REALISATEUR & SCENARISTE
Dario Argento
DISTRIBUTION
Cristina Marsillach, Ian Charleson, Urbano Barberini, Dario Nicolodi…
INFOS
Long métrage italien
Genre : horreur
Année de production : 1987
Opéra, le dixième long métrage réalisé par Dario Argento, est sorti en 1987, une période difficile pour le cinéma d’exploitation italien qui n’était alors plus que l’ombre de lui-même. On peut tout de même noter quelques exceptions, comme Bloody Bird (1987) et l’excellent Dellamorte Dellamore (1994), les films de Michele Soavi, protégé de Dario Argento (que l’on retrouve d’ailleurs sur Opéra au générique dans un petit rôle…le flic au destin tragique Daniele Soave…et au poste de réalisateur de la seconde équipe), mais c’est tout de même bien peu après deux décennies fastes.
Pour moi, cette période marque aussi une rupture importante dans la filmographie de Dario Argento car les films qu’il a tournés ensuite (Trauma, Le Syndrome de Stendhal, Le Sang des Innocents, Card Player…) sont nettement moins intéressants à mes yeux que ceux qui ont précédés (Les Frissons de l’Angoisse, Suspiria, Inferno, Ténèbres…). Opéra représente bien ce tournant dans la carrière du maestro italien : ce giallo dans lequel une cantatrice est traquée par un mystérieux assassin alterne le grotesque et le sublime, une oeuvre aussi imparfaite que traversée de flamboyantes (et sanglantes) fulgurances.
Mon dernier visionnage de Opéra remontait à au moins 20 ans et je dois avouer que j’ai eu un peu de mal à « rentrer » dans le film et à accepter les choix de mise en scène de Dario Argento. Une sorte de « trop-plein » dans les effets (comme l’abus de vue subjective dans la première scène, qui voit la diva Maria Cecova quitter à grand fracas les répétitions du Macbeth de Verdi avant de se faire renverser par une voiture) qui peut agacer et qui a d’ailleurs valu à Dario Argento d’être accusé de « s’auto-parodier » lors de la sortie en 1987. L’exposition est assez pataude et le ballet des acteurs (pas toujours très inspirés, loin de là) est laborieux à suivre. Maria Cecova est remplacée par Betty, une jeune soprano qui va triompher dans le rôle de Lady Macbeth malgré un incident le soir de la première (le genre de choses qui renforce la réputation d’opéra maudit de l’oeuvre de Verdi).
Il est à noter que l’idée d’Opéra est inspirée par une expérience personnelle de Dario Argento, qui avait été engagé pour monter une nouvelle adaptation du Rigoletto de Verdi…mais son projet (un opéra rock horrifique) n’a finalement pas été accepté. Il y a donc une part autobiographique dans le personnage de Marco (joué par l’écossais Ian Charleson), le metteur en scène de l’opéra, réalisateur de films d’horreur comme Argento lui-même qui a pu montrer ce qu’il aurait pu apporter aux planches avec sa propre approche opératique du cinéma, au son qui mêle aussi bien les classiques que le heavy metal.
Opéra entre véritablement dans une autre dimension, sensorielle et troublante, à partir du premier meurtre pour lequel le tueur imagine un horrible rituel. Il ligote Betty et l’oblige à ne rien rater de ce qui se déroule devant ses yeux en lui scotchant des aiguilles sous les yeux. Des séquences chocs pour lesquelles Argento se montre une nouvelle fois très inventif : la première est extrêmement gore et la suivante est plus suggérée (et là, ce sont les sons qui font tout le travail). Il y en a encore une autre particulièrement efficace qui se déroule dans l’appartement de Betty et qui implique l’agente de la jeune femme, interprétée par Daria Nicolodi, l’ancienne compagne et actrice fétiche du réalisateur (et maman d’Asia).
Opéra est un film sur le regard, la perception, un thème qui ne cesse de revenir autant symboliquement que littéralement (et ce dès les premiers plans). C’est aussi un film sur la mémoire, l’exploration de la psyché de son héroïne par un Argento qui brouille les pistes par sa conceptualisation d’un espace mental qui peut passer par plusieurs interprétations. C’est très intrigant…mais pas toujours totalement abouti (je ne suis pas convaincu par le final par exemple).
Bref, Opéra est une pelloche bourrée de défauts, mais qui ne manque pas d’intérêt, aussi énervante que brillante dans ses grandes envolées. Et comme je l’ai souligné plus haut, une étape décisive dans le cinéma de Dario Argento…