REALISATEUR
John Carpenter
SCENARISTE
W.D. Richter, d’après l’histoire de Gary Goldman et David Z. Weinstein
DISTRIBUTION
Kurt Russell, Dennis Dun, Kim Cattrall, James Hong, Victor Wong…
INFOS
Long métrage américain
Genre : aventures/fantastique
Titre original : Big Trouble in Little China
Année de production : 1986
Au volant, je ne dépasse jamais la vitesse du regard. Et puis, tout est une question de réflexes.
Au milieu des années 80, John Carpenter était en plein dans une période « studios » qui se passait plutôt bien après l’échec de The Thing en 1982. Christine et Starman, deux films de commande, ont dans l’ensemble été bien reçus et le second a permis à Carpenter de s’exercer à d’autres genres pour un résultat de fort belle facture. Lorsque la FOX lui propose Big Trouble in Little China (qui est devenu en version française Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin) en 1985, le réalisateur n’est dans un premier temps pas très emballé par un scénario qu’il juge illisible, malgré de nombreux éléments intéressants. Dans cette version préliminaire, le film offrait déjà le mélange des genres qui le caractérise…en combinant western et légendes chinoises.
Jack Burton était alors un cow-boy pris dans une lutte entre des puissances surnaturelles orientales dans une petite ville de l’Ouest à la fin du IXIème siècle. Mais les producteurs et le réalisateur se sont accordés sur le fait que l’histoire ne fonctionnait pas vraiment dans ce cadre et ont préféré transposer l’action à l’époque moderne (et au lieu de se faire voler son cheval, Jack se fait voler son camion). Le scénario nécessitait une réécriture complète, confiée à W.D. Richter, le réalisateur de ce grand film barré qu’est Les Aventures de Buckaroo Banzai à travers la 8ème Dimension. C’est peut-être bien la seule chose sur laquelle Carpenter s’est entendu avec la FOX, car ses relations avec Lawrence Gordon, qui en était alors le président, n’ont pas vraiment été au beau fixe.
Le studio n’a en effet pas compris grand chose au film, jusqu’à en saborder la sortie en ne lui donnant que très peu de promotion…puisqu’ils ne savaient pas comment le vendre (déçu, John Carpenter est ensuite retourné au cinéma indépendant en réalisant coup sur coup les excellents Prince des Ténèbres et Invasion Los Angeles). Et comme cela est souvent arrivé dans ces cas-là, le long métrage est devenu culte lors de sa redécouverte en VHS…
L’une des causes de désaccords entre Carpenter et la FOX concernait la caractérisation de Jack Burton. Big John a du ajouter un prologue, une sorte de flash-forward explicatif pour insister sur la nature héroïque de Burton. Mais ce que le studio ne comprenait pas, c’est que le véritable héros de l’histoire est Wang Chi, l’ami de Jack, jeune homme qui est prêt à tout pour sauver sa bien-aimée aux yeux verts des griffes du maléfique Lo Pan (très bon James Hong !).
L’une des nombreuses bonnes idées du scénario est qu’on peut voir Jack Burton comme le partenaire, le sidekick de Wang Chi. Et lorsque Wang Chi défie les lois de la gravité pour combattre l’un des sbires de Lo Pan dans un hommage évident au cinéma de Tsui Hark, Jack a beaucoup plus de mal à se dépêtrer de son adversaire, ce qui ajoute un irrésistible élément de comédie à des scènes d’action bondissantes et délirantes.
Oui, Jack Burton est un gros lourdaud (au grand coeur)…et un magnifique vantard, ce dont Kurt Russell joue à merveille (il détourne l’image de gros dur de ce genre de personnage avec délectation). L’acteur fétiche de John Carpenter est parfait dans le rôle de ce routier sympa qui se retrouve dans un monde qu’il ne comprend absolument pas, un John Wayne maladroit qui se paye certaines des meilleures répliques, notamment lors de ses interactions avec Gracie Law (Gracie Laloi en V.F.), l’avocate incarnée par Kim Cattral. Avec Carpenter, l’influence de Howard Hawks n’est jamais loin et les scènes entre Jack et Gracie rappellent la dynamique des screwball comedy des années 30/40.
La distribution est impeccable et donne des rôles très intéressants à un casting presque entièrement asiatique, ce qui n’était pas chose courante à l’époque. Il y a notamment Dennis Dun et Victor Wong, que Carpenter retrouvera par la suite dans Prince des Ténèbres. Visuellement, la production est soignée, les décors et les costumes sont superbes, les chorégraphies sont dynamiques et les effets spéciaux sont jubilatoires, des trucages pyrotechniques aux monstres globuleux en passant par les transformations de Lo Pan.
Le rythme est également très soutenu : l’action démarre rapidement et ne se relâche que très rarement…et même les quelques passages où les personnages prennent un (petit) peu de temps pour se poser et expliquer la situation sont énergiques grâce au jeu des acteurs et aux savoureux dialogues. Les péripéties, dont certaines joliment loufoques s’enchaînent avec délice, jusqu’au démentiel final. Vu le dernier plan, j’aurais vraiment adoré retrouver l’univers de Jack Burton pour une suite…qui n’est venue que récemment, en comic-book !