BLADE (Stephen Norrington)

Action/horreur
Long métrage américain
Réalisé par Stephen Norrington
Scénarisé par David S. Goyer, d’après les personnages créés par Marv Wolfman et Gene Colan
Avec Wesley Snipes, Kris Kristofferson, Stephen Dorff, N’Bushe Wright, Udo Kier…
Année de production : 1998

Avant la fin des années 90, les fans de Marvel qui voulaient voir leurs personnages évoluer en prises de vues réelles sur le grand et le petit écran n’avaient pas grand chose à se mettre sous la dent, entre des séries TV et téléfilms cheap des années 70/80 (les Spider-Man, Incroyable Hulk, Captain America…), un flop produit par George Lucas (Howard the Duck) et des bisseries qui ont connu des fortunes diverses, d’une brève carrière au cinéma à l’abandon pur et simple de son exploitation sur tous supports (Le Punisher, Captain America, Fantastic Four). Bref, rien de glorieux…jusqu’à ce qu’un long métrage consacré à un personnage (très) secondaire devienne le déclencheur d’une période faste pour la branche ciné de la Maison des Idées, Marvel Films devenant officiellement Marvel Studios en 1996.

Avant 1996, de nombreux héros et vilains Marvel ont fait l’objet d’options des studios pour une potentielle adaptation à l’écran…pour le résultat que l’on sait. C’est d’abord New World Pictures, société fondée à l’origine par Roger et Gene Corman et un temps propriétaire de Marvel dans les années 80, qui avait les droits de Blade, avec l’intention d’en faire une sorte de western moderne basé à Mexico avec Richard Roundtree dans le rôle-titre (le tueur de vampires étant un rejeton de la blaxploitation, il n’était donc pas étonnant de penser à l’interprète très cool de Shaft). Le projet ne s’est pas fait et c’est ensuite New Line Cinema, la maison de Freddy Kruger, qui a récupéré Blade.

Grand lecteur de comics, le scénariste David S. Goyer travaillait alors sur des séries B d’action comme Coups pour Coups avec Van Damme et Kickboxer 2 et les micro-budgets de Charles Band comme Jouets Démoniaques et Arcade. Sans oublier les héros de BD puisqu’il a vendu un script sur Nick Fury (devenu ensuite un téléfilm avec David Hasselhoff) et il a signé celui de The Crow, la cité des anges. David S. Goyer avait déjà un pied chez New Line (il a participé au scénario du Dark City de Alex Proyas) et après quelques efforts (le studio pensait d’abord s’orienter vers un pastiche…et ils ont même demandé à un moment si Blade pouvait être blanc !), Goyer a pu imposer sa vision pour ce héros inconnu du grand public.

L’intention de Goyer était de le traiter sérieusement et d’oublier la représentation romantique des suceurs de sang (on est en effet loin de Entretien avec un vampire sorti quatre ans plus tôt). Dans le monde de Blade, le vampirisme est associé à une maladie biologique, un virus, et le récit imaginé par Goyer établit ses propres règles quant aux faiblesses des créatures de la nuit (l’utilisation de l’écran total a pu faire grincer des dents certains puristes), parasites dont la société gangrène en quelque sorte celle des humains, en infiltrant les institutions pour faire leurs petites affaires sans se faire remarquer. Mais l’un d’entre eux, un certain Deacon Frost (l’original a été créé par Marv Wolfman et Gene Colan dans Tomb of Dracula), représentant des « jeunes vampires » par rapport au cercle de vieux croutons, veut bousculer l’ordre établi dirigé par Udo Kier (qui fut Dracula pour Paul Morrissey en 1974)…

Pour le rendre un peu plus puissant à l’écran, David S. Goyer a modifié les pouvoirs de Blade pour en faire un demi-vampire, un « diurnambule » (toutes leurs forces, aucune de leurs faiblesses), alors qu’à ses débuts sur papier Blade était principalement immunisé aux morsures des vampires. Si les noms de Denzel Washington et Laurence Fishburne avaient circulé, Goyer voulait Wesley Snipes et ce dernier a signé après avoir échoué à développer un long métrage sur Black Panther. Et tant mieux car il est devenu indissociable du personnage par son attitude badass et ses capacités physiques dont il fait la démonstration tout au long d’affrontements nerveux…

David Fincher fut brièvement attaché au film et a même travaillé sur le scénario avec Goyer avant de passer à autre chose. Impressionné par l’imparfait (mais pas inintéressant) Death Machine tourné avec des moyens limités, le producteur Peter Frankfurt a choisi le britannique Stephen Norrington qui s’est montré à l’aise dans la création de l’atmosphère particulière de Blade, notamment avec une entrée en scène mémorable. Blade commence d’ailleurs tellement fort avec le Bain de Sang de la boîte de nuit et le premier combat qu’il connaît ensuite un ventre mou se perdant un peu en explications. Quelques faiblesses (pas si ennuyeuses que cela) avant une dernière partie riche en action et en rebondissements (à peine altérée par des CGI qui ont pris un joli coup de vieux).

Porté par une bonne distribution (aux côtés de Wesley Snipes, il y a notamment Kris Kristofferson en vieux mentor bougon et Stephen Dorff en vampire arriviste), Blade a connu un bon petit succès, récoltant plus de 130 millions de dollars de recettes pour une mise initiale de 45 millions. De quoi poursuivre l’aventure, Guillermo del Toro signant quatre ans plus tard le meilleur épisode de la trilogie…mais ceci est une autre histoire…

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