DERNIÈRES LECTURES COMICS

En ce moment, je me plonge dans l’histoire de la Légion des Super-Héros. Ce qui me permet de relire des choses compilées en TPB, mais aussi de lire, voire de découvrir, des épisodes ou des aventures qui ne sont pas rééditées.

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En évoquant « The Great Darkness Saga » dans la discussion sur les TPB de DC, j’ai évoqué rapidement ma découverte de « Earthwar », la précédente grosse épopée écrite par Paul Levitz. Je me dis qu’un petit retour dessus ne serait pas de trop.

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Resituons. Nous sommes en 1978, la série Superboy and the Legion of Super-Heroes est supervisée par Al Milgrom, qui vient de succéder à Denny O’Neil. Le règne de ce dernier est caractérisé par une grande valse d’auteurs, tant scénaristes que dessinateurs, ce qui n’aide pas à lancer des récits d’envergure ni même à donner une tonalité à une série. Avec Milgrom, il y a une volonté de stabiliser un peu. Les épisodes ont une pagination plus régulière, les auteurs changent moins souvent, même si, sur le long terme, la différence n’est pas énorme.

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Depuis quelque temps, la série est en partie illustrée par Jim Sherman, hélas encré par l’atroce Jack Abel, sans doute le seul encreur dont je déteste le travail plus encore que celui de Vince Colletta. Ses pages sont plates et sans relief. En revanche, quelques épisodes avant le début de « Earthwar », Sherman illustre deux récits (dans un même numéro), l’un encré par Bob McLeod et l’autre par Joe Rubinstein, et c’est une complète métamorphose. Les ombres envahissent les planches, les reliefs, les modelés, les éclairages sont riches et denses, Sherman livre des visages réalistes mais avec une touche de caricature (notamment de grands yeux), qui évoquent ce que fera plus tard Michael Golden. Avec McLeod, il y a une étincelle vivante, presque photographique, qui renvoie aussi à Neal Adams. Bref, c’est de premier ordre. C’est l’époque où la série est dessinée par Simonson, Starlin ou Chaykin (parfois mal encrés), et où le niveau remonte. Graphiquement, Sherman ne démérite pas, loin de là.

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L’épisode 241 débute en trombe : un commando de Légionnaires, menés par le bouillant Wildfire, se rend sur le Weber’s World, une planète artificielle hébergeant les négociations les plus importantes. En l’occurrence, ils doivent protéger une délégation de Dominators qui viennent discuter avec les Terriens. Dans la séquence d’ouverture, ils ratent de peu une femme, membre de la Science Police, venue leur donner une information vitale. Elle retrouve alors Brainiac 5, qui répond à une alerte urgente et embarque avec lui une autre équipe en direction de la Terre. La jeune femme (il s’agit en fait de Schvaughn Erin, qui fait ici sa première apparition mais qui aura un rôle grandissant dans la série) se retrouve seule, avec une information vitale et personne à qui la délivrer.

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Très rapidement, la situation dégénère. La Terre est attaquée par des Resources Raiders, tandis que les négociations sur Weber’s World semblent menacées par des terroristes. à la fin du premier épisode, on apprend que l’attaque sur Terre prépare en fait une invasion des Khunds, ces conquérants impitoyables. Dans le deuxième chapitre, les Légionnaires missionnés sur le Weber’s World commencent à entretenir des doutes à l’égard du diplomate qui les accueille et de son chef de la sécurité.

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Les deux premiers épisodes sont donc réalisés par Jim Sherman et Bob McLeod, qui livrent ensemble un travail séduisant, pour dire le moins. McLeod utilise un grand nombre de trames, notamment afin de marquer les ombres sur les visages, et c’est d’une efficacité étourdissante. C’est dynamique, exagéré comme doit l’être un récit de super-héros, expressif, contrasté. L’action est rapide, on ne voit pas passer la vingtaine de pages du récit principal (la série comprend des back-ups, belle astuce pour fournir le nombre de pages requis sans épuiser les dessinateurs).

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Paul Levitz signe, comme souvent, des transitions d’une scène à l’autre assez abrupte, frisant parfois la maladresse (une page se termine sur Chameleon Boy mis en joue, la suivante s’ouvre sur une explosion, il faut attendre la deuxième case pour comprendre qu’on a changé d’action).

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Hélas, Sherman quitte la série à ce moment. La légende veut qu’il n’ait pas apprécié la tournure du récit, et notamment la révélation du méchant, cerveau de l’affaire. Il part dessiner quelques comics chez Marvel, puis travailler dans la publicité, notamment auprès du studio Continuity de Neal Adams. Dommage, les quelques épisodes de Legion qu’il réalise avec McLeod témoignent d’un potentiel narratif incroyable.

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En fait, c’est dans un tel contexte qu’on se rend compte qu’il manque, dans l’histoire éditoriale de la Légion, une grande période d’unité. On peut expliquer le succès de la « Great Darkness Saga » à la lumière de cette réalité. L’équipe éditoriale, dans les années 1970, n’a pas été en mesure d’associer des auteurs à des intrigues sur le long terme (si j’ai l’occasion, je viendrai dire un mot du personnage de Pulsar Stargrave, qui témoigne de ce constant jeu de chaises musicales). Avant Levitz et Giffen, la Légion n’a pas l’équivalent de la trilogie de Galactus ou de la guerre Kree-Skrull. C’est un souci que l’on peut élargir à l’ensemble de la production DC. Des sagas aussi célèbres que celle de Ra’s al Ghul ou celle de Man-Bat ont été publiées de manière disparate. Et il est regrettable que « Earthwar » n’ait pas bénéficié d’un style graphique stable, et que le tandem Sherman / McLeod n’ait pas profité d’un environnement éditorial propice.

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Au troisième chapitre, c’est Joe Staton qui rejoint Levitz. Dessinateur solide, il a moins de panache, mais il sait raconter une histoire. Hélas, il n’est pas accompagné de McLeod. Les trois épisodes qu’il réalisera seront encrés par Jack Abel, Frank Giacoia puis Murphy Anderson. Si l’on sent un mieux évident au fin de ces trois chapitres, la rupture graphique est violente.

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Levitz continue son intrigue. Il dévoile de fausses pistes, orientant notamment vers le Dark Circle, un conclave de criminels cagoulés qu’on a déjà vu traîner dans les parages (notamment dans l’épisode dessiné par Starlin et encré par Rubinstein, quelques mois plus tôt). La situation sur Terre empire, la planète étant attaquée par les Khunds. La Légion bat le rappel des troupes, réservistes et suppléants compris. Ça bastonne bien, et la chute des défenseurs, l’un après l’autre, a une véritable émotion.

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Tous les soupçons se tournent vers le diplomate du Weber’s World, dont l’identité réelle est révélée à la fin de l’épisode 244 : il s’agit de Mordru, qui vient de s’évader (c’était ça, la fameuse nouvelle que Shvaughn Erin était venue apporter).

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Le dernier chapitre, qui raconte le combat contre le tyran sorcier, est plus classique, ressemblant à un de ces récits à chute dont la Légion était spécialiste dix ans plus tôt. La présence de Murphy Anderson à l’encrage ne fait que renforcer cette sensation « vintage ». Ça marque aussi une petite rupture par rapport au contexte politique des quatre premiers chapitres, mais le récit a au moins le mérite de montrer un Mordru vraiment menaçant, ce qui ne m’avait jamais semblé vraiment évident.

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L’ensemble de la saga est plutôt rondement mené, et assez agréable. Les dialogues ne sont pas trop bavards ni répétitifs. La structure du récit annonce déjà celle de la « Great Darkness Saga », comme s’il s’agissait ici d’une première ébauche (ou comme si l’épopée suivante n’était qu’un remake). Levitz convoque déjà tous les personnages de la série (le récit marque même un changement dans les statuts de la Légion, qui accepte désormais les couples mariés), mais la narration rend l’ensemble particulièrement digeste.
Une lecture très agréable qui mériterait une réédition, je crois.

Jim

Superboy #147 : Les origines de la Légion, et l’attentat contre R. J. Brande
Superboy and the Legion of Super-Heroes #221, 223, 224 et 227 : La saga de Pulsar Stargrave et Jim Shooter
Superboy and the Legion of Super-Heroes #237, par Paul Levitz et Walt Simonson
Superboy and the Legion of Super-Heroes #239, par Jim Starlin et Paul Levitz
Superboy and the Legion of Super-Heroes #240, par Paul Levitz, Jack C. Harris et Howard Chaykin
Superboy and the Legion of Super-Heroes #241 à 245 : « Earthwar », par Paul Levitz, Jim Sherman et Joe Staton
Legion of Super-Heroes #273, par Gerry Conway et Jimmy Janes : fin de la saga de Pulsar Stargrave
Legion of Super-Heroes: The Great Darkness Saga
Legion of Super-Heroes: An Eye For An Eye
The Legion by Dan Abnett and Andy Lanning, volume 2
Legion: Foudations, par Abnett & Lanning
Legion of Super-Heroes par Brian Michael Bendis