Captain America: Red Skull trilogy (Roger Stern/John Byrne)
Au milieu des années 70, les deux compères Roger Stern et John Byrne collaborent sur les séries de l’éditeur Charlton aux côtés de Bob Layton, avec qui ils s’étaient précédemment associés pour former le CPL gang, qui se fit un nom dans le milieu du fanzinat.
Parmi leurs faits d’armes de l’époque, on peut mentionner le fait d’avoir réussi à convaincre Alex Toth d’illustrer une histoire mettant en scène The Question.
Le duo a également officié à la finalisation d’une vieille histoire du Captain Atom de Ditko, les planches ayant été encrés par Byrne (cette occasion se reproduira avec le treizième annual des Vengeurs avec également Stern au scénario).
Durant cette période, Byrne a fait ses débuts chez la maison des idées avec quelques illustrations dans le magazine FOOM, avant de monter en grade au fil des ans et d’entamer sa collaboration avec Chris Claremont sur Iront Fist.
Il a ensuite été vite rejoint par Stern, qui décrocha un job d’assistant éditeur, pour finir par devenir l’éditeur de ses anciens collègues de Charlton, au moment de leur arrivée mémorable sur les titres X-Men et Iron Man, deux des plus grandes réussites de la fin de cette décennie.
À partir du moment où Stern décida de se consacrer tout entier à son poste de scénariste, c’est tout naturellement qu’il s’associa avec Byrne pour un run d’anthologie de seulement 9 numéros, mais qui aura durablement marqué les fans. Le fait est que leur passage sur le titre a été écourté et cela pour diverses raisons.
Les circonstances varient selon les sources, mais un des éléments qui revient le plus souvent est le fait que le roublard et futé Jim Shooter avait instauré à ce moment-là une règle de courte durée, principalement dans un souci d’accessibilité aux potentiels nouveaux lecteurs, comme quoi les histoires ne devaient pas s’étendre sur plus de deux numéros, ce qui s’appliquait également à l’arc en question qui devait être modifié en conséquence.
Toutefois cela n’arriva pas en raison du refus catégorique de l’équipe créative, sur le point de quitter la série en signe de protestation.
À cela s’ajoute les pressions de Shooter pour que la cadence des deadlines s’accentue, à un moment ou l’équipe créative était déjà bien occupée, entre les problèmes de santé de Stern et les préparatifs du mariage de Byrne.
Afin de montrer aux éditeurs qu’il était consciencieux dans son travail, Stern écrivit l’intrigue générale des trois épisodes d’une seule traite, qui devaient former au final une trilogie marquant le retour de Crâne Rouge (une pratique encouragée par Shooter pour motiver les troupes en donnant des bonus aux plus productifs).
Malgré cette avance, l’éditeur en chef estima que ce n’était pas assez, et qu’un numéro fill-in était nécessaire. Or c’est ce que redoutait Stern, qui de par son expérience savait que cette perte de continuité graphique et cette pause dans les intrigues n’était pas bon pour les ventes qui chutaient en conséquence, et qui augmenteraient de nouveau seulement à partir du retour de l’équipe créative, une donnée importante en ce début des années 80 qui marquait l’émergence du Direct Market.
Plutôt que d’envenimer la situation, Stern baissa les bras et se résolut à terminer son run plus tôt que prévu, estimant qu’il valait mieux terminer son passage sur la série la tête haute avec un bon récit, correspondant dans ce cas de figure à l’épisode spécial commémorant le 40ème anniversaire de la création du vengeur étoilé. L’éditeur Jim Salicrup était sensé remplacer le scénariste, qui avait déjà pris la suite de Stern en tant qu’éditeur des X-Men, mais il refusa finalement le poste.
Byrne ayant en plus de cela terminé avec pertes et fracas sa collaboration avec Claremont, celui-ci en profitera pour débuter sa carrière de scénariste, préférant se consacrer à sa reprise des Fantastic Four, Stern étant quant à lui bien occupé à écrire deux runs majeurs pour les deux co-créations phares de Steve Ditko, dont Stern est connu pour être fan depuis qu’il avait découvert son style dans les pages des publications Charlton.
Pendant un temps, Stern essayera tout de même de modifier certains éléments de cet arc tombé aux oubliettes, dans le but de le publier sous forme de graphic novel, l’intrigue étant cependant compromise à partir de la mort de la némésis de Cap lors du run de DeMatteis.
Le vengeur étoilé et la plume de Stern ont par la suite été réunis en 1985, le temps d’une histoire courte écrite en réalité quelques années auparavant, publiée dans les pages de l’anthologie Marvel Fanfare, et illustrée par ni plus ni moins que Frank Miller (remontant à ses épisodes de Daredevil d’après le style encore fortement influencé par Gil Kane).
Ce sera une des rares occasions qu’aura Miller de travailler avec Roger Stern, un scénariste apprécié des fans en général, mais parfois pas assez mentionné pour ses apports fondamentaux aux séries qu’il a écrites, peut-être parce que contrairement à ses collègues plus bankable, Stern reste un artisan assez humble et pas spécialement « show-off », la qualité de ses travaux d’alors parlant pour lui.
D’après Byrne, en ce qui concerne leurs plans pour la suite du run, ils avaient brièvement envisagé d’orchestrer le retour de Bucky Barnes, pas sous la forme d’un assassin amnésique au service des soviétiques, mais plutôt en tant que vieillard qui rencontrerait Steve par hasard lors d’une rencontre avec des vétérans de la seconde guerre mondiale.
L’effet choc voulu devait être accentué par le fait qu’il apparaîtrait gravement diminué, sans bras, sans jambes et dans un état végétatif, finissant par se réveiller d’un coma de plus de quarante ans suite à ses retrouvailles inespérées.
Inquiet de ce que les scénaristes suivants pourraient faire à partir de ce postulat, les deux artistes et amis se sont vite ravisés, estimant que le meilleur moyen de rendre hommage au personnage était encore de le laisser dans la tombe. La seule apparition du personnage dans ce run s’est donc faite dans le cadre de l’épisode du 40ème anniversaire, relatant les origines de Cap en prenant en compte les versions précédentes.
Tout aussi intéressant était leur idée d’établir plus clairement l’âge avancé de Wolverine par le biais d’une rencontre avec Captain America (bien des années avant l’épisode iconique de Claremont et Jim Lee).
Dans une interview mené par Mitch Itkowitz du Comics Journal au début des années 80, Byrne déclarait que la révélation devait se produire lors d’une rencontre avec les X-Men, au cours duquel seul Logan resterait silencieux. Lorsque Cap viendrait à sa rencontre, celui-ci s’adresserait à lui en l’appelant caporal, constituant ainsi la première preuve d’un passif entre les deux.
À propos de l’arc qui voit le retour de la némésis de Cap, les seuls vestiges visuels qui restent se résument à six pages, finalement visibles grâce à une publication en bonus d’un hardcover (le volume War & Remembrance).
En prime voici quelques croquis de l’époque, qui montrent certains protagonistes de cet arc :
Sources :
twomorrows.com
uncannyxmen.net
sterntalk.yuku.com
byrnerobotics.com
marvel1980s.blogspot.fr
marvelessentials.com
comicbookresources.com