NECRONOMICON (Christophe Gans, Shûsuke Kaneko et Brian Yuzna)

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REALISATEURS

Christophe Gans, Shûsuke Kaneko et Brian Yuzna

SCENARISTES

Brent V. Friedman, Christophe Gans, Kazunori Itô et Brian Yuzna, d’après l’oeuvre de H.P. Lovecraft

DISTRIBUTION

Jeffrey Combs, Bruce Payne, Richard Lynch, David Warner, Belinda Bauer…

INFOS

Long métrage français/américain
Genre : horreur
Année de production : 1993

La quête du Necronomicon amène l’écrivain Howard Philip Lovecraft aux portes d’une vieille bibliothèque gardée par des moines. Là, Lovecraft vole une clé qui le mène dans le sous-sol du bâtiment. Il y découvre l’étrange grimoire dont il s’empresse de parcourir les pages. Sa lecture lui amène des images à l’esprit, visions intemporelles qui se transforment en histoires qui noircissent son carnet…

La carrière de Brian Yuzna a été liée à l’oeuvre de H.P. Lovecraft dès sa toute première production, Re-Animator de Stuart Gordon. D’autres variations autour des écrits du « reclus de Providence » se sont succédé les décennies suivantes…Yuzna en a produites certaines (From Beyond - Aux portes de l’au-delà, Dagon…) et réalisées d’autres (Re-Animator II, Beyond Re-Animator…) Et il y a aussi le film à sketches Necronomicon, développé autour de l’idée de confronter l’univers lovecraftien à trois metteurs en scène venus d’horizons différents, un européen, un japonais et un américain.

Pour le premier récit, The Drowned, il était un temps question de faire appel à un italien, comme Michele Soavi (Bloody Bird) ou Dario Argento (Suspiria). Mais au final, Necronomicon a permis au français Christophe Gans (qui fut notamment le rédacteur en chef du magazine Starfix) de faire ses débuts derrière la caméra, une expérience qui lui a servi de tremplin pour son premier long métrage, l’adaptation du manga Crying Freeman produite par Brian Yuzna.

Christophe Gans a souvent comparé The Drowned à un « examen de passage ». Le français a du composer avec des conditions de tournage difficiles et un frénétique rythme imposé (en devant mettre en boîte le tout en moins de dix jours). Et il s’en est très bien sorti, pour livrer le plus beau segment des trois qui composent Necronomicon. Avec cette histoire d’un homme hanté (campé par un convaincant Bruce Payne) qui invoque les forces du livre maudit pour faire revenir son épouse décédée tragiquement, reproduisant ainsi la malédiction d’un de ses ancêtres (le toujours fiévreux Richard Lynch), Gans fait se rencontrer avec efficacité les atmosphères d’Edgar Allan Poe et de H.P. Lovecraft (si le protagoniste se nomme De La Poer, il ne faut pas s’attendre à une transposition de la nouvelle Des Rats dans les Murs).

Thématiquement et visuellement, Christophe Gans invoque ses influences (les films de fantômes japonais, le cycle Poe de Roger Corman, le cinéma de Mario Bava…) pour un résultat qui entretient habilement la tension par des visuels troublants, moites, cauchemardesques, jusqu’à un final destructeur et très bien travaillé malgré les limites du budget.

Changement total d’ambiance avec The Cold, inspiré par la nouvelle Cool Air. Le prolifique David Warner (plus de 220 rôles en 55 ans de carrière !) est le Dr Madden, un savant frappé d’une maladie rare qui travaille sur un fluide qui lui permet de prolonger sa vie. Une formule qui l’oblige à se salir régulièrement les mains pour se fournir en moelle épinière…
Le quotidien morbide du Docteur est rompu par l’apparition d’une jeune femme venu louer une chambre dans sa demeure et dont il tombe amoureux…

The Cold est la seule incursion du japonais Shûsuke Kaneko, futur réalisateur d’épisodes des sagas cinématographiques Gamera et Death Note, dans le cinéma américain. Bloqué notamment par la barrière de la langue, qu’il n’a pas su surmonter, Kaneko serait reparti au Japon une fois le tournage terminé, sans s’occuper de la post-production. Mais cela n’a pas rejailli sur la qualité de ce deuxième chapitre. Bien interprété et articulé autour de percutantes scènes-chocs, The Cold se termine sur une révélation assez prévisible, mais qui fait tout de même son petit effet.

Et c’est Brian Yuzna qui s’occupe du dernier segment, Whispers. Yuzna voulait un temps adapter fidèlement une nouvelle de Lovecraft, avant d’opter finalement pour une habituelle « variation » autour de sa mythologie et de ses créatures, transposée à l’époque moderne comme les deux autres parties de Necronomicon. En pleine course poursuite, deux policiers, Paul et Sarah, ont un accident de voiture. Lorsqu’elle revient à elle, Sarah découvre que Paul, avec qui elle a entretenu une relation et dont elle est enceinte, a disparu. Elle se lance à sa recherche…une recherche qui la conduira dans les entrailles de la ville de Los Angeles où elle découvre un horrible charnier, repaire d’une race d’extraterrestres qui se nourrissent du sang et de l’âme de leurs victimes…

Si elles ne sont pas nommées à l’écran, les créatures sont en fait les Mi-Go, créées par Lovecraft dans les pages de la nouvelle The Whisperer in Darkness. Whispers démarre en pleine action pour ne jamais retomber en intensité. C’est une histoire sur la peur…peur de la flic Sarah quant à son avenir et sa relation avec son co-équipier…peur de l’inconnu au fur et à mesure de sa descente dans des tunnels de plus en plus malsains…peur qui finira par devenir nourriture pour les monstres qui se sont établis en ces lieux. Après l’esthétique de The Drowned et The Cold, Whispers est beaucoup plus crade, suintant, dégoulinant, extrêmement gore. Quelques trucages ratés (les envols des Mi-Go) sont tout de même à signaler…

Des effets spéciaux pourris que l’on retrouve aussi (à croire que l’argent s’est vite mis à manquer en fin de production) dans la dernière partie du fil rouge (également réalisé par Brian Yuzna) consacré à un Lovecraft très éloigné de la réalité historique. C’est tout de même amusant de suivre une version très « Indiana Jones » de l’écrivain interprété ici par ce bon vieux Jeffrey « Herbert West » Combs, même si ces scènes sont un peu faibles par rapport aux trois chapitres qui composent cette bonne série B qu’est Necronomicon.

Tiens, j’y jetterais un coup d’oeil, merci.