REALISATEUR
Christian Niby
PRODUCTEUR
Howard Hawks
DISTRIBUTION
Kenneth Tobey, Robert Cornthwaite, Margaret Sheridan, James Arness…
INFOS
Long métrage américain
Genre : science-fiction/horreur
Titre original : The Thing from Another World
Année de production : 1951
La Chose d’un Autre Monde est la première des trois adaptations de Who goes there ?, une nouvelle de l’écrivain John W. Campbell publiée à l’origine en 1938 dans le pulp Astounding Science-Fiction. Les deux autres versions cinématographiques ont toutes les deux le même titre : The Thing de John Carpenter (1982), et The Thing de Matthijs van Heijningen Jr (2011), qui se présente comme une préquelle au chef d’oeuvre absolu de Carpenter. Je n’ai jamais lu la nouvelle, mais d’après ce que j’ai compris, le film de Hawks en est une libre adaptation, tandis que le Carpenter s’en rapproche plus…tout en reconnaissant ce qu’il doit au long métrage de Howard Hawks (qui est l’un des réalisateurs préférés de Big John…La Chose est même le film que regarde les gosses gardés par Laurie Strode dans Halloween).
La Chose d’un Autre Monde est la seule incursion de Howard Hawks dans le domaine de la science-fiction , un genre particulièrement en vogue aux U.S.A. dans les années 50. Dans sa filmographie, le titre arrive entre la screwball comedy Allez Couchez ailleurs avec Cary Grant et le très beau western La Captive aux yeux clairs avec Kirk Douglas, deux de ses univers de prédilection. J’insiste sur Howard Hawks même si le réalisateur crédité est Christian Niby, car il y a toujours eu débat sur la véritable paternité du film. Christian Niby était alors l’un des monteurs attitrés de Hawks et il faisait ici ses débuts de réalisateur. Mais d’après de nombreux témoignages, dont certains se contredisent, Hawks était omniprésent et décisif sur le plateau. C’est un cas où l’importance du producteur l’emporte sur celle du réalisateur, à la Tobe Hooper/Steven Spielberg sur Poltergeist.
Un espace confiné (et même reculé du monde comme l’est la base de l’expédition en Alaska composée de militaires et de scientifiques), un groupe soudé (enfin presque…tout dépend de quel côté on se place) face à la menace (venue des étoiles), un unique personnage féminin qui trouve naturellement sa place dans un univers masculin (et qui permet d’humaniser un peu plus le héros, le militaire incarné par le vieux routier de la série B Kenneth Tobey, de le rendre moins rigide)…ce ne sont que quelques uns des éléments typiques du cinéma de Howard Hawks que l’on retrouve dans La Chose d’un Autre Monde.
Pendant une grande partie du métrage, l’affrontement se joue principalement à hauteur d’hommes, et donc entre militaires et savants. Le sous-texte est clairement politique (comme une grande partie des séries B de S.F. des fifties…l’ennemi est à l’intérieur et il faut à tout prix le détruire) et ce ne sont pas les scientifiques qui ont le beau rôle. L’extra-terrestre retrouvé dans un bloc de glace et ranimé par inadvertance ne manifeste que des intentions belliqueuses, et pourtant le responsable de l’expédition, joué par Robert Cornthwaite, veut à tout prix qu’il soit épargné à des fins scientifiques. Sa caractérisation, qui insiste sur un apparent mépris des vies humaines qui ne fait pas le poids face à sa soif de connaissances, ne le rend évidemment pas vraiment sympathique. Et il arrive ce qui devait arriver lorsqu’il se retrouve face-à-face avec la créature au cours de l’opposition finale…
Dans le camp opposé, les militaires sont là pour refermer la Boîte de Pandore ouverte par les scientifiques et faire en sorte que l’affaire soit étouffée pour ne pas paniquer le public américain (ce qui est notamment représenté par la scène où le capitaine ordonne au journaliste qui accompagne l’expédition de ne pas faire part de la découverte de la soucoupe). Ils sont bourrus sans être montrés comme des foudres de guerre et par leur humour et leur sens de la répartie, ils sont présentés comme étant nettement moins calculateurs que la plupart des savants.
Le tout est un poil trop bavard, mais ces thèmes sont très intéressants et bien ancrés dans leur époque…et ils nourrissent bien la tension entre les personnages même si la parano qui en résulte n’a indéniablement pas la même efficacité que dans la version de 1982.
Et la créature dans tout ça ? On la voit très peu et la présentation de ses caractéristiques passe par les habituelles longues plages explicatives de la S.F. des années 50, avec une petite pointe d’humour (elle a des origines végétales et le journaliste la compare à une carotte de l’espace). Mais en guise de carotte, l’extra-terrestre est plutôt un véritable Frankenstein campé par l’acteur James Arness, qui sera ensuite principalement connu pour son rôle du Marshal Matt Dillon dans la série western Gunsmoke, une véritable institution en Amérique (20 saisons et 635 épisodes entre 1955 et 1975).
James Arness a ensuite avoué avoir eu un peu honte de sa participation à La Chose d’Un Autre Monde. Même si on peut le voir en détail grâce au matériel promotionnel, son maquillage n’a pas été jugé convaincant et il fut alors judicieusement décidé d’en montrer le moins possible. Au cours de ses quelques apparitions, l’alien n’est donc jamais filmé en gros plan et lors de sa première attaque, le réalisateur fait un excellent usage des ombres pour renforcer sa présence menaçante…et cela donne également des plans de toute beauté lorsque la créature prend feu (une première pour une cascade de ce genre) !