REALISATEUR
John Carpenter
SCENARISTES
John Carpenter et Debra Hill
DISTRIBUTION
Adrienne Barbeau, Jamie Lee Curtis, Tom Atkins, Janet Leigh, Hal Holbrook…
INFOS
Long métrage américain
Genre : horreur
Titre original : The Fog
Année de production : 1980
Alors que les habitants d’Antonio Bay s’apprêtent à fêter le centenaire de leur petite ville portuaire, un épais brouillard se lève, suivi d’étranges phénomènes. Au même moment, le père Malone découvre le journal de son grand-père, co-fondateur d’Antonio Bay. Il y apprend que la ville fut construite sur le meurtre et le vol de colons lépreux…
Lorsque John Carpenter (qui venait d’enchaîner 2 téléfilms pendant que montait le succès de son Halloween, devenu à l’époque le film indépendant le plus rentable) entame en 1979 le tournage de Fog, c’est avec l’intention de tourner un film de fantôme « à l’ancienne », où l’horreur était plus suggérée que montrée, dans l’esprit des films de Jacques Tourneur (La Féline, Rendez-vous avec la peur). C’est après avoir visité Stonehenge avec sa productrice et scénariste Debra Hill qu’ils eurent l’idée de Fog, encore marqués qu’ils étaient par l’atmosphère particulière des lieux. Le tournage en extérieur ne fut pas facile, notamment les scènes impliquant le brouillard, qui est un véritable personnage du film. Le premier montage, selon les dires de Carpenter, fut catastrophique…sans ambiance, sans relief, sans frissons. Le réalisateur entreprit donc de tourner de nombreuses nouvelles scènes et d’accorder plus d’importance aux fantômes vengeurs sortis de la brume, s’éloignant ainsi de la méthode Tourneur (qui n’apprécia pas quant à lui que la production impose de montrer la créature de Rendez-vous avec la peur).
Sans préjuger de ce qu’aurait pu être cette première version, j’imagine mal Fog sans ses silhouettes de marins sortis d’une brume magnifiquement éclairée par l’excellent Dean Cundey (la première apparition du bateau, notamment, est de toute beauté). Tout d’abord montrés avec parcimonie, via des plans de coupe judicieux, les spectres se révèlent pleinement lors d’un dernier acte dans lequel l’angoisse monte progressivement, un assaut final qui n’est pas sans rappeler un schéma familier des films de Big John, lorsque ses protagonistes se retrouvent enfermés dans un lieu clos (ici deux lieux pour être précis, une église et un phare) pour lutter contre une invasion extérieure.
Comme Carpenter l’a souvent souligné, il « fait des films politiques ». Par le prisme du surnaturel, il critique les pouvoirs en place, aussi politiques que religieux, et l’hypocrisie d’un système fondé sur l’usurpation. Cette menace ancestrale s’en prend d’abord au village dans un long générique qui voit l’irruption de la brume détraquer les ressources modernes avant d’éliminer un à un les descendants (plus quelques victimes prises au hasard) de ceux qui les ont condamnés à leur triste sort. Le rythme du film est lent mais pas ennuyeux, car Carpenter sait faire monter la tension à coups de scènes et révélations chocs tout en creusant son petit groupe de personnages. Car Fog est un film choral, où s’entrecroisent les principaux héros, à prédominance féminine.
Les femmes tiennent une grande importance dans Fog (et par extension, dans la carrière de Carpenter). Et quelles femmes ! La superbe Adrienne Barbeau est Stevie Wayne, dont la voix chaude berce les nuits des habitants de Antonio Bay au micro de la radio locale. C’est elle qui du haut de son phare annonce l’arrivée de cette menace surnaturelle et c’est elle qui déclamera ce message pessimiste à la fin, écho d’un autre message, celui de La Chose d’un Autre Monde, film cher au coeur de Big John. Fog est également l’oeuvre qui aura permis au duo mère/fille Jamie Lee Curtis (la survivante d’Halloween)/Janet Leigh (la mythique Marion Crane de Psychose) de jouer ensemble pour la première fois.
Film aux multiples facettes, Fog est une excellente ghost-story, marquée de plans sublimes et nimbée d’une aura envoûtante, en adéquation avec la citation de Poe qui ouvre le métrage :
*Tout ce que nous voyons ou croyons voir n’est-il qu’un rêve dans un rêve ? *