Hop, hop, hop.
Je profite de votre discussion sur Spiro Anaconda pour… y revenir moi-même, après que Jim m’ait permis de découvrir les Spécial Zembla n°158, 159 et 160.
Bon, j’ai lu les autres récits du magazine, et j’admets ne pas tout aimer. J’ai apprécié Dharkhold pour son chevalier perturbé, mais le dessin ne m’a pas emballé. Kabur est une lecture agréable, tandis que le personnage qui donne son titre, Zembla, m’a laissé de marbre. Trop rempli d’un humour ou d’une décontraction qui ne me touchent pas.
Passons ici à Spiro Anaconda, donc !
J’ai découvert ici ce que le rédactionnel appelle les trois premiers épisodes, même si Jim dit plus haut que cela doit correspondre aux n°1, 2 et 4.
On a ici des petits récits, qui n’ont pas de « à suivre ». Essentiellement des scènes de vie, des « moments » qui permettent de définir le personnage et, un peu, son univers.
Qui est Spiro Anaconda, donc ?
Un chasseur de dragons, dans un monde d’Heroic-Fantasy qui surfe vaguement sur le post-apocalyptique. Un monde âpre, dur, violent, sans concession et sans justice.
Le premier épisode, « Regarde Spiro Anaconda !!! », montre la lutte de Spiro, au look assez paramilitaire, contre un dragon qui terrorise un village. Sauf qu’il découvre que le dragon est une dragonne qui protégeait son bébé, que les villageois veulent revendre pour leur profit. Spiro viendra délivrer la bête, pour qu’elle fuit en causant des dégâts, après avoir été chassé comme un malpropre.
Le deuxième épisode, « Divna », amène Spiro à recueillir une enfant mordue par une vipère alors qu’elle jouait avec ses camarades (avec des masques de dragon). Alors que les villageois se demandent qui il est, et le rejettent, Spiro soigne l’enfant et est remercié… puis on exige de lui son départ, car « on n’aime pas les chasseurs de dragons ! »
Enfin, le troisième épisode, « Drago Eden », en dit plus sur Spiro, qui confronte ici Drago Eden, son mentor, qui lui rappelle l’avoir recueilli dans un village anonyme, avec le jeune Spiro qui a pris le train en marche pour chasser les Dragons. Drago en a été fier mais s’emporte car Spiro « l’abandonne » en trouvant une femme… et Spiro, pour se défendre, doit tuer Drago, qui le remercie (de mettre fin à une triste vie).
Bon, que dire ?
J’ai passé de bons moments de lecture, ici. J’aime bien le principe de scènes de vie, de « moments » qui permettent de caractériser un personnage et un univers par petites touches. Je suis intimement persuadé qu’il est extrêmement difficile d’écrire des petits récits, de faire court, et Jim s’en sort bien, ici.
Très vite, Spiro est caractérisé efficacement, certes en invoquant des éléments bien connus, mais sans en faire un cliché. L’univers est abordé, sans en faire trop, et l’ensemble est froid, sombre, terrible.
Il y a une mélancolie générale, un sentiment d’abandon, de lutte perdue d’avance non pas contre les dragons mais un destin contraire qui est particulièrement intéressant. Ce n’est pas une série « positive », mais elle n’est pas déprimante. Spiro Anaconda est un personnage qui évolue, qui erre, qui subit mais qui avance ; même si on le rejette, toujours.
En pleine lecture, j’ai rapidement pensé à un phénomène récemment adapté sur Netflix : The Witcher / Le Sorceleur.
Je retrouve chez Spiro des éléments proches, avec ce chasseur de monstres (de dragons ici, précisément) rejeté de tous, mais embauché pour faire la besogne, avant d’être évacué comme un malpropre. Leurs existences sont tristes, brutales, violentes, solitaires, avec la perte d’êtres chers souvent par sa propre faute, ou par la faute de décisions pour tenter d’avoir « quelque chose » à eux.
Le parallèle me frappe assez, j’ignore si Jim connaît la franchise à l’époque, j’en doute car l’ensemble paraît avoir été publié fin des années 2000, en France.
Au niveau de la structure des histoires elles-mêmes, c’est efficace et prenant. J’admets que je n’ai pas immédiatement « capté » qu’il y avait un bébé dragon dans la première, et la troisième demeure finalement un monologue illustré… mais de quelle manière !
Cela me permet de parler de Toni Fetzula, qui dessine l’ensemble avec un style léché. Les deux premiers épisodes ont une approche « classique », mais de très haut niveau, avec des planches très solides, une narration efficace (un peu moins sur le premier, quand même) et un style sec, tranché qui fonctionne idéalement dans cette ambiance. Le dessinateur propose cependant un travail encore plus épatant dans le troisième épisode, avec un encrage plus massif, qui forme une ambiance extraordinaire et superbe, toutes en ombres intenses.
C’est top.
Spiro Anaconda, c’est en tout cas une belle découverte, de bons moments dans un univers (l’Heroic-Fantasy) avec lequel j’ai souvent du mal… et qui, aussi, « montait » quand même bien le niveau de Spécial Zembla. Sans être trop dur, je dois admettre que les autres productions m’ont paru plus faibles à côté, même si cela a été agréable de les découvrir.