REALISATEUR
Sergio Corbucci
SCENARISTES
Vittoriano Pettrili, Mario Amendola, Bruno et Sergio Corbucci
DISTRIBUTION
Jean-Louis Trintignant, Klaus Kinski, Frank Wolff, Luigi Pistilli, Vionette McGee…
INFOS
Long métrage italien/français
Genre : western
Titre original : Il grande silenzio
Année de production : 1968
Le Grand Silence, c’est l’homme sans nom (grande tradition du western spaghetti) interprété par un mutique Jean-Louis Trintignant. Parce qu’« après son passage, tout le monde se tait ».
Le Grand Silence, c’est aussi cet Utah sauvage, battu par les vents, recouvert d’une épaisse couche de neige. La neige est presque un personnage du film, tant cet élément de décor est omniprésent et tant sa blanche pureté représente le parfait contrepoint de l’extrême noirceur du récit filmé par Sergio Corbucci, cinéaste inégal qui livre ici l’un de ses meilleurs longs métrages (peut-être même le meilleur, même si je ne les ai pas tous vus).
La neige reflète la solitude de Silence, pistolero muet mû par un désir de justice, mais aussi, comme le spectateur l’apprendra en avançant dans l’histoire, par sa soif de vengeance envers les chasseurs de primes qui font de leur fonction un argument pour exprimer leur violence et leurs penchants meurtriers.
Dans un rôle qu’on dit au départ prévu pour Franco Nero, que Corbucci avait dirigé deux ans auparavant dans le premier Django, grand succès qui impacta par la suite le genre pour le meilleur et pour le pire, le comédien français Jean-Louis Trintignant est impressionnant de présence tout en déployant un jeu minimaliste. Son personnage ne parle pas, mais son regard hanté en dit long. La tragédie a marqué sa vie et la mort chevauche à ses côtés…ce qui est marquant dès sa première apparition, lorsqu’il dégaine son arme distinctive, un Mauser, pour tuer plusieurs chasseurs de primes avec une vitesse surnaturelle. Les gunfights sont graphiquement très violents, le sang gicle et les cervelles éclatent et la neige se couvre de rouge…
À noter que Jean-Louis Trintignant a accepté ce rôle inhabituel dans sa filmographie par faveur pour un ami producteur. Mais comme il ne voulait pas apprendre de dialogues pour un western spaghetti, le héros devint donc muet…
La neige est également utilisée comme « chambre froide naturelle » par Tigrero, le plus impitoyable des chasseurs de primes, boucher qui s’en sert pour stocker ses victimes avant de pouvoir empocher ses primes. Après tout, « le froid, ça conserve »…
Tigrero, c’est l’hallucinant acteur allemand Klaus Kinski, figure régulière du western de cette époque, futur collaborateur régulier de Werner Herzog (Nosferatu fantôme de la nuit, Fitzcarraldo, Aguirre la colère de Dieu). Kinski se régale à composer un méchant d’anthologie, suave, cynique et monstrueux, mais sans verser dans les excès…il joue presque avec retenue ce chasseur de primes chargé de débarrasser la région de tous ses hors-la-loi…
…sauf que la notion de ce qui est en dehors de la loi est décidée par les mauvaises personnes dans ces étendues sauvages.
Le gouverneur de la région ne veut donc plus cautionner ces meurtres et envoie un shérif signer un armistice. Exemple même du bureaucrate qui ne veut pas se salir les mains lui-même. Un peu pataud, le shérif est envoyé au casse-pipe sans renforts et doit se débrouiller par ses propres moyens. Gideon Burnett est incarné par le très bon Frank Wolff, second rôle vu la même année dans Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone.
La touche féminine est assurée par Vonetta McGee, qui faisait ici ses débuts avant d’apparaître notamment dans Blacula et La Sanction aux côtés de Clint Eastwood. Autre personnage touché par la tragédie et dont les actions sont dictées par sa vengeance…
Dans cette petite ville de Snow (décidément) Hill, reculée et abandonnée, l’espoir n’est pas de mise. Sans trop en révéler sur les rebondissements du dernier acte, j’ajoute juste que j’ai rarement vu une fin aussi sombre, aussi nihiliste. Ce final prend aux tripes, par son intensité, par son atmosphère crépusculaire et désespérée. La musique de Ennio Morricone, toujours aussi marquante, se fait également ici plus discrète, plus mélancolique, parfaitement adaptée, comme souvent, aux émotions exprimées.
Malgré quelques mouvements de caméra un peu tremblotants et des transitions un peu sèches, Le Grand Silence est impressionnant de maîtrise et truffé de plans d’une grande beauté. Un superbe western !