Suite au lien posté par Marko, je reprends le cours de mes notes de lecture concernant la Légion des Super-Héros, série dont l’exploration m’avait bien occupé cet été.
Nous en étions resté aux épisodes #237, par Simonson, et #239, par Starlin. Ce dernier nous proposait une aventure où Ultra-Boy est accusé de meurtre. Dans une mise en scène assez dynamique, Starlin montrait comment ses coéquipiers sautaient un peu vite aux conclusions, ce qui ne manquait pas de susciter des tensions entre au sein de l’équipe, le tout sous le regard d’un comploteur masqué dont l’identité n’est pas révélée. Le scénariste-dessinateur, ici épaulé par Paul Levitz pour les dialogues, avait sans doute quelque chose en tête mais les lecteurs de la série n’ont pas eu la suite avant bien des numéros.
Les informations arrivent donc dans Superboy and the Legion of Super-Heroes #250. L’épisode est daté d’avril 1979, soit un an après l’aventure d’Ultra-Boy et arbore une couverture signée Joe Staton et Dick Giordano, illustration passe-partout qui provient sans doute d’un projet précédent ou sort d’un tiroir entassant les boulots « d’inventaire ».
Dès la première page, qui montre Chameleon Boy de garde, les textes renvoient à l’épisode de Starlin. Pourtant, l’histoire et les crayonnés sont signés d’un certain « Steve Apollo », dont l’œil du lecteur aguerri reconnaît pourtant le trait, sous l’encrage limpide de Dave Hunt.
Il est assez normal que Starlin ouvre son récit sur Chameleon Boy. En effet, dans l’épisode 239, le justicier durlanien explique à ses équipiers qu’il soupçonne l’identité du comploteur ayant incriminé Ultra-Boy, tout en précisant qu’il ne révélerait rien tant qu’il n’est pas sûr : si ça, ce n’est pas un appel à se faire attaquer, comme le remarque Brian Cronin !!!
Et ça ne manque pas, puisque Cham est retrouvé inconscient par Wildfire, ce qui permet de réaliser une séquence de flash-back reliant les deux récits. Suite à quoi le mystérieux comploteur apparaît dans les rangs des héros, les surprenant. Il s’agit en réalité d’un hologramme, dont la présence les désarçonne dans un premier temps.
C’est alors que retentit une alarme, avertissant d’un danger dans l’espace. Mon-El et Superboy s’envolent et rencontrent bientôt une créature appelée Omega, l’incarnation de la haine cosmique.
Le combat, réglé à la manière spectaculaire de Starlin qui n’a pas son pareil pour matérialiser les déchaînements de forces universelles, tourne en la défaveur de Mon-El, rapidement rapatrié et confié aux bons soins de Brainiac-5.
C’est à ce moment que Wildfire explique à ses équipiers les ressorts de l’affaire : l’être qui manipule Omega et qui précipite le combat vers le quartier général de la Légion (parce que, quitte à détruire l’univers, pourquoi ici et pas ailleurs ?), c’est Brainiac 5 ! C’est un peu là que les problèmes commencent, parce que l’histoire perd en cohérence.
En effet, plutôt que d’arrêter leur équipier visiblement frappé de démence, les Légionnaires, sur l’impulsion de Wildfire, semblent estimer que la priorité est d’empêcher Omega d’arriver sur Terre pour y semer le chaos. On peut légitimement penser que la menace que ce dernier représente l’emporte, mais tout de même, leur réaction est bizarre. Conclure un diptyque visiblement important, qui arrive dans un numéro « anniversaire », de cette manière est assez étrange.
Les étrangetés continuent dans le second volet, qui propose une couverture également signée Staton et Giordano et une page d’introduction dont le style n’est pas celui de Starlin, puisqu’elle est dessinée par Joe Staton (et visiblement encrée par Dave Hunt).
L’épisode lui-même est bizarrement construit : après la révélation du chapitre précédent, l’action débute sur Brainiac-5, qui affiche sa haine envers la Légion et l’univers tout entier avant de s’évanouir devant Karate Kid et Princess Projectra, pris d’une soudaine fièvre irrésistible.
Le récit continue dans l’espace, où les Légionnaires tentent de ralentir la progression d’Omega. Starlin livre des planches dynamiques comme on les aime, et se montre généreux en combat, en baston, en destruction.
Las, la créature de haine incarnée finit par arriver sur Terre. Franchissant tous les barrages posés par les héros, elle finit par faire face à Brainiac-5. Ce dernier, qui a créé Omega par le biais de la « Miracle Machine », menace de le faire disparaître en détruisant l’engin.
C’est alors que Omega explose et se disperse aux quatre vents. On découvre que Matter-Eater Lad a absorbé la « Miracle Machine », effort qui l’a plongé à son tour dans la folie. Le récit se conclut sur Brainiac-5 qui promet d’entamer son règne sur la galaxie, tandis que Superman et Wildfire discutent de leur rôle dans la société.
La situation est des plus détonnantes, mais le récit de Jim « Steve Apollo » Starlin s’arrête là, avec Matter-Eater Lad rendu fou et Brainiac-5 décidé à conquérir le monde. Dans le numéro suivant, Gerry Conway, nouveau scénariste, se charge en quelques pages de donner une suite à tout cela, les Légionnaires s’inquiétant de leur boulimique équipier et la sécurité arrêtant Brainiac avec douceur. Hop, évacué le problème.
Le fin mot de l’histoire se trouve dans le lien posté par Marko. Starlin, sur l’encouragement de son ami Al Milgrom, alors responsable éditorial chez DC, notamment de la Légion, avait pitché quelques idées d’histoires et l’une d’elles, à la suite de son épisode #239, devait constituer le menu d’un DC Special Series, une collection de numéros faisant soixante-quatre pages et proposant des aventures inédites de héros maison. Mais en 1979, suite aux problèmes logistiques de l’éditeur (connus sous le nom de « DC Implosion »), l’histoire de Starlin est abandonnée. Paul Levitz, sorte de dépanneur attitré de la Légion, reçoit les planches avec pour mission d’en faire quelque chose. Le scénariste, visiblement peu encombré par des considérations morales, décide de réécrire l’histoire, d’écarter plusieurs planches, et de découper le récit en deux épisodes. Starlin n’apprécie guère, mais la rupture survient quand il apprend que Joe Rubinstein, à qui il destinait ses crayonnés, n’est pas disponible, et que Dave Hunt prend le relais. Pour le dessinateur, c’est la goutte d’eau qui met le feu aux poudres, et il décide de se retirer du projet en signant sous pseudonyme.
De dépit, Starlin a vendu les planches qui n’avaient pas été utilisées par Levitz (et donc qui n’avaient pas été encrées). Un acheteur a demandé, en 2004, à Rubinstein de l’encrer, ce qui donne une idée de ce à quoi aurait pu ressembler ce récit s’il avait été réalisé par l’équipe prévue à l’origine (ci-dessus).
La série Superboy and the Legion of Super-Heroes a longtemps souffert d’un suivi éditorial défaillant, accumulant des retards, des lancements d’intrigues sans suite, une valse constante d’auteurs… Paradoxalement, l’arrivée de Jack C. Harris correspondra au début d’une sorte de stabilité, notamment grâce à la présence régulière de Gerry Conway au poste de scénariste. Mais il est frappant de constater que si Harris cherche à remplir ses magazines tout en donnant une conclusion à certaines intrigues, cela se fait au détriment du travail de certains auteurs.
Jim
Superboy #147 : Les origines de la Légion, et l’attentat contre R. J. Brande
Superboy and the Legion of Super-Heroes #221, 223, 224 et 227 : La saga de Pulsar Stargrave et Jim Shooter
Superboy and the Legion of Super-Heroes #237, par Paul Levitz et Walt Simonson
Superboy and the Legion of Super-Heroes #239, par Jim Starlin et Paul Levitz
Superboy and the Legion of Super-Heroes #240, par Paul Levitz, Jack C. Harris et Howard Chaykin
Superboy and the Legion of Super-Heroes #241 à 245 : « Earthwar », par Paul Levitz, Jim Sherman et Joe Staton
Legion of Super-Heroes #273, par Gerry Conway et Jimmy Janes : fin de la saga de Pulsar Stargrave
Legion of Super-Heroes: The Great Darkness Saga
Legion of Super-Heroes: An Eye For An Eye
The Legion by Dan Abnett and Andy Lanning, volume 2
Legion: Foudations, par Abnett & Lanning
Legion of Super-Heroes par Brian Michael Bendis