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Il y a quelques mois, j’ai acheté le tome 2 de The Legion by Abnett & Lanning, en me disant que je prendrais le 1 sans attendre. Et puis j’ai oublié, tout ça. Ensuite, je me suis dit, en retrouvant ce tome chez moi, que j’allais attendre d’avoir les deux pour les lire. Et puis j’ai lu la quatrième de couverture, découvert que ce tome contenait l’ensemble de la mini-série Legion Lost, et que, finalement, ça valait sans doute le coup de me plonger dedans.

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Et purée, quelle claque. L’une des meilleures lectures du semestre, au moins. Et assurément ce que j’ai lu de mieux sur la Légion depuis… que je lis des trucs sur la Légion assidûment, ces dernières semaines.

Bon, pour resituer, l’action enquille sur la fin de la série précédente, dans laquelle la galaxie était assaillie par la race des Blight, sorte de zombies cybernétiques que les lecteurs francophones connaissent, comme moi, par l’album Semic. Je n’avais pas continué à lire la série après sa publication (et mon départ de la rédaction), donc je n’avais guère d’idée de la manière dont l’affaire s’était résolue.

En matière d’explication, Abnett et Lanning n’en donnent guère en ouverture de leur premier épisode. On suit Shikari of the Path, une extraterrestre à l’allure d’insecte volant, qui fuit des chasseurs ayant déjà abattu deux des siens. Elle trouve refuge dans l’épave d’un vaisseau dont elle ne connaît pas l’insigne, mais que nous, lecteurs, reconnaissons pour appartenir à la Légion.

En avançant dans l’épave, elle déclenche un enregistrement automatique. La silhouette d’Element Lad apparaît, donnant les explications dont les lecteurs ont besoin : en gros, une équipe de Légionnaires a réussi à refermer la déchirure dimensionnelle qui menaçait la galaxie, mais s’est retrouvée du mauvais côté de la barrière. Jan Arrah, utilisant ses pouvoirs, a donc enfermé ses équipiers dans des cocons de Tromium, afin de les préserver de l’environnement hostile, puis a utilisé ses pouvoirs afin de se transmuter dans la même matière et de calculer une éventuelle trajectoire de retour. La mise en scène nous laisse entendre que les différents enregistrements que Shikari écoute ont été archivés à plusieurs époques différentes, Jan apparaissant de plus en plus mal fagotté, fatigué et désespéré.

L’enregistrement explique également à la créature qui l’a actionné qu’un traducteur télépathique automatique s’est enclenché afin de passer les informations sans passer par le langage. L’information, qui relève de l’idée astucieuse mais dans un premier temps décorative (cet « effet de réel » que les auteurs cherchent tous), s’avère bientôt très fructueux. En effet, l’intrusion de Shikari, et de ses poursuivants, membres de la race des Progeny, a provoqué l’ouverture des cocons dans lesquels les Légionnaires étaient protégés. Et là, on a droit à une astuce narrative assez formidable : les héros, dont on attendait le retour, parlent dans une langue incompréhensible pour les lecteurs. C’est logique, nous sommes, depuis la première page, dans le point de vue de l’étrangère qui vient d’entrer dans l’épave. Il faut donc attendre quelques cases, le temps pour Saturn Girl d’offrir à la nouvelle venue un plug auditif, pour que le dialogue puisse s’établir et les lecteurs savoir ce que racontent les Légionnaires. Brillant.

Bien vite, les Légionnaires et leur nouvelle amie, qu’ils feront membre honoraire, se retrouvent face aux Progeny. La grosse altercation de l’épisode suivant, de laquelle ils sortent triomphants, sera l’occasion de poser les bases de ce coin de l’univers dans lequel ils sont perdus : la race de Progeny y fait régner la terreur, exterminant (« effaçant », même) toutes les races qu’ils considèrent comme « variantes », ou impures. Ces eugénistes de l’espace ne sont pas du goût des Légionnaires, en particulier Monstress, à qui Abnett et Lanning donnent une voix et un tempérament doux et attentionné (j’imagine qu’elle était caractérisée ainsi par les scénaristes précédents, mais le tandem lui accorde une attention toute particulière).

Dans le deuxième chapitre, donc, les Légionnaires affrontent les troupes des Progeny, et leurs pires craintes se confirment : ils ne savent pas où ils sont et tous les relevés indiquent qu’ils se trouvent… très très très loin de chez eux. Si loin que même l’intellect de douzième niveau de Brainiac ne parvient pas à calculer ce que cela représente, et que, même s’ils savaient vers où se diriger, un voyage de retour ne leur permettrait pas d’arriver chez eux de leur vivant. Bref, ils sont dans la panade.

La série s’oriente donc vers un récit de voyage, de fuite en avant. Emportant les restes de leur « Outpost », qu’ils soudent à des morceaux de vaisseaux des Progeny, ils se rendent d’abord auprès de la race de Shikari. La confrontation avec l’étrangère est une occasion pour eux de rencontrer une autre culture, de découvrir la spécificité de leur nouvelle amie, et de revisiter leur priorité. Mais dès ce troisième épisode, on sent bien que des failles commencent à se creuser dans la cohésion du groupe.

Le scénario prend l’allure d’une quête initiative, mais au lieu de se serrer les coudes et de grandir, les héros, imperceptiblement, se séparent, dépriment, perdent confiance. S’accrochent à des petits riens. Kid Quantum est par exemple persuadée qu’Element Lad a fusionné avec les cristaux de Tromium qu’elle a trouvée et qu’il va bientôt en ressortir.

Le retour de Drake, dont ils parviennent à replacer les énergies au sein d’une armure, sert momentanément de ciment au groupe, le bouillant Wildfire apportant son énergie et son franc-parler. Mais ça ne suffit pas à les remotiver, car ils sentent bien que les options se font rares. En filigrane, on a également un groupe de héros optimistes venus d’une période lumineuse et naïve de l’histoire des comic books, qui cherche à quitter un univers où ils incarnent l’étranger, la victime. Très jolie manière de parler du « grim & gritty » sans renoncer aux idéaux de la Légion.

Chaque épisode est écrit en proposant le point de vue d’un Légionnaire, ce qui permet de les connaître un peu mieux (le dessin est confié à Olivier Coipel et Pascal Alixe, qui alternent à ce poste, alors que, dans la version précédente de la série, ils semblaient dessiner à quatre mains). Là où Abnett et Lanning sont astucieux, c’est que les véritables révélations n’arrivent jamais dans les épisodes concernés. Par exemple, ce n’est pas dans l’épisode consacré à Braniac que l’on apprendra qu’il fait semblant de travailler afin de donner le change, alors qu’il n’a aucune donnée solide sur laquelle progresser et que rester inactif le ferait sombrer définitivement. Cela confère un rythme assez intense à la série et permet de réserver des surprises malgré tout.

Dans le cinquième épisode, les Légionnaires, faisant confiance aux pouvoirs « d’éclaireur » de Shikari, se retrouvent face à une pyramide flottant dans le vide. Ils y découvrent les restes d’un groupe de Progeny, et comprennent que ce qu’ils prenaient pour un portail dimensionnel est en fait une prison où est retenue une créature monstrueuse, l’Omniphagos. Ils sont donc obligés de refermer le portail sur lui, et dans le même temps un espoir supplémentaire s’évanouit.

L’épisode 6 constitue un tournant. Alors que tout le monde déprime, Saturn Girl décide d’utiliser ses pouvoirs télépathiques afin d’aider ses équipiers à surmonter leurs angoisses. Elle tente l’expérience sur Umbra, mais ça tourne mal. Saturn Girl tombe dans le coma et Umbra, délestée de ses remparts mentaux, quitte le vaisseau et se rend sur la planète la plus proche. Elle est secourue par Ultra Boy et quelques autres, et tous se retrouvent face à un surhomme qui tente de protéger sa ville.

Il s’avère très vite que le surhomme en question, Singularity, est en fait seul sur ce monde, et vit dans une illusion maintenue par des particules microscopiques aux vertus télépathiques (ou hallucinogènes). Sur cette idée déjà intense, Abnett et Lanning en greffent une autre : en switchant sur « invulnérabilité », Ultra Boy, qui ne peut utiliser qu’un seul super-pouvoir à la fois, se retrouve protégé de l’effet des particules, et comprend que tout ceci n’est qu’illusion (enfin, c’est Brainiac qui comprend, je vais vite). Et pendant qu’ils cherchent à débrancher l’illusion (ce qui n’est pas du goût de Singularity, qui comprend que la civilisation qui l’a créé l’a aussi abandonné), sur l’Outpost, les autres Légionnaires voient arriver un vaisseau qui les accoste. Et dans ce vaisseau, ils découvrent leurs amis : Element Lad, Cosmic Boy… Ça y est, ils sont sauvés !

Toujours dans le coma, Saturn Girl rêve. Dans ses rêves, elle voit les Progeny, et surtout, elle voit la silhouette, assise sur son trône, de leur créateur, le Progenitor. Ces séquences, présentées dans un premier temps comme l’expression de l’angoisse de la fondatrice du groupe, auront une importance par la suite.

Les deux groupes de Légionnaires, tout à la joie de se retrouver, travaillent ensemble à sortir Saturn Girl du coma. Les retrouvailles et la perspective du retour redonnent de l’énergie à tout le monde, y compris Brainiac qui travaille d’arrache-pied à comprendre le problème de Saturn Girl (les particules télépathiques de la planète entrent dans l’équation) et cherche à résoudre les difficultés liées à la réanimation de son équipière.

Et alors qu’il parvient à redonner à Umbra sa cohésion mentale et à sortir Saturn Girl de son état, Brainiac voit… l’autre équipe de Légionnaires s’évanouir. La vérité s’impose à eux : ce n’étaient que des constructions mentales liés à la fièvre de Saturn Girl. Inutile de dire que le moral des troupes retombe.

Nous sommes dans l’épisode 8. Les Légionnaires sont effondrés. La solidarité dans le groupe se dissipe. Et les choses empirent quand ils découvrent que les peuples de cette zone de l’univers fuient devant l’assaut des Progeny.

Je ne vous raconterai pas les quatre derniers épisodes, qui proposent de très chouettes retournements de situation, de révélations, des scènes choc, du drame, des combats aux dimensions grandioses, un vrai sens de l’épopée et un sacrifice final pas piqué des hannetons. Disons simplement que c’est un énorme morceau, qui aborde des thèmes classiques dans la SF et le genre super-héroïque, mais avec un bonheur sans partage, en grande partie dû à la caractérisation au cordeau des personnages. Vraiment, une totale réussite.

La série se clôt sur la promesse du départ des Légionnaires, en direction de chez eux. Mais les auteurs ne montrent rien. Ils laissent le retour des héros aux premières pages de la nouvelle série Legion. Entre-temps, si je comprends bien, il y a aussi les six numéros de la mini-série Legion Worlds, dont je n’ai pas l’impression qu’ils aient été compilés. Puis la série Legion, d’abord dessiné par Olivier Coipel, et dont seule la dernière partie, illustrée par Chris Batista, a été rééditée, apparemment. J’ai un « Monster Edition » en allemand reprenant le début de cette série, mais ma maîtrise de la langue de Goethe ne me permet pas de savourer les subtilités des dialogues, je me contente de comprendre les intrigues (et ça a l’air très bien). J’espère que le reste de la prestation d’Abnett et Lanning sera compilé un jour (même si j’ai l’impression que cette Legion Lost en constitue le morceau le plus goûtu).

Jim

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