REALISATEUR
Dario Argento
SCENARISTES
Dario Argento et Bernardino Zapponi
DISTRIBUTION
David Hemmings, Daria Nicolodi, Gabriele Lavia, Macha Méril…
INFOS
Long métrage italien
Genre : thriller/horreur
Titre original : Profondo Rosso
Année de production : 1975
Marcus Daly est un pianiste de jazz britannique qui enseigne la musique à Turin. Un soir, alors qu’il rentre chez lui, il croise son ami Carlo, lui aussi pianiste, qui cuve une cuite carabinée. Pendant que les deux hommes sont en pleine discussion, un cri de douleur déchire la nuit. Marcus se dirige alors vers son immeuble et en levant les yeux vers les fenêtres, assiste impuissant au meurtre d’une femme. Il se précipite alors vers l’appartement de la victime, une médium, qui est situé au dessus du sien, sans se rendre compte qu’il manque de peu l’assassin. Poussé par une curiosité morbide, il décide de mener l’enquête en compagnie d’une fougueuse journaliste.
Marcus sait qu’il a vu quelque chose qui peut le mener sur le chemin de la vérité…mais il n’arrive pas à saisir ce que cela peut être…
Tout est question de perception. Dans Les Frissons de l’Angoisse, Dario Argento questionne constamment l’interprétation que tire Marcus des éléments de son enquête, tout comme il joue avec la perception du spectateur par le biais de plans savamment travaillés qui prendront progressivement un sens complètement différent (et cela commence dès le générique brutalement coupé par un flashback traumatique qui sera revisité à l’occasion du final). Marcus cherche la vérité dans le détail (et ce n’est pas un hasard si le personnage est interprété par l’anglais David Hemmings, déjà à l’affiche du Blow-Up de Michelango Antonioni), quitte à commettre des erreurs (le dévoilement du dessin caché par du plâtre, qui se fait en deux temps alors que Marcus avait déjà quitté la scène, ce qui aurait très certainement bouleversé ses convictions pour la suite).
Le développement de Marcus est aussi très intéressant…ses actions précipitent celles du tueur, il est souvent en position de faiblesse (Argento ne le ménage pas) et il noue avec la journaliste Gianni Brezzi une relation originale et attachante.
Tout est question de perception…et ce n’est que lorsque Marcus fouillera au plus profond de sa mémoire que la vérité éclatera, par le biais d’une brillante idée de mise en scène. Même en ayant déjà vu le film, j’ai tellement été pris par l’action que j’ai à nouveau été surpris par la révélation et soufflé par la maestria de la réalisation de Dario Argento qui a construit ses plans pour manipuler autant son héros que le spectateur.
Le travail sur la photographie contribue bien évidemment à l’atmosphère anxiogène du long métrage. Les inspirations picturales (Edward Hopper, Giorgio de Chirico) donnent à la ville de Turin un aspect presque irréel, où le danger peut surgir à tout instant (tel le tueur qui disparaît de notre regard en s’engouffrant dans l’ombre). Les ombres environnantes et le climat angoissant qu’elles distillent seront également très efficacement utilisées dans le passage très important de la visite de la grande demeure gothique.
Cadrage en amorce, vue subjective…pendant une grande partie du récit, la présence du meurtrier ne sera soulignée que par les emblématiques gants noirs du tueur du giallo (gants enfilés par Dario Argento lui-même, le réalisateur se substituant lui-même à la menace mise à jour par la médium incarnée par la française Macha Méril). Ce point de vue renforce la sensation de malaise qui se dégage des mises à mort aussi brutales qu’ inventives à l’extrême.
Dario Argento a débuté sa carrière par trois gialli regroupés sous l’appellation de la « Trilogie Animale » : L’Oiseau au plumage de cristal (1969), Le Chat à Neuf Queues (1970) et Quatre mouches de velours de gris (1971). Il a ensuite complètement changé de genre avec le film historique Cinq jours à Milan (1973) qui se soldera par un échec au box-office. Même s’il pensait en avoir fini avec le genre, Argento a donc exploré à nouveau le giallo avec Les Frissons de l’Angoisse et renoua ainsi avec le succès.
Les Frissons de l’Angoisse est un long métrage important pour Argento à plusieurs niveaux. C’est à l’occasion de ce tournage qu’il fit la connaissance de l’actrice Daria Nicolodi (elle jouera régulièrement pour lui et co-écrira Suspiria) qui deviendra sa compagne (elle est la maman d’Asia). Les Frissons de l’Angoisse marque aussi la première collaboration d’Argento avec le groupe de rock progressif Goblin qui a composé la bande originale.
Les Frissons de l’Angoisse, avec son accroche à la lisière du fantastique (la scène de la médium), annonce aussi ses futures incursions dans l’horreur, tout en étant l’une des plus grandes réussites du giallo. Genre qu’il revisitera à plusieurs reprises les années suivantes…mais jamais plus avec un tel brio !