2022, l’année des 60 ans de Thor (avec la parution de Journey into Mystery #83 le 5 juin 1962).
JOURNEY INTO MYSTERY #83 :
Le puissant Thor est apparu pour la première fois le même mois que Spider-Man, en août 1962 sur la couverture (et également en juin pour la date de sortie). Ce n’était pas la première fois que les comics s’inspiraient du Dieu du Tonnerre de la mythologie nordique, il y avait par exemple eu un Thor dans la série Venus dans les années 50 et Jack Kirby avait déjà dessiné un Thor pour DC Comics en 1957. Grand passionné de contes et légendes, le King Kirby était la personne qu’il fallait pour faire de l’Asgardien un super-héros…mais Thor fait partie de ces séries qui ont tout de même mis un peu de temps à trouver leur vitesse de croisière.
Comme Marvel ne pouvait publier en ce temps-là qu’un nombre limité de titres, Thor a d’abord trouvé refuge dans la revue anthologique Journey into Mystery pour des histoires courtes d’une dizaine de pages. Les auteurs ne perdaient donc pas de temps : il ne faut que trois pages pour que Donald Blake, médecin infirme en vacances en Norvège, soit le témoin d’une invasion extraterrestre. Les Hommes de Pierre de Saturne ressemblent d’ailleurs à ces nombreux aliens qui ont peuplé les comics d’ Atlas/Marvel les années précédentes. Piégé dans une cave, Blake découvre une canne en bois. Il tente de s’en servir comme levier pour bouger le rocher bloquant l’entrée…et c’est là qu’il se transforme en Thor, la canne devenant le marteau Mjolnir.
La seconde partie de l’épisode décrit le combat de Thor contre les Hommes de Pierre. La lecture est sympathique et le duo Jack Kirby/Joe Sinnott donnait déjà un résultat très agréable mais ce n’était pas vraiment là la meilleure des histoires d’origine pour un héros Marvel (on est loin de Fantastic Four #1 et de Amazing Fantasy #15 par exemple). Comme je le soulignais plus haut, les aventures de Thor ont mis plusieurs mois (années ?) pour devenir vraiment intéressantes. Pendant quelque temps, Stan Lee a laissé les dialogues à son frère Larry et à Robert Bernstein et ce n’est que quand les Tales of Asgard ont été ajoutées en back-up que la série a commencé à montrer son véritable potentiel.
Mais ceci est une autre histoire…
THOR #303-319 et ANNUAL #9-10 :
Jim
THOR #320-336 et ANNUAL #11 :
Notre Mallrat national nous parle de « Runequest » :
Jim
THOR #491-494 :
Thor: Worldengine par Ellis/Deodato Jr :
Puisque je suis dans les asgarderies diverses, j’ai relu récemment tout un cycle d’aventures qui, d’extérieur, pourraient donner l’impression d’une disparité surprenante et qui, pourtant, constitue un tout presque cohérent malgré le foutoir éditorial de l’époque.
Tout commence avec Thor #491, et l’arrivée du scénariste Warren Ellis sur la série. Resituons un peu le contexte. Le dieu du tonnerre, qui a connu une longue période animée par Tom DeFalco (ancien rédacteur en chef du catalogue), puis deux prestations tentant de projeter le héros dans de nouvelles directions (Jim Starlin et Bruce Zick tentent de décrire ce qu’il advient du Fils d’Odin quand il est pris par une folie de « berserker », tandis que Roy Thomas emporte M. C. Wyman dans un de ces ravalements de continuité qui l’obsèdent), est dans une situation trouble. La série ne sait pas trop où elle se dirige et, surtout, elle a souffert de la présence de dessinateurs qui soit ne conviennent pas (Bruce Zick est un merveilleux dessinateur, pour peu qu’on le laisse faire ce qu’il veut, mais l’encadrement Marvel ne lui convient pas) soit ne sont pas assez bons (les recopiages de John Buscema ne feront jamais oublié que Wyman ne sait pas dessiner). Et paf, voilà que Warren Ellis arrive. Assisté de Mike Deodato, fraîchement encensé après ses épisodes de Wonder Woman .
C’est assurément à Mark Gruenwald et à Ralph Macchio que l’on doit la volonté de secouer le cocotier, en donnant les clés de la série à deux auteurs en vogue. Ellis commence à se faire un nom (il n’a pas encore travaillé sur StormWatch , qui est selon moi le premier tournant décisif de sa carrière) et une réputation d’iconoclaste. Quant à Deodato, c’est un croisement entre Neal Adams et Jim Lee, dont la présence assure déjà une certaine visibilité. Ce qui est intéressant avec les quatre numéros qu’ils réaliseront ensemble (Deodato restant un peu plus longtemps que son scénariste), c’est qu’ils annoncent plein de choses sur leurs travaux à venir.
Car depuis lors, on a remarqué une chose chez Warren Ellis : il ne reste jamais longtemps sur les séries qu’il écrit. Et souvent, ses prestations apportent des idées neuves sur lesquelles ses successeurs peuvent broder à loisir. On se souviendra du récit « Extremis » pour la série Iron Man , qui a nourri pendant des années les intrigues liées à « Tête de Fer ». Dans le cas de « Worldengine », l’intrigue qu’il tisse pour Thor , c’est un peu la même chose.
Dès les premières pages, il nous présente un Thor amaigri, malade, mourant. Pire, le Fils d’Odin est rejeté par son père, dont on connaissait déjà le caractère de mauvais coucheur, mais l’acariâtre vieillard semble ici dépasser toutes les bornes en reniant son rejeton. Les raisons de la dégradation catastrophique de l’état de santé du héros sont exposées dès le premier numéro, alors qu’il découvre que l’arbre-monde, le frêne Yggdrasil, est torturé par des machines dans les sous-sols de la ville. Dans le même temps, l’Enchanteresse apparaît à New York.
Dans le deuxième épisode, il présente l’inspecteur Curzon, un policier britannique détaché à New York, qui enquête sur une série d’hallucinations mettant en avant la vision d’un arbre-monde. Beta Ray Bill tombe dans le coma, Odin prophétise l’arrivée de Ragnarok (encore !!!) et l’Enchanteresse se présente à Thor. L’enquête continue dans le troisième chapitre, où les lectures de Curzon permettent au scénariste de s’interroger sur la nature de Thor et du panthéon nordique (des dieux ? des extraterrestres ?). Les choses ralentissent, Thor et l’Enchanteresse se rapprochent, l’intrigue semble marquer le pas, et l’électrochoc du premier chapitre est un peu oublié.
Les choses rebougent à nouveau dans le quatrième et dernier chapitre de « Worldengine », où Thor et l’Enchanteresse découvrent Price, un savant fou ayant récupéré une installation souterraine destinée à l’origine à enfermer les surhommes allemands durant la Seconde Guerre mondiale. C’est là qu’il a installé un laboratoire destiné à torturer Yggdrasil, à lui faire croire que le Regnarok est arrivé afin qu’il tue les dieux nordiques, puis à l’utiliser en vue de créer une nouvelle race humaine « post-Ragnarok ». Sauf que le Ragnarok n’a pas eu lieu, que sa race n’est pas viable, qu’il est tué par les clones décérébrés qui lui servent d’esclaves, et que Thor relance la machine.
Sous les dessins énergiques et séduisants de Deodato (qui sexualise à outrance ses protagonistes, certes, mais ça reste très joli), il manque un réel enjeu, un rythme, une tension. Le premier et le quatrième épisodes sont très chouettes, débordant d’idées et de dialogues savoureux (Ellis sait faire parler les savants fous), mais le récit a un gros ventre mou de deux épisodes (la moitié du récit, quand même). L’ensemble fait un peu remplissage. La disparition de l’inspecteur Curzon, dans un éclair de lumière, ne fait que renforcer cette sensation : Ellis a accumulé des détails afin de tenir quatre épisodes.
Néanmoins, l’importance de « Worldengine » apparaîtra rétrospectivement, lors de la lecture des deux grandes sagas qui suivront. Les idées proposées dans les quatre épisodes d’Ellis servent effectivement de base aux récits de William Messner-Loebs et de Tom DeFalco, et c’est là qu’on se rend compte que l’ensemble constitue un projet d’editor plus qu’une proposition de scénariste. On peut effectivement imaginer qu’à l’approche du cinq centième chapitre, Gruenwald et Macchio cherchent à donner de l’ampleur aux récits proposés, afin de marquer le coup.
Graphiquement, Deodato assure. Si on sent une légère baisse dans l’encrage (et même dans le dessin à certains moments, signe qu’il recourait déjà à quelques assistants), il livre des planches dynamiques, riches, expressives, ainsi que de belles splash , malgré la présence de doubles pages disposées dans le sens « centerfold ». Il utilise des tics visuels intéressants, à l’exemple des images formées par plusieurs cases juxtaposées (ou des vignettes découpées par des intercases surnuméraires, si l’on veut), procédé qu’il généralisera des années plus tard dans des récits comme Original Sin , par exemple.
« Worldengine » a été réédité sous forme de TPB souple en 1998, puis dans la collection cartonnée « Marvel Premiere Edition ». Sans compter, me semble-t-il, l’insertion du récit dans la collection « Epic ».
Jim
THOR #438-441 + THOR CORPS :
Je viens de me replonger dans le TPB Thor Corps, rassemblant la mini-série homonyme ainsi que divers épisodes de la série Thor. Ces derniers, je les connais, mais je n’avais jamais réussi à compléter la mini, et l’achat de ce TPB a été une occasion de jouer au larron.
Alors bon, moi, j’aime bien les Thor de DeFalco. C’est enlevé, au long cours, avec des mystères que ce dernier sait réellement bien développer (on pourra dire la même chose de ses Fantastic Four : il a l’art de distiller les fausses pistes). Et franchement, une réédition de l’intégrale ne me déplairait pas (d’autant que j’ai une partie en VF, une partie en VO, c’est le bazar…).
En attendant, ce volume rassemble les Thor #438 à 441, parus à l’été 1991 je crois, selon un rythme bimensuel, et qui marquent la première union de trois Thor face à Zarrko, le maître du temps. C’est sympa comme tout, Ron Frenz est en mode Sal Buscema, donc c’est musclé sans génie, mais ça a une sacrée patate.
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Vient ensuite le gros du menu, à savoir la mini-série Thor Corps elle-même, écrite par Tom DeFalco là encore, avec l’aide de Frenz, et dessinée par Pat Oliffe. Alors Olliffe, j’aime bien, mais c’est quand même très brouillon. Son encrage montre qu’il tente des choses à la Kyle Baker ou à la Klaus Janson, mais il ne maîtrise pas. En revanche, la reproduction d’originaux à la fin du recueil démontre que ses planches en noir & blanc sont nettement plus lisibles que leur version couleur.
George Roussos a dû être bien enquiquiné avec les originaux, vu qu’il semble régulièrement en difficulté quand il s’agit de faire ressortir tel élément du décor ou de distinguer telle partie d’un costume. Ralph Macchio a la bonne idée de confier, dans les troisième et quatrième épisode de la mini, l’encrage à Romeo Tanghal, un vétéran qui donne de la clarté aux planches. Y a un petit plus, qui se ressent même au niveau des couleurs, c’est dire.
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La grosse qualité visuelles provient du somptueux lettrage de John Workman, le lettreur attitré de Simonson, qui signe là un chouette festival : bulles ouvertes sur les marges, onomatopées délirantes, titres et crédits utilisant des polices surprenantes, vraiment, c’est un régal.
La mini est construite sur un postulat classique : l’ennemi du Thor du futur (Drago Ktor), alias Demonstaff, fait pression sur ce dernier pour qu’il lui obéisse. Le futur Thor contacte donc Beta Ray Bill et Eric Masterson (alias Thor / Thunderstrike), dans l’espoir de jouer la montre. Mais bien entendu, ça part en quenouille, les héros sont baladés entre différentes époques (car oui, Demonstaff a trouvé le moyen de trouer l’espace-temps et d’y faire passer des choses, et on découvre bientôt qu’il est sur le point de tout faire péter, parce que gniark gniark gniark tout ça tout ça…). Les trois héros croisent donc le chemin des Invaders période Seconde Guerre mondiale, du Spider-Man 2099, des Guardians of the Galaxy (période Valentino), des héros du western, etc etc. Mais ils sont fortiches, donc à la fin ils parviendront à invoquer le Thor de base, le seul l’unique, et à déjouer les plans de Demonstaff. Intrigue vu mille fois, d’un petit commando de héros errant d’époque en époque dans l’espoir de retricoter l’espace-temps.
Mais là où ça vaut le détour, c’est dans le portrait du méchant. Le héros, apparu au détour d’une séquence dans la saga précédente publiée dans Thor, est creusé. De vilain spectaculaire au look très nineties, il devient une véritable menace car son pouvoir est immense. Mais il n’est pas dupe justement de sa capacité de nuisance et l’exprime. L’ironie est double car DeFalco prend soin de lui mettre dans la bouche des propos ronflants à base d’allitération, qui le font sonner comme un vilain à la Stan Lee, voire comme Stan Lee lui-même. Le vilain médiocre devenu vilain cosmique sait qu’il est un vilain médiocre devenant vilain cosmique, et ne s’en cache pas. Ses origines sont racontées à plusieurs reprises, selon plusieurs points de vue, et la vérité à chaque fois est déformée, ce qui est assez intéressant là aussi. Et ça renforce le tragique de l’affaire, car Demonstaff, dans la grande tradition Stan Lee, est un de ces méchants devenus maléfiques à cause d’un coup du sort, alors que le destin aurait dû faire de lui sinon un héros, du moins un homme normal. Et si à la fin il prend conscience de ses errements, son châtiment s’accompagne d’une véritable rédemption, chose rare pour les vilains (s’ils sont épisodiques, ils sont sacrifiables, et s’ils sont de premier plan, ils restent des méchants). DeFalco semble vouloir offrir à Demonstaff un parcours complet, et l’ironie expliquée plus haut se marie à une réflexion complexe sur les vilains à la Marvel. C’est plutôt finaud.
Le reste du sommaire est complété par la réédition des premières apparitions des trois Thor alternatifs occupant la vedette dans le recueil.http://i.ebayimg.com/00/s/MTYwMFgxMDM0/z/l1sAAOSwIBBUak2V/$_12.JPG
Le Thor #337, apparition de Beta Ray Bill et premier chapitre de la légendaire prestation de Walt Simonson, est proposé ici dans sa recolorisation par Steve Oliff. Belle, maîtrisée, matiérée, elle tranche avec celle d’époque (George Roussos pour les premiers épisodes), et si elle rajoute des volumes, elle fait des choix de sources de lumière qui sont bien différents de celle de Roussos. Oliff, si j’ai bien compris, s’est chargé de la nouvelle colo à l’occasion de l’édition Omnibus, repassant donc sur les travaux de Roussos, mais aussi de Christie Scheele, qui a colorisé les derniers épisodes (donc le fameux Thor #380, dessiné par Simonson en splash-pages).
Un très bon papier se penche sur les apports (ou pas) d’Oliff, et c’est à lire ici.
Si le boulot d’Oliff reste de grande qualité, il y a quelque chose qui est perdu, des choix moins tranchés, et peut-être une force amoindrie.
Jim
Thor # 495, 497-502 :
Cela fait des mois que j’ai commenté Thor: Worldengine, le TPB regroupant les épisodes que Warren Ellis et Mike Deodato ont consacré au Dieu du Tonnerre, marquant une rupture avec ce qui précédait. Et donc, depuis juin, je devais évoquer les deux tomes suivants… et… le temps a passé.
Succédant à Ellis, c’est William Messner-Loeb qui reprend la série là où son prédécesseur l’a laissée : Thor ne dispose plus de pouvoirs hérités d’Odin, il a des doutes, il est coupé du pouvoir d’Yggdrasil, et il vit avec l’Enchanteresse dans un appartement luxueux au sommet d’un gratte-ciel.
Le premier épisode, dessiné par Geoff Isherwood, un illustrateur dont j’aime beaucoup le style et que j’aurais aimé voir plus souvent, présente le couple de dieux déchus à la rencontre d’une jeune femme qu’ils sauvent d’un enlèvement. Au fil des épisodes, on apprendra que le père de celle-ci, collectionneur fortuné, souhaite la protection de Thor.
De fil en aiguille après un détour par le cross-over « First Sign », étalé également sur Captain America et Iron Man, et dont Mike Deodato assure la partie Thor avec l’énergie qu’on lui connaît, le héros retrouvera un Odin amnésique et clochardisé, indice qu’il se passe quelque chose en Asgard que le héros et les lecteurs ont encore à découvrir, puis sera confronté à une arme magique associée au collectionneur et qui aura une influence étrange sur Thor et ses amis.
Si Messner-Loeb écrit un récit bien rythmé et ponctué par des thèmes qu’il affectionne (notamment la rédemption, mais aussi la notoriété…), il semble toutefois jouer la montre en attendant l’arrivée du numéro 500.
La série souffre d’un déclin graphique évident. Deodato délègue de plus en plus à d’autres dessinateurs brésiliens, parmi lesquels Luke Ross qui n’a pas encore le style réaliste développé plus récent, ou Adriana Melo et d’autres. L’ensemble est très inégal et parfois bien repoussant, absolument pas à la hauteur d’un récit qui, sans être renversant, aurait pu laisser un bon souvenir s’il avait été doté d’un bon dessin régulier.
Et alors qu’un autre détenteur du pouvoir divin, Red Norvell, issu des épisodes de Roy Thomas peu avant le trois centième épisode, fait son retour dans la série, Thor obtient le fin mot concernant le sort d’Asgard.
Le royaume éternel est en ruines, les Asgardiens ont disparu, les Trolls et les Géants des Glaces ont envahi les lieux. Avec l’aide de Doctor Strange, il parvient à chasser les envahisseurs et à recouvrer son pouvoir. Mais il lui reste désormais à retrouver les autres Asgardiens et la dernière bulle du numéro 300 (assez chouettement dessiné par Deodato, qui ne fait pas énormément d’effort mais qui, au moins, assure une certaine cohérence énergique aux planches) laisse entendre que la suite se déroulera sur Terre.
Sauf que bien sûr, rien n’est aussi simple. En effet, la rédaction de Marvel a mis en branle le cross-over Onslaught, qui va tout ravager sur son passage, y compris les habitudes d’édition et de lecture, notamment en démontrant qu’on peut créer l’événement et générer des ventes en renumérotant / confiant les personnages à des auteurs vedettes même s’ils n’ont rien à dire / sacrifiant les héros / faisant fi de toute continuité.
Thor #501 est un épisode très dense dans lequel Messner-Loeb règle le subplot du prisonnier lancé peu avant (et qui devait sans doute réserver des développements plus longs), raconte les retrouvailles entre Thor et Norvell et fait le point sur le sort de l’Enchanteresse.
Le dernier épisode, sans doute le plus réussi de cette prestation où le scénariste n’est pas ménagé par l’éditorial, constitue une sorte de bilan, un instant de calme avec la tempête Onslaught qui s’annonce. Les deux porteurs de marteaux devisent sous les étoiles, Jane Foster vient dire bonjour, et soudain les personnages sont emplis d’une vie et d’une épaisseur que le scénariste a tenté de mettre en scène précédemment, dans le foutoir éditorial et l’agitation contradictoire où il a été amené à travailler.
On peut imaginer ce qu’aurait donné la série si Messner-Loeb avait eu les coudées franches, s’il n’avait pas été embauché pour jouer la montre et mettre en place les intrigues dictées par l’éditorial, et si le dessin avait été à la hauteur. Ce Thor #502 semble en être un échantillon aussi tardif qu’explicite.
Rétrospectivement, toute cette période (Ellis / Messner-Loeb / DeFalco) semble correspondre à un vaste plan éditorial, une intrigue globale qui serait sans doute restée comme un chouette moment dans la vie du personnage si elle n’avait pas été étalée entre trois scénaristes, une trop grande floppée de dessinateurs, deux séries, le tout tronçonné par des cross-overs qui n’ont contribué qu’à couper l’élan de l’intrigue et diminuer son impact.
Jim
JOURNEY INTO MYSTERY #503 à 513 :
Onslaught a frappé. La ligne Heroes Reborn est lancée. La continuité autour des Fantastiques et des Vengeurs est interrompue ici et relancée là. Et pendant que de nombreux titres sont lancés (autre signe que Marvel, sous couvert d’une certaine vitalité, est en fait lancée dans une fuite éperdue en avant), Thor n’a plus de titre à son nom, ni dans un univers ni dans l’autre.
Reprenant son titre d’origine, la série redevient Journey into Mystery à partir du numéro 503 et propose une nouvelle série, « The Lost Gods », qui met en scène les amis, alliés et peut-être adversaires du Dieu du Tonnerre. Sous une couverture plutôt dynamique de Mike Deodato Jr., c’est un bataillon d’artistes, regroupés sous l’appellation floue et fumeuse de « Deodato Studios », qui se charge de l’illustration des histoires racontées par Tom DeFalco, qui revient pour l’occasion sur l’univers qu’il a animé pendant de longues années avec Ron Frenz.
Tout ceci concourt à laisser penser que les efforts de l’éditeur sont concentrés sur les séries reprises par Jim Lee, Rob Liefeld et leurs complices, véritables forces vives d’un catalogue apparemment déserté par les enthousiastes. Le savoir-faire de DeFalco n’est certes pas à remettre en question, bien entendu, mais le rappeler au chevet d’une série qui vient de s’arrêter afin de maintenir sur le devant de la scène le petit décor asgardien témoigne bien du désintérêt des auteurs pour le titre mais aussi du désintérêt de Marvel pour ses auteurs (à la même époque, Peter David est plus ou moins clairement délesté de Hulk, qu’il finira bientôt par quitter, Spider-Man survit au délire éditorial, DeFalco là encore revenant à Amazing, une série qu’il a animée longtemps, et la jeune génération incarnée par Mark Waid est prestement découragée par les manœuvres éditoriales paniquées de la direction).
Le principe de la série est le suivant : Thor a disparu, Asgard est en ruines, Odin, aux dernières nouvelles, est un vieux clochard, et les dieux ont été réincarnés sous des identités de terriens amnésiques. Le « jeu » consiste donc à fédérer autour de Red Norvell l’équipe que l’on connaît, et qui a pris des formes diverses. Une fois assemblés, les héros devront se redécouvrir eux-mêmes avant d’élucider le plus grand mystère de tous : comment Asgard a-t-elle pu chuter ?
En soi, le pitch est sympa (et montre que la grande idée soufflée par Gaiman à Straczynski pour sa reprise de Thor quelques années plus tard n’est pas étourdissante d’originalité) et l’ambition affichée de proposer un grand récit épique apportant une conclusion aux prestations d’Ellis et Messner-Loeb tout à fait louable. Cependant, comme pour les épisodes précédents, l’ensemble est laid comme tout.
DeFalco, de son côté, fait son travail assez soigneusement : il caractérise les personnages, il s’amuse de leurs découvertes progressives, il explique ce qu’il est arrivé à l’Enchanteresse, et il commence à glisser des indices. Dans Amazing, il s’était amusé autour de l’identité du Hobgoblin. Dans Thor, il s’était ingénié à brouiller les pistes concernant Don Blake, de la même manière qu’il avait glissé des informations trompeuses sur l’identité de Kristoff dans Fantastic Four. Il a une certaine expérience des attentes de ses lecteurs et des moyens de les tromper. Donc ici, il joue à nouveau sur ces ressorts et s’amuse à surprendre les fans sur l’identité de tel membre de l’équipe ou tel autre. Toute cette partie, c’est plutôt bien ficelé.
Mais bon, bien dessiné, ou au moins dessiné avec constance, ça aurait été chouette. Bref, DeFalco nous conduit petit à petit à la révélation : le grand méchant, c’est Seth, le dieu-serpent égyptien. Et l’on découvre bientôt que la disparition des dieux de la cité d’Asgard est un mécanisme de défense automatique, implémenté par Odin dans le cas où l’arbre-monde Yggdrasil serait attaqué. C’est ce qui s’est produit dans les épisodes d’Ellis, et le plan d’Odin s’est donc mis en branle, réincarnant les Asgardiens loin, sur Midgard, afin de les protéger.
Mais Seth a profité de tout ce bazar pour avancer ses pions, s’emparer de l’installation souterraine branchée sur Yggdrasil (et montrée par Ellis), et profiter de l’absence des dieux asgardiens pour asseoir son influence. Joli retournement de situation qui, rétrospectivement, donne de la cohérence à une série dont les derniers numéros donnaient pourtant l’impression qu’elle partait dans tous les sens. On se doute bien (par le suivi du sort de l’Enchanteresse ou la déchéance d’Odin et quelques autres indices…) que l’éditorial avait l’ensemble de l’intrigue en tête, mais tout de même, le peu de soin accordé aux dessins a considérablement nui à une intrigue au potentiel pourtant prometteur.
Au fil des épisodes, les héros retrouvent leur souvenirs et leur identité, et se lancent dans la bagarre. L’épisode 507 est dessiné par Marc Campos (dont nous avons déjà parlé à l’occasion de l’évocation de ses épisodes sur Justice League), dans un style cartoony pas si éloigné d’un Mike Wieringo. Une bouffée rafraîchissante qui laisse songeur : si toute la saga avait été dessinée comme ça, ça aurait été pas mal.
Le combat est d’autant plus féroce que Seth a acquis à sa cause des surhommes, parmi lesquels Red Norvell, considéré comme mort et possédé. Ça bastonne, l’essentiel des épisodes est consacré à des missions contre l’ennemi. Question lettrage, à part quelques remplacements par l’excellent John Costanza, c’est hélas le nettement moins bon Jon Babcock qui assure la mise en bulle, parfois très maladroite. Décidément, ces épisodes ne bénéficient pas du soin qu’ils méritent.
Les deux derniers épisodes (512 et 513) voit l’arrivée du dessinateur Sal Buscema à la rescousse. Il est sans doute engagé à cause de sa rapidité et de son sens de la narration. La présence d’Al Milgrom à l’encrage, lui aussi compétent et rapide, semble confirmer l’idée que l’éditorial a besoin de tenir les délais. Les rumeurs qui veulent que l’agent du Deodato Studio ait du mal à traduire les textes (c’est ce qui est arrivé sur Avengers…) laissent imaginer que les conditions de travail ne sont pas optimales pour Journey into Mystery.
Toujours est-il que les deux derniers épisodes sont bien entendu les plus agréables à lire, à défaut d’être les plus originaux. Scénariste et dessinateur font preuve d’un classicisme un peu élimé mais parfait pour la conclusion. On notera aussi que Bobbie Chase, l’éditrice, est remplacée par Joe Andreani : ça bouge en coulisse, mais ce n’est pas toujours bon signe.
La conclusion du récit, qui s’en remet à des expédients classiques, tape dans un genre bien installé : Odin réveillé affronte Seth, tous deux revêtant des statures de géants au milieu des ruines, dans un déferlements d’effets pyrotechniques. Ces deux épisodes contrastent avec la volonté affichée de Marvel d’être plus moderne, plus « in your face », plus « à la Image ». Si des lecteurs comme moi peuvent se réjouir d’une lecture aux recettes éprouvées, on peut lire dans ces deux derniers épisodes une forme de constat d’échec : ils ne sont pas parvenus à maintenir le style tape à l’œil à la Deodato sur l’ensemble des épisodes. Pour ma part, je dirais que c’est dommage qu’ils soient parvenus à le maintenir si longtemps.
Au final, ces épisodes, réunis en un TPB, mettent un point final aux aventures (du petit monde) de Thor, avant la relance de Heroes Return. Sur le papier, la vaste saga qui couvre trois scénaristes aurait pu donner un véritable feu d’artifice final. Mais elle a pâti des grandes maœuvres éditoriales d’un Marvel alors exsangue ou presque. Un joli gâchis, somme toute, dont Thor a fait les frais.
Jim
Marko nous parle des Thor de Jurgens :
Je viens de relire le début du run de Jurgens/Romita Jr/Janson (au moment d’Heroes Return), j’en avais gardé un très bon souvenir et c’est effectivement pas mal du tout.
La série revient à ses fondamentaux et reprend le volet spectaculaire/cosmique lors de l’arc avec les Dark Gods, avec un JRjr en grande forme qui s’impose définitivement, en terme de puissance graphique, comme un des principaux héritiers stylistiques de Kirby.
Selon moi, Janson est son meilleur encreur à égalité avec le regretté Al Williamson.
C’est certainement mon run préféré de ces quinze dernières années, je le préfère de loin à celui de JMS, et j’aime beaucoup celui de Aaron, encore que j’attend d’avoir lu la fin de la saga du God Butcher pour avoir un avis définitif.
Jim
Et le Seigneur de Babylone en rajoute une couche :
Tiens je profite qu’on parle de Thor pour dire quelques mots sur :
Suite et fin du run de Dan Jurgens sur la série et dont on a eu les débuts en librairie via les Marvel icons contenant les épisodes dessiné par Romita jr.
Pour situer grossièrement, Jurgens s’amuse toujours avec la double identité de Thor (l’ambulancier Jake Olson), fait confronter Thor à de la menace de poids, introduit le personnage de Tarenne et comment à semer des indices quand à futur vraiment pas glop concernant le monde et Thor.
Ce futur commence avec le numéro #42 (bien que perso je ferais remonter la source du tout au #41) et se conclura au #79 avec le départ de Jurgens. Soit 37 numéros pour développer le règne d’un Thor débutant avec la mort d’Odin et qui sombrera de plus en plus dans la tyrannie.
Jurgens prend le temps de développer ses idées et d’étaler au mieux l’évolution de Thor. Conséquence, le lecteur ne se rend compte que peu à peu (ou du moins accepte difficilement) que le dieu de la foudre devient un véritable tyran. C’est ce travail sur la durée qui fait toute la force du récit. Après quelques aventures, Thor estimera donc que les humains ont besoin d’être guider par les Dieux et décide de transférer Asgard au dessus de New-york. Variation sur l’idée de interventionnisme des super-héros sur l’humanité, la saga se rapproche beaucoup de Supreme Squadron dans sa manière de questionner différent aspect de la question.
Mais la différence c’est que Jurgens met au centre du jeu la question de la divinité et de la croyance. Dès lors et avec le recul cette série post 11/09 s’avère très pertinent quand aux enjeux de ce début du siècle. Il est par exemple très intéressant de voir la manière dont le culte de Thor s’installe et prend la place de modèle défaillant tout n’oubliant jamais de garder en tête le principe de libre-arbitre.
Autre aspect intéressant au sein de cette saga (avant la bascule voyant Thor regner sur la Terre) c’est cette opposition entre Thor et Iron Man. Alors que Bendis et le MCU conditionneront leur oeuvre autour d’une dualité entre Roger et Stark, jamais la question de la lutte entre science et foi ne s’est autant développé ici.
Au final, ce qui ressort de cette 2ème partie de run c’est qu’elle prend le contrepieds d’une première partie ayant pour but de redorer la puissance de Thor. Ici on assiste à une chute d’autant plus terrible qu’elle est travaillé sur la longueur et assez compréhensible pour ne pas dire, acceptable.
Point négatif, hélas, une valse de dessinateur qui n’apporte guère de stabilité à une grande saga qui aurait pu être marquante avec un seule dessinateur au commande (dire que juste avant Kubert offrait quelques magnifiques épisodes). On notera aussi une conclusion un peu trop expédié et un passage de relais (pour le célèbre Ragnarok) très abrupt.
Il n’empêche que je ne peux m’empêcher de penser qu’une telle saga, aujourd’hui, aurait été au centre d’un event avec des ties-in a foison faisant perdre la consistance à l’histoire. Ici Jurgens travaille seul sur une série (bon il y a quelques trucs annexes vite fait) et sur le long terme et la différence est là.
Jim
Bret Blevins :
Thor par Simonson (1987)
On en sait pas plus que cette publicité parue dans Marvel Age (le magazine news de marvel de l’époque).
Simonson quittera le titre car Marvel ne le suivra pas. Il sera remplacé par Defalco (alors Editeur en chef).
Recemment, la question lui a été posé sur Facebook sur ce qu’il avait prévu; il a répondu qu’il gardait ses idées au cas où elle pourrait lui servir.
Voilà ce qu’en a dit Simonson
I
had planned on doing a god/giant war involving many of the characters I was playing with at the time but got off the title before that storyline ever came to fruition. It’s possible–but I don’t remember now–that parts of the storyline of my final THOR plot were ‘borrowed’ from that original idea, although clearly, I didn’t use Hildy (shown in the annual drawing) and I’d obviously had additional ideas about using mortal weapons in that storyline.
TIME SLIP : THOR PAR BILL SIENKIEWICZ
Proposition d’une sorte de Reboot de Thor par Jack Kirby et Don Heck. Ragnarok a eu lieu et de nouveaux Dieux arrivent… Devant le peu d’entrain de Stan lee devant cete proposition. Kirby ne créera plus de personnages dans les séries Marvel, les gardant pour de futurs projets… C est donc devenu plus une ébauche de New Gods.
Kirby à ce sujet :
« A tweet from Tom Scioli: The connections to Thor are hinted at throughout New Gods, but I didn’t know Kirby explicitly stated it as a direct canonical link until I read this 1974 interview by Jonathan Bacon in the recent Jack Kirby Collector # 76. »
Couverture d’Uncanny X-Men Annual #9 (1985) par Arthur Adams & Walter Simonson (reconnaissable à sa signature en forme de brontosaure sur la corniche) :
PUB (Hulk aux abonnés absents, et pour cause puisque sa série venait alors juste d’être annulée au bout de seulement 6 numéros) :
Sean Howe (Marvel Comics: The Untold Story) : "This is it—with this advertisement, the Marvel Age truly began. The first branding of the “Marvel Comics Group.” The first mention of “The House of Ideas.” The first time this many characters from different titles shared a page.
From Fantastic Four #14, published February 12, 1963. "
Publicité parue dans les comics Marvel au début de la prestation de Simsonson…
… et déclinée en illustration :
Jim
Daredevil et Thor par Frank Miller :
Jim