TINTIN : JOURNAL DES JEUNES DE 7 À 77 ANS (1946-1988)

Je continue à picorer dans le sommaire de ce gros pavé, et je crois qu’il est temps d’évoquer quelques récits à connotation méta. Tout n’est pas formidable, mais en général ça tombe plutôt pas mal.

Par exemple, Dimitri Armand, qui officie ici en tant que dessinateur mais aussi scénariste, livre une aventure temporelle de Bob Morane où le héros et ses deux alliés courent après un trésor qui s’avère… être le numéro de Tintin dans lequel il a fait son apparition. Le récit est musclé, avec un dessin et des cases clairement influencés par les comics.

La dessinatrice Alix Garcin (dont le sommaire propose une interview), à l’occasion de son évocation de la série Modeste et Pompon de Franquin, parvient à la fois à évoquer la figure du dessinateur, qui rencontre son héroïne, et la place des femmes dans les fictions franco-belges classiques. Aussi joli que délicat et sensible.

Dans un genre voisin mais en mode plus hilarant, Lewis Trondheim raconte l’arrivée de son Lapinot à une soirée donnée par le journal Tintin, où tous les invités attendent l’arrivée du héros éponyme (que bien entendu on ne verra pas). L’auteur en profite pour taquiner les vieilles règles narratives de la ligne claire à la Jacobs, en montrant un Blake et un Mortimer bien désemparés en l’absence de récitatifs en haut de case, que Lapinot doit compenser en improvisant. Assez hilarant, surtout avec le passage consacré à Cubitus.

Clark, qui a déjà donné sa version de Simon du Fleuve (évoquée plus haut), livre aussi une interprétation du Rork d’Andreas. Rendant hommage à la fois au fond et à la forme, le bédéaste utilise des cases horizontales et verticales et un noir & blanc expressionniste, et brouille les parois séparant la fiction, la réalité et la création : qui est le héros, qui est l’auteur, qui est la victime de l’autre. Assez rorkien. Ou andreassien. Ou rorko-andreassien.

Mais je crois que la palme du méta est remportée par l’histoire intitulée « Guerilla pour un héros », écrite par Zidrou et Falzar et illustrée par Benoît Dellac et Hamo. L’histoire raconte comment un enfant, fidèle lecteur du journal, est choqué par un cliffhanger dans un épisode de Bernard Prince. Incapable d’attendre une semaine pour connaître la suite, il en parle à deux camarades qui imaginent comment d’autres héros pourraient se ruer à la rescousse de Prince et de son associé. C’est Hamo qui dessine les planches consacrées aux lecteurs, et c’est Dellac qui illustre celles où les différents aventuriers de papier viennent (tenter d’) aider Bernard Prince. C’est Bruno Brazil et son Commando Caïman qui ouvrent le bal, mais leur action en force ne sauve personne. Les trois jeunes lecteurs imaginent ensuite comment Tounga pourrait intervenir (après tout, la jungle préhistorique ou la jungle contemporaine, hein…), puis font intervenir les Panthères de Greg et Aidans (et ouais, je les avais bien reconnues) ainsi que Martin Milan.

Le récit, en plus de la mise en abyme et de la déclaration d’amour à la force de l’imagination, vaut par sa capacité à ne pas se prendre trop au sérieux ni à trop sacraliser les héros issus du patrimoine, qui sont convoqués au détour des pages. Il plane sur ces planches une atmosphère souriante, doucement nostalgique mais surtout, amusé. Un sourire communicatif.

Jim

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