuvre), constitue le coeur du film.
Mais dans un deuxième temps, le film s’avère aussi avoir une tête, ou un cerveau. Il est intéressant de relever comment Bava, tel Fritz Lang période « M », constitue le camp des antagonistes du « héros » : c’est une collusion entre la police et les criminels, renvoyés dos à dos sans détour. Le film se dote dans cet ordre d’idées d’une scène aussi simple que géniale, celle de la conférence de presse du Ministre de l’Intérieur (c’est le mec de « La Grande Vadrouille », dont le nom m’échappe), où sa tonitruante déclaration de serrage de vis sécuritaire est accueillie par l’hilarité générale, la sienne incluse : il faut dire que Diabolik a arrosé la salle de gaz hilarant. Mais peu importe ce détail, ce que l’on voit c’est la parole publique, du pouvoir, tournée en dérision.
Et si Bava n’est pas tendre avec les méchants du film, il ne l’est pas plus avec le « héros », présenté comme le parangon du matérialisme le plus échevelé (la fameuse séquence du lit tournant matelassé de billets de banque). On peut assez facilement lire entre les lignes le discours assez subversif de Bava : à l’époque en Italie, on n’est pas encore dans les sinistres années de plomb si fécondes pour le cinéma de genre (notamment le poliziottesco), mais on est en train de sortir du miracle économique (équivalent de nos trente glorieuses). Et ça va plutôt bien, pour les Italiens, à l’époque, ou plutôt ça va bien pour les élites, véritables bénéficiaires du boom (les classes populaires sont les grandes absentes du film, d’ailleurs). Diabolik est un bon représentant de cette jeunesse dorée adepte de la réussite individuelle et auto-centrée, fascinée par l’argent. A cette aune, la « statufication » finale est très éloquente, je trouve.
De ce point de vue-là le film est à comparer, malgré des approches très différentes, aux grandes comédies italiennes contemporaines, très politisées (même si Bava me semble plus près de l’anar de droite que du gauchiste).
Superficiel et profond dans le même temps, incroyablement fun et généreux, voilà bien l’exemple de ce qu’une authentique vision artistique peut conférer au cinéma populaire le plus abordable. Un cinéma « pop » au sens premier et plein du terme.
Très grand film, à la descendance pléthorique : il y a bien sûr le « Kriminal » d’Umberto Lenzi (pas vu) dans le registre de l’adaptation transalpine de fumetto. Et pour les comics, on peut citer le personnage de Fantomex chez les X-Men de Morrison, et aussi le « Casanova » de Matt Fraction qui s’en inspirent ouvertement. Et même en musique, le chanteur Mike Patton (Faith No More) songea à baptiser son projet « solo » Fantomas (décidément) du nom de Diabolik, dans un premier temps, avant de changer d’avis pour des histoires de droit (le visuel du premier Fantomas reprend néanmoins des éléments du film et du fumetto). Une influence un peu dans les marges, mais certaine.
Je conclue en disant un mot de la musique signée Morricone ; alors qu’on le cantonne trop souvent à ses (formidables) scores pour des westerns, il est tout aussi génial dans le registre pop / jazz allumé dans lequel il s’exprime ici. Le générique est un monument à lui tout seul…
Ouais, un petit effet assez typique de l’époque et qu’on retrouve aussi notamment dans La Planète des Vampires. Tarantino s’en est bien souvenu aussi dans son Django.
Je n’ai vu Danger : Diabolik ! qu’une seule fois il y a 5 ou 6 ans (ou plus je sais plus, c’était dans les dernières heures du Cinéma de quartier) et je l’ai autant apprécié que vous deux…et ton billet m’a donné envie de revoir ce grand film pop.
La fin de « Cinéma de quartier », c’était fin 2007, donc un peu plus de 7 ans. Un film comme « Danger : Diabolik ! », c’était la raison d’être de ce programme, exemplairement.
Le zoom et dézoom rapide, y’en a aussi dans son giallo très moyen « L’Île de l’épouvante » (un des rares Bava que j’aime bien sans plus), où il en use et en abuse jusqu’à la nausée…
Ah tiens, j’ai oublié de dire dans mon billet que le film se doit d’être vu par tout érotomane qui se respecte : Marisa Bell y est tout simplement sublime (et ce mini-short vers la fin du film…gasp), à défaut d’être une fabuleuse actrice.
J’ai envie de le revoir maintenant. Vous êtes content ?
Kriminal qui fera bientôt son retour en Italie.
Intéressant, je ne connaissais pas ce projet de reprise de la version papier…
Sinon, il n’y a pas eu une série télé Diabolik diffusée il n’y a pas longtemps en Italie. Quelqu’un l’a vu ?
La série avait été annoncée il y a un peu plus de 2 ans via cette promo :
mais depuis, aucune nouvelle…
Diabolik se fait passer pour l’Agent 47?
L’Agent 47, c’est le jeu vidéo « Hitman », c’est ça ? Perso, le coup du masque m’a plutôt fait penser au « Fantômas » de Hunnebelle, en l’occurrence…
Sinon, ce trailer, waouh : c’est assez classe, je trouve. Mouvements d’appareil superbes, clins d’oeil au film de Bava (une séquence de falaise à escalader, et le regard de John Philip Law est bien émulé vers la fin du teaser) ainsi qu’au genre giallo, ambiance d’origine respectée sans faire trop toc ou passéiste…
Franchement, ça aurait pu avoir de la gueule. Dommage !
Je pense au coté"chauve en costume-cravate",pour 47.
Sinon,je constate qu’il tue de sang-froid:il s’agit donc de Diabolik première époque,quand il tuait sans états d’âme.
Dans le film de Bava, il tue aussi sans aucun état d’âme. Mais peut-être est-ce ce que tu entends par « Diabolik première époque »…?
Ben à ces débuts,où il tuait un peu n’importe qui.
Le film et les romans français reprenait cette période où il était cruel.
Si tu lis les épisodes publiés par « Clair de Lune »(plus récents),tu constates qu’il a pacifié ses méthodes,sauf avec les criminels pour qui il n’a absolument aucune pitié.
Je crois que le changement s’opère quand Eva refuse de l’aider à tuer des innocents et les sauve derrière son dos,ce qui lui déplait au point qu’il l’étrangle puis se ravise.
Diabolik,après ça,se montre plus humain et on le voit sympathiser avec un écrivain,protéger une petite fille,sauver Ginko alors qu’il a 15 fois l’occasion de le tuer…
Lui prétend que c’est parce que leurs méthodes se sont perfectionné et qu’il réprouve les meurtres inutiles;elle considère qu’ils se sont adoucit.
Celà étant,les mafieux,terroristes ou trous du cul qui battent leurs femmes sont mal barrés s’ils croisent la route du Roi de la Terreur.
Ps:à noter,DK,une sorte d’Ultimate Diabolik.
diabolik.it/cronologia-il-gr … php?ID=949
Le Ministre de l’Intérieur est Terry Thomas (the big Moustache). Pour info, l’inspecteur Ginko est joué par Michel Piccoli qui aurait tout fait pour biffer Danger Diabolik de sa filmo, et Adolfo Celli, le truand Ralph Valmont, a joué le méchant Largo dans le 4e James Bond officiel, Opération Tonnerre.
Terry Thomas, c’est bien ça.
Piccoli n’assume pas ses années bis ? Je préfère l’attitude d’un Jean-Louis Trintignant, qui accepte quant à lui de revenir sur ces années-là, même s’il confesse ne pas garder pas grand souvenir des tournages du « Grand Silence » de Corbucci ou de « La Mort a pondu un Oeuf » de Giulio Questi, dont il reconnaissait tout de même l’immense talent (un entretien à « Mauvais Genres » en atteste)…
Vu hier pour la première fois et j’ai adoré ce mélange de James Bond et de Fantomas (moins humoristique quand même, mais avec son propre sens de la blague quand même), mais avec sa propre identité, sa propre ambiance, son propre ton. J’ajouterai même que les films Mission Impossible ont également piocher dedans !
Le film n’a rien à envier au film d’action d’aujourd’hui, avec quelques rebondissements (par moment espérés).
J’aime beaucoup le jeu du mec qui a le rôle de Diabolik, avec des phases de silence qui parlent beaucoup !
Et je me suis surpris a trouvé qu’il y avait quand même une certaine densité dans ce film, avec beaucoup de scènes engageant Diabolik (pitêtre que ça se rapproche de Mission Impossible de côté-là).
Quant à la ziq ! Excellente. Je n’aurais pas reconnu Sergio Leone (preuve que je n’étais pas influencé au préalable par la connaissance de l’auteur, puisque j’ai wikipédié pour le savoir !
Bon, après je n’ai pas su analyser au niveau de Photonik, mais en tout cas, après avoir lu son avis, je ne peux pas lui donner tort sur grand chose !
Je vais être obligé de te donner tort de mon côté : c’est Ennio Morricone, pas Leone (qui se contentait de réaliser ses films).
Oui, bien évidemment, lapsus, tout ça …
Tu as bien fait !