Le premier tome consacré à All-Star Comics (version années 1970), s’est arrêté au numéro 67. Le tome suivant (je rappelle qu’il existe une intégrale noir & blanc en Showcase et une intégrale en couleurs, plus récente) reprend dès le numéro suivant, complétant la série sous une couverture de Brian Bolland.
La série bénéficie du dessin de Joe Staton, énergique mais inégal. On sent qu’il aime ses personnages et qu’il s’investit, mais il y a toujours une case bancale ou un visage raté. En revanche, chose étonnante, les couvertures sont signées par un tandem assez incertain, Al Milgrom encré par Jack Abel. Le premier n’est pas un grand dessinateur et le second est un encreur assez sec et minimaliste dont le trait affaiblit bien souvent les crayonnés qu’il complète. Et pourtant, les couvertures sont très agréables à regarder. D’autant plus que le sommaire de ce recueil en tient compte, là où le tome précédent les avait passées sous silence.
L’intrigue reprend alors que le comportement de certains personnages, notamment Alan Scott, est trouble. On apprend que le Psycho-Pirate n’est pas pour rien dans les derniers événements. Bruce Wayne, qui est devenu commissaire à Gotham, prend de l’importance dans l’intrigue.
Parallèlement, le scénariste, Paul Levitz, lance quelques subplots, tournant autour de la lointaine Égypte et impliquant Hawkman et Doctor Fate. Quelque chose se prépare. Pendant ce temps, l’équipe évolue, accueillant The Huntress, nouvelle justicière qui avouera son identité (c’est la fille de Bruce Wayne) à Wildcat.
Quelques idées intéressantes apparaissent : par exemple, le Star Spangled Kid, qui vient de réapparaître dans ce monde, découvre que la société a continué à tourner, et que sa fortune familiale est passée entre différentes mains, au point de servir des causes contestables. La confrontation avec la Strike Force est assez intéressante à ce niveau.
La série s’interrompt avec le numéro 74, qui permet à Levitz de mener à bien l’intrigue qu’il avait fait apparaître par petites touches en subplots. En gros, le Master Summoner qui avait contacté Hawkman et Doctor Fate s’avère un manipulateur qui veut mettre fin à la création. Ses motivations ne sont pas très claires, et le suspense que Levitz était parvenu à constituer était plus passionnant que l’épisode en lui-même, dont la seule belle astuce consiste en une réunion durant laquelle Fate affirme à ses alliés que la meilleure manière de vaincre l’entité… est de ne rien faire. Comme souvent chez Levitz, la conclusion manque d’allant, tout est réglé un peu rapidement. Et le titre s’arrêtant, il n’a même pas l’occasion de consacrer un autre épisode à la situation après la crise.
Les héros de l’Âge d’Or n’ont donc plus de foyer et émigrent dans les pages d’Adventure Comics #461 à 466, ce qui permet à Levitz de boucler ses intrigues en cours, un peu à marche forcée. Désormais, ils doivent partager la couverture de cette anthologie avec les autres vedettes du sommaire. Un sommaire constitué par Levitz lui-même (précédemment, le titre était supervisé par Joe Orlando), et dont la deuxième de couverture nous montre la première version de l’illustration, ce qui permet de comprendre que la Société de Justice a remplacé Deadman dans l’image, ce dernier étant relégué en bas de la composition.
Levitz continue ses intrigues et choisit de taper fort dès le début en chroniquant l’existence d’un homme disposant d’un pouvoir sensationnel et demandant à parler au commissaire Wayne. On imagine que ces épisodes étaient prévus au départ pour All-Star Comics, ce qui laisserait entendre que le scénariste ne prend pas le temps de laisser ses personnages souffler. C’est un peu un défaut de la série, qui laisse l’impression que les aventures n’ont guère de conséquence. Les choses vont changer justement avec cette intrigue qui va mener à l’explosion du nouveau personnage, qui entraîne Bruce Wayne dans la mort.
Étonnamment, il ne préserve pas la surprise, puisque l’événement se trouve en couverture et en première page de l’épisode, qui ouvre le sommaire. On peut sans doute y voir la volonté de marquer le coup et d’attirer le public. La mort de Batman et l’enterrement qui s’ensuit donne lieu à un échange très intéressant entre Helena Wayne et Dick Grayson, la première refusant que le second reprenne le rôle. Chose rare dans la série, un peu d’émotion passe entre les personnages.
L’épisode suivant se penche sur une question restant en suspens après le drame qui vient d’arriver : d’où vient le pouvoir dont disposait l’assaillant ? Dans un chapitre très agréablement encré par Dave Hunt, les héros se frottent à un pouvoir mystique et font corps : l’équipe fonctionne très bien, les ajouts récents, notamment féminins, étant parfaitement intégrés.
Le dernier épisode de ce passage dans Adventure Comics, et qui referme le sommaire du recueil, est composé par un grand flash-back. Huntress raconte à Power Girl pourquoi les héros ont cessé leurs activités au début des années cinquante. En fait, après avoir déjoué un plan d’espions d’une autre nation, ils ont été convoqués devant une commission sénatoriale, qui refuse de croire qu’un autre pays pourrait disposer d’une technologie susceptible d’envoyer une station orbitale dans l’espace. Les politiciens demandent aux héros de dévoiler leurs identités, mais ceux-ci refusent et quittent l’assemblée, renonçant du même coup à leurs activités de justicier.
Très bien servi par un Staton qui s’encre lui-même (il y a encore des dessins bancals, mais ses choix d’encre donne de la vie à ses cases), Levitz pose là un jalon de l’univers DC et de sa continuité. L’épisode sera repris notamment par Roy Thomas et conservé dans les timelines à venir, et sera également une source d’inspiration pour la série Golden Age de James Robinson et Paul Smith.
Les aventures de la Société de Justice prennent fin dans les années 1970. Mais les bases seront posées pour d’autres déclinaisons (notamment la série de Thomas et Ordway), et surtout, Levitz, s’il n’aura pas réussi à rendre palpitantes les aventures, aura imposé des personnages (notamment Huntress) et une continuité qui servira de tremplins à nombre de ses collègues.
Jim